Nucléaire : Emmanuel Macron s’inscrit « dans la continuité », estiment les sénateurs

Nucléaire : Emmanuel Macron s’inscrit « dans la continuité », estiment les sénateurs

Le chef de l’Etat s’est rendu ce mardi sur le site industriel du Creusot pour soutenir la filière du nucléaire, quelques jours après avoir livré chez Brut un plaidoyer en faveur de l’énergie atomique. Au Sénat, la prise de position est saluée à droite, vilipendée à gauche.
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Par Pierre Maurer

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« Nous, on produit une électricité qui est parmi les plus décarbonées au monde, grâce à quoi ? Grâce au nucléaire ». Lors de son entretien fleuve à Brut vendredi dernier, Emmanuel Macron n’a pris aucun détour, assurant son entier soutien à la filière nucléaire.  « Le nucléaire m’importe. Le nucléaire, c’est de l’emploi et c’est de l’énergie. Je ne suis pas antinucléaire. Je l’ai toujours dit avec beaucoup de force », a-t-il martelé. Ce mardi, le président de la République s’est rendu sur le site industriel du groupe Framatome du Creusot (Saône-et-Loire) pour réaffirmer son appui au nucléaire civil et militaire. L’entreprise fabrique sur son site des cuves à la fois pour des réacteurs civils et pour des réacteurs utilisés dans la propulsion navale militaire. « Notre avenir écologique et énergétique passe par le nucléaire », y a réaffirmé le chef de l’Etat, annonçant par ailleurs un successeur à propulsion nucléaire au porte-avions Charles de Gaulle.

« Tant mieux ! », se réjouit Gérard Longuet, qui n’est pas surpris par cette prise de position affirmée. « Il n’a jamais été contre le nucléaire. J’en avais déjà discuté avec lui en 2012 quand il était encore secrétaire général adjoint de l’Elysée sous François Hollande », dévoile le sénateur Les Républicains. Le vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) salue donc la politique du chef de l’Etat. « Il a déjà repoussé de 10 ans la baisse de la part du nucléaire dans le mix énergétique, c’est une bonne chose », remarque-t-il. Vendredi, Emmanuel Macron a en effet rappelé que cet objectif de 50 % de nucléaire contre 75 % aujourd’hui dans le mix énergétique national, fixé à 2025 par François Hollande, a été repoussé de dix ans au début du quinquennat « pour qu’il soit réaliste ». « Aller au Creusot c’est montrer que le nucléaire français a de l’avenir », abonde le sénateur de la Meuse, qui ajoute que la filière, un « savoir faire industriel Français », est une « affaire qui tourne ». Néanmoins, Gérard Longuet formule deux points à améliorer. « La pyramide des âges des centrales n’est pas assez équilibrée », car la France a « peut-être » construit « trop et trop vite ». Et la taille des réacteurs devrait être « plus variée ».

Comme Emmanuel Macron, il estime que le nucléaire est la « condition » des énergies renouvelables, jugées « intermittentes et aléatoires ». « Le nucléaire ne l’est pas », affirme le sénateur. « Moi, j’ai besoin du nucléaire. Si je ferme le nucléaire demain, qu’est-ce que je fais ? Le nucléaire est une énergie décarbonée non intermittente. Je ne peux pas le remplacer du jour au lendemain par du renouvelable. Ceux qui disent ça, c’est faux », a jugé Emmanuel Macron dans son entretien à Brut, en pointant du doigt les éoliennes et les panneaux solaires.

Emmanuel Macron ménage « la chèvre et le chou »

« Je ne suis pas d’accord ! », rétorque la sénatrice socialiste Angèle Préville. « Le renouvelable est très prévisible, les panneaux photovoltaïques particulièrement », souligne-t-elle, fustigeant une vision « populaire » de l’intermittence qui « n’intègre pas toutes les innovations technologiques » comme les réseaux informatiques. Du reste, elle trouve que le président de la République « ménage la chèvre et le chou » en matière de nucléaire : « Il s’inscrit dans la réduction décidée sous le précédent quinquennat. Il ne change rien. Il ne fait que suivre la loi. Il est dans la continuité. » Elle salue tout de même la concrétisation de la fermeture de la centrale de Fessenheim, mais regrette que « l’accent ne soit pas suffisamment mis sur le développement des énergies renouvelables. Dans le plan de relance il n’y a pas grand-chose pour les énergies renouvelables. Et dans le stockage d’électricité verte on a encore tout à faire… », déplore-t-elle. Elle aurait aimé en entendre plus sur l’hydroélectricité qui représentent 12 % de la production électrique française, domaine qui n’a été qu’effleurée par Emmanuel Macron dans son entretien. « Ça, c’est important, l’hydroélectricité, on se bat vis-à-vis de l’Europe, là-dessus », a dit le Président. La visite au Creusot a été précédée dans la matinée d’un Conseil de défense écologique, le septième depuis le début du quinquennat, consacré en particulier à l’éolien terrestre, notamment sur « une répartition harmonieuse sur le territoire » pour éviter « des concentrations qui créent des tensions ».

La sénatrice du groupe du Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants pense quant à elle qu’Emmanuel Macron « a raison d’évoquer le nucléaire ». « On ne pourra pas s’en passer demain », veut-elle croire. Et « il faut apprendre à démanteler l’ancienne génération de centrales », prévient la sénatrice du Haut-Rhin, qui compte l’ancienne centrale de Fessenheim sur sa circonscription. Elle plaide pour « une université des métiers du nucléaire » et un centre d’apprentissage des soudeurs, qui manquent à la filière. « On ne peut pas faire que des vélos et des véhicules électriques », ajoute-t-elle, estimant que le nucléaire est une « sécurité » et permet « l’autosuffisance ». Elle rappelle que « le nouveau nucléaire est porteur d’emplois ». Le secteur compte déjà « 220 000 emplois » et près de « 3000 entreprises ». Selon elle, ces emplois « non délocalisables » sont un « avantage ». « On sera innovants sur le nucléaire, promet-elle, mais il faut aussi parler d’économie d’énergie : quand je vois les clims en été… » Une politique engagée par le gouvernement avec son plan de relance consacrant près de 6,7 milliards à la rénovation énergétique des bâtiments.

Du « nucléaire dans le biberon »

En attendant, le sénateur écologiste Ronan Dantec n’est pas convaincu, et fustige cette « croyance française dans le nucléaire », alors que « tous les signaux montrent que c’est une impasse ». Il se rassure presque de l’absence d’annonce de la part d’Emmanuel Macron au Creusot sur la construction de nouveaux EPR. Le 5 novembre, le gouvernement avait dit n’avoir pris « aucune décision » quant à la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, après la publication d’un document évoquant la possible mise en service de six nouveaux EPR d’ici 2044. Aucune décision pour la filière EPR ne sera prise avant la mise en route de l’EPR de Flamanville, prévue mi-2023 au plus tôt, indique désormais l’Elysée. Ce qui fait dire à Ronan Dantec : « Je serais un acteur du secteur du nucléaire, je m’inquiéterais ». Il regrette que la France n’axe pas pleinement sa stratégie énergétique sur le photovoltaïque, « désormais bien moins cher que le nucléaire ». Mais Emmanuel Macron « reste un pro nucléaire, élevé avec du nucléaire dans le biberon, un pur produit d’une techno structure française qui a besoin d’une grosse machine centralisée », cingle-t-il, et le panneau photovoltaïque « n’amuse pas les ingénieurs français ».

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