Pacs transférés aux mairies : « Une raison de plus de rendre les maires un peu nerveux »

Pacs transférés aux mairies : « Une raison de plus de rendre les maires un peu nerveux »

La gestion des Pacs est transférée des tribunaux d’instance aux communes. S’il s’agit de simplifier les démarches pour les citoyens, les maires dénoncent une surcharge par un nouveau transfert de compétence sans contrepartie financière. Les grandes villes sont surtout concernées.
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Depuis mercredi 1er novembre, les mairies ont une nouvelle tâche à leur charge. Elles seront dorénavant responsables de l’enregistrement des Pactes civils de solidarités (Pacs), à la place des tribunaux d’instance. Ils seront enregistrés, modifiés ou dissous en mairie. C’est l’une des mesures de la loi justice du XXIe siècle, votée en 2016 sous François Hollande, dont le but est de simplifier les démarches pour les administrés et de désengorger les tribunaux. Un transfert qui passe mal chez certains édiles, déjà sous pression depuis plusieurs années avec la baisse des dotations de l’Etat.

« On remercie l’Etat de désengorger les tribunaux et d’engorger les mairies » peste François Zocchetto, maire UDI de Laval, en Mayenne. Il est « mécontent ». La mesure est une mauvaise nouvelle pour sa mairie. « D’un point de vue pratique, on a pris les dispositions pour assumer cette nouvelle tâche. On est capable de le faire dans une ville comme Laval, on a un service d’état civil constitué. Mais c’est une nouvelle fois un transfert de charge sans contrepartie financière. C’est très difficile à accepter » affirme l’ancien sénateur de la Mayenne.

Double peine

Surtout que pour sa ville, c’est un peu la double peine. « Dans une ville chef-lieu comme Laval, on récupère aussi tout le stock de Pacs prononcé dans le département de la Mayenne pour leur gestion future. C’est lourd et on ne touche pas un centime de l’Etat pour ça » lance François Zocchetto.

284 communes où siège un tribunal d’instance, comme Laval, sont concernées. Pour la préfecture de la Mayenne, 50.000 habitants, cela représente 6.638 Pacs à transférer du tribunal d’instance, auxquels s’ajoutent 5.302 Pacs en cours, d'après les chiffres de l'Association des maires de France (AMF). « La surcharge correspond à un ou deux agents supplémentaires. Mais on ne veut pas embaucher, on doit réduire. Ça voudra donc dire qu’un autre travail ne sera pas fait. On n’avait pas besoin de ça », grince le maire. Il ajoute : « C’est caricatural comme approche. Ça illustre très bien le désengagement de l’Etat et le transfert de charge sans contrepartie ».

« La grande majorité des communes n’est concernée par les Pacs que très marginalement »

L’étude d’impact, qui avait accompagné la loi, se voulait pourtant rassurante. « Le volume des Pacs dans l’ensemble de l’activité d’état-civil doit être relativisé » selon l’étude. On compte 1,6 million d’actes (décès, mariage, etc) impartis aux mairies en 2012 pour 168.000 Pacs pour l’année 2013.

De plus, « la grande majorité des communes n’est concernée par les Pacs que très marginalement. Une concentration s’observe dans les très grandes villes. Ainsi les Pacs enregistrés par les tribunaux d’instance en 2014 concernaient 17.750 communes pour moins de 10 Pacs ; 46 communes étaient concernées par 200 Pacs ou plus. (…) Les plus grosses communes concentreront la majorité des enregistrements mais sont déjà dotées de services d’état civil étoffés et très professionnalisés » souligne l’étude d’impact.

« Les compétences exercées pour le compte de l’Etat ne sont pas compensées »

Reste qu’après un été marqué par la grogne des élus locaux, l’inquiétude se ressent sur le terrain. « Les maires de mon département de la Seine-et-Marne m’ont alertée » raconte la sénatrice LR du groupe Les indépendants, Colette Mélot. La semaine dernière, elle a interpellé le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, lors des questions d’actualité au gouvernement du Sénat. « C’est certainement un service rendu aux administrés et un allégement du travail des tribunaux » reconnaît-elle, « mais c’est un alourdissement pour les services de l’état civil. »

La réponse de Gérard Collomb ne l’a pas vraiment satisfaite. « Il m’a répondu que les compétences exercées pour le compte de l’Etat n’étaient pas compensées financièrement » explique-t-elle. Une décision du Conseil constitutionnel en réalité. « Il a décidé l'obligation pour l'État de compenser financièrement l'exercice de certaines compétences, mais cela ne s'applique pas à celles qui sont exercées au nom de l'État. Or le Pacs est une mission exercée au nom de l'État » expliquait Gérard Collomb devant les sénateurs. Donc la compensation n’est pas obligatoire. « On joue sur les mots » estime la sénatrice de Seine-et-Marne. Regardez la réponse du ministre, isolée par le Sénat sur Twitter :

« L’AMF est sur le dossier. On revendique de toucher une contrepartie financière »

Mais pour Colette Mélot, « il peut y avoir une indemnité pour charge supplémentaire ». « L’AMF est sur le dossier. On revendique de toucher une contrepartie financière » ajoute François Zocchetto.

L’Association des maires de France a pris la plume en avril dernier. Son président, le maire LR de Troyes, François Baroin, et son premier vice président, le socialiste André Laignel, ont demandé au sénateur Thierry Carcenac, président de la Commission consultative d’évaluation des charges, d’examiner « le principe d’une indemnisation pour les communes sièges de tribunaux d’instance ».

Dans leur missive, François Baroin et André Laignel soulignent que les 284 communes concernées par le stockage et l’archivage devront récupérer « 1.792.363 Pacs en cours et dissous, qui seront livrés aux communes fin octobre, soit 5.646 mètres linéaires de dossiers ». Il faut en effet pouvoir ranger ces 5,6 km de dossiers… L’AMF cite « notamment le cas des communes de Bordeaux et Toulouse qui se verront remettre respectivement 120 mètres et 130 mètres linéaires de dossiers ».

22 millions d’aide ?

Dans sa réponse lors des questions d’actualité, Gérard Collomb avait évoqué une aide financière, sans être très précis. « Malgré cette jurisprudence (du Conseil constitutionnel), nous avons aujourd'hui inscrit 22 millions d'euros de crédits, dont j'aurai l'occasion de vous parler. Cela dit, dans la même décision, le Conseil constitutionnel a ajouté, s'agissant du Pacs, que le montant des sommes en jeu n'était pas tel qu'il portait atteinte à la libre administration des communes concernées » soulignait le ministre de l’Intérieur, laissant planer le doute.

Le transfert des Pacs aux communes devrait chauffer un peu plus les maires pour le 100e Congrès de l’AMF, du 21 au 23 novembre, à Paris. « Ça fait une raison de plus de nous rendre un peu nerveux » lance François Zocchetto… Edouard Philippe – ou Emmanuel Macron, s’il se risque Porte de Versailles – risque d’essuyer quelques sifflets dans la salle, lors de sa venue. Une habitude qui devient presque une tradition, tant les prédécesseurs du premier ministre en ont déjà fait les frais. Il faut dire que la baisse des dotations décidée par François Hollande avait déjà bien échaudé les élus.

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