Obligation vaccinale, passe sanitaire : ce que permettent les textes de loi

Obligation vaccinale, passe sanitaire : ce que permettent les textes de loi

Alors qu’un nouveau Conseil de défense s’est tenu ce mercredi, et à quelques heures de l’allocution du président de la République, focus sur les bases juridiques de l’obligation vaccinale des soignants et des modalités d’utilisation du passe sanitaire.
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Après plusieurs jours de consultation du gouvernement sur l’obligation vaccinale au covid-19, Public Sénat fait le point sur ce qui est possible en l’état actuel de la législation, mais également les modalités de fonctionnement du passe sanitaire.

Au chapitre de la vaccination, il existe plusieurs antécédents et une jurisprudence. Actuellement, le personnel soignant travaillant dans des établissements de santé ou hébergeant des personnes âgées « doit être immunisé » contre un certain nombre de maladies, comme l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos ou encore la poliomyélite. L’obligation est posée dans l’article L1311-4 du Code de la santé publique. Etendre cette obligation au covid-19 nécessiterait donc une modification législative. L’article précise par ailleurs que cette obligation tient compte « des contre-indications médicales ». Un article du même code punit d’une contravention de 5e classe le fait d’exercer une activité professionnelle exposant à des risques de contamination dans un établissement de santé sans être immunisé contre les maladies listées à l’article L1311-4.

Il est précisé que le gouvernement peut, sur simple décret, suspendre certaines de ces obligations « compte tenu de l’évolution de la situation épidémiologique et des connaissances médicales et scientifiques ». C’est ce qu’il s’est passé en 2006 avec l’obligation vaccinale contre la grippe, par exemple.

Onze vaccinations obligatoires pour les enfants depuis 2018

Quant à la population générale, la loi du 30 décembre 2017 impose onze vaccinations obligatoires (contre trois auparavant), là aussi, « sauf contre-indication médicale reconnue ». Ces nouvelles obligations vaccinales concernent les enfants nés à compter du 1er janvier 2018. Une preuve vaccinale doit être fournie pour accéder aux écoles, garderies ou encore les colonies de vacances.

Il existe également une obligation vaccinale valable uniquement en Guyane. « Sauf contre-indication médicale », la vaccination contre la fière jaune est obligatoire pour toute personne âgée de plus d’un an, qui y réside ou y séjourne.

Sur l’obligation vaccinable, il est également important de faire référence à l’article L1111-4 du Code de la Santé publique. L’article dispose qu’ « aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne ». Mais le même article pose aussi une limite à ce principe. « Les dispositions du présent article s’appliquent sans préjudice des dispositions particulières relatives au consentement de la personne pour certaines catégories de soins ou d’interventions. »

La protection de la santé a une valeur constitutionnelle, elle est inscrite dans le préambule de la Constitution de 1946. En 2015, le Conseil constitutionnel avait rejeté une question prioritaire de constitutionnalité portée par deux parents qui contestaient les trois vaccinations obligatoires pour leur enfant. Plus récemment, le 8 avril 2021, la Cour européenne des droits de l’homme a donné tort à des parents qui refusent la vaccination infantile obligatoire. L’arrêt indique : « On ne saurait estimer disproportionné le fait qu’un État exige, de la part de ceux pour qui la vaccination représente un risque lointain pour la santé, d’accepter cette mesure de protection universellement appliquée, dans le cadre d’une obligation légale et au nom de la solidarité sociale, pour le bien du petit nombre d’enfants vulnérables qui ne peuvent pas bénéficier de la vaccination. »

Concernant les quatre vaccins contre le covid-19 autorisés en France, tous ont suivi les trois phases d’expérimentation avant leur commercialisation. « On n’est clairement pas dans un cadre d’expérimentation médicale », a estimé Diane Roman, professeure à l’école de droit de l’université de la Sorbonne, citée par le Quotidien du médecin. Philippe Ségur, professeur de droit public à l’université de Perpignan, fournit une autre interprétation et souligne que les autorisations de mise sur le marché ont été conditionnelles et que les rapports d’étude cliniques finaux sont attendus pour 2022 ou 2023, selon les vaccins. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) rappelle de son côté que cette autorisation de mise sur le marché conditionnelle « rassemble tous les verrous de contrôles d’une autorisation de mise sur le marché standard pour garantir un niveau élevé de sécurité pour les patients ».

Les activités du « quotidien » pas concernées par le passe sanitaire, selon l’interprétation du Conseil d’Etat

Comme pour l’étendue de la vaccination, des interrogations pourraient se poser sur l’utilisation du passe sanitaire, dans le but de freiner la progression du variant delta du covid-19. Les modalités de son utilisation sont expliquées à l’article 1 de la loi du 31 mai 2021, « relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire ». L’article « subordonne » l’accès du public à « certains lieux, certains établissements ou événements impliquant de grands rassemblements de personnes pour des activités de loisirs ou des foires ou salons professionnels » à certains documents. La preuve d’une vaccination au covid-19 (vaccination complète depuis plus de 15 jours) n’est pas la seule option disponible pour constituer ce qu’il est coutume d’appeler le « passe sanitaire ». Le résultat d’un test virologique (moins de 48 heures) ou un certificat de rétablissement de la maladie peuvent en constituer également une. Il faut également noter que le recours au passe sanitaire ne pourra se faire que jusqu’au 30 septembre, sauf à modifier la loi au Parlement.

Dans cet article, la notion de « grands rassemblements » est essentielle. Dans une ordonnance rendue le 6 juillet 2021, le Conseil d’Etat, la plus haute juridiction administrative, a rappelé que « les activités quotidiennes ou l’exercice des libertés de culte, de réunion ou de manifestation » n’étaient pas concernés par le passe sanitaire. Par activités du quotidien, il faut comprendre les accès aux entreprises, aux magasins ou encore aux restaurants, selon le juge des référés saisi. Une extension des catégories d’établissement ou d’évènements devrait donc passer par une modification de la loi.

Contrairement à ce qui était demandé par de nombreux parlementaires, la loi ne précise aucun seuil à partir duquel la présentation d’un passe sanitaire est obligatoire. Cette rédaction avait passé le filtre du Conseil constitutionnel. « En réservant l’application des dispositions contestées aux cas de grands rassemblements de personnes, le législateur, qui n’avait pas à déterminer un seuil minimal chiffré, n’a pas méconnu l’étendue de sa compétence », ont souligné les Sages.

L’article 1er de la loi de gestion de la sortie de la crise sanitaire précise par ailleurs que la réglementation est « appliquée en prenant en compte une densité adaptée aux caractéristiques des lieux, établissements ou événements concernés, y compris à l’extérieur, pour permettre de garantir la mise en œuvre de mesures de nature à prévenir les risques de propagation du virus. »

Plusieurs décrets ont été publiés pour préciser les modalités. Pour les évènements culturels ou encore sportifs, le recours au passe sanitaire se déclenche à partir de 1 000 participants. En revanche, pour les discothèques, l’obligation démarre dès la présence de 50 clients. Le 8 juillet, elle a été étendue aux bars dansants.

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