Passe sanitaire prolongé : « La présidentielle ne doit pas servir d’excuse pour éluder le contrôle parlementaire », prévient Philippe Bas

Passe sanitaire prolongé : « La présidentielle ne doit pas servir d’excuse pour éluder le contrôle parlementaire », prévient Philippe Bas

Le gouvernement a présenté en Conseil des ministres un projet de loi lui permettant de recourir au passe sanitaire jusqu’au 31 juillet, si la situation épidémique l’exige. Pour la majorité sénatoriale, cette prolongation est « anormalement longue ». Le sénateur LR Philippe Bas souhaite la limiter à « seulement trois ou quatre mois de plus » et « territorialiser » les mesures.
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C’est sûrement le texte le plus sensible d’ici la fin des travaux parlementaires. Le projet de loi prolongeant la possibilité de recourir au passe sanitaire jusqu’au 31 juillet a été présenté, ce mercredi matin, en Conseil des ministres. Actuellement prévu jusqu’au 15 novembre, l’exécutif entend conserver cet « outil » de lutte contre l’épidémie.

« Il y a encore un risque non négligeable de reprise épidémique »

Ce « projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire » sera examiné par les députés le 19 octobre, conformément à ce que publicsenat.fr écrivait début septembre – nous évoquions un examen au Parlement « après la mi-octobre ».

« Il y a encore plus de 4.000 cas par jour en moyenne dans notre pays et la situation ne s’améliore plus depuis quelques jours », a souligné à l’issue du Conseil des ministres Gabriel Attal, le porte-parole du gouvernement. Après une baisse continue depuis le mois d’août, un plancher bas semble avoir été atteint. Le nombre de cas recommence même très légèrement à augmenter à nouveau. Le taux d’incidence vient par ailleurs de repasser au-dessus de 100 en Lozère, département de métropole à l’incidence la plus élevée aujourd’hui. « Il y a encore un risque non négligeable de reprise épidémique », entre « l’hiver » et le risque « de nouveaux variants », met en garde le porte-parole. « Alors oui, nous devons rester vigilants jusqu’à l’été prochain ».

« Ce texte ne prévoit pas le passe sanitaire à vie »

Pour conserver « des mesures de freinage », le « texte prévoit que jusqu’au 31 juillet, si c’est nécessaire, de pouvoir encadrer l’activité des établissements recevant du public et exiger le passe sanitaire » (voir la vidéo). Le « régime de sortie de la crise sanitaire » sera ainsi prolongé jusqu’à cette date, ajoute le porte-parole. En cas de reprise épidémique, il permet au gouvernement de prendre un tas de mesures d’exception limitant les libertés individuelles ou celle d’aller et venir, comme le couvre-feu. Le gouvernement peut aussi décréter à nouveau l’état d’urgence sanitaire, qui permet d’instaurer un nouveau confinement.

« Nous assumons notre refus d’un désarmement sanitaire qui serait plus que précipité face à une épidémie qui nous a tant de fois surpris, et qui surtout n’est pas finie », insiste Gabriel Attal. Mais le porte-parole l’assure : « Ce texte ne prévoit pas l’état d’urgence éternel, il retarde le moment où cet outil disparaîtra définitivement de notre panoplie juridique. Mais pour autant, le retour de l’état d’urgence sanitaire n’est absolument pas à l’ordre du jour ». De la même manière, « ce texte ne prévoit pas le passe sanitaire à vie. A la seconde où il ne sera plus nécessaire pour contrôler l’épidémie, nous serons ravis de le retirer ».

« La troisième dose » de vaccin « n’est pas requise pour le passe sanitaire aujourd’hui »

Point important : « La troisième dose » de vaccin « n’est pas requise pour le passe sanitaire aujourd’hui ». Elle est recommandée pour les personnes de plus de 65 ans ou fragiles. Sur les 5 millions de personnes éligibles, « seulement 1,5 million ont déjà eu recours au rappel vaccinal ». Le projet de loi renforce par ailleurs les sanctions contre la « fraude au passe sanitaire », jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende.

Alors que l’opposition au passe subsiste chez une partie des Français depuis l’été, ce texte risque de remettre une pièce dans la machine. Au Parlement, les oppositions comptent aussi se faire entendre. Elles vont accueillir froidement cette prolongation du passe. « Il n’est pas question de donner un blanc-seing jusqu’au 31 juillet 2022, il faut que ça soit sous le contrôle du Parlement », a prévenu mardi sur France Info le président LR du Sénat, Gérard Larcher. « Ça veut dire qu’en février, nous devrons débattre à nouveau de la poursuite du processus de sortie de l’urgence », a-t-il ajouté. La session parlementaire s’arrête fin février, pour cause de campagne présidentielle.

La prolongation des mesures ne doit être que « brève » pour le Sénat

Même son de cloche du côté du sénateur LR Philippe Bas, rapporteur des précédents textes sanitaires à la Haute assemblée. « Nous avons une doctrine. Elle est constante : quand on restreint les libertés pour un motif d’intérêt général, et la situation sanitaire en est un, on ne peut le faire que sous contrôle du Parlement », rappelle à publicsenat.fr l’ancien président de la commission des lois. S’il n’est pas opposé à une prolongation des dispositifs, celle-ci ne doit être que « brève » et non « pour une durée anormalement longue ».

« On peut consentir, après le 15 novembre, à la possibilité de recourir à des contraintes, mais seulement jusqu’à trois ou quatre mois de plus, et pas de manière aussi indifférenciée », demande Philippe Bas, soit plus ou moins jusqu’à fin février. En cas de besoin, il faudrait un nouveau vote du Parlement pour prolonger. Il ajoute :

Le fait qu’il y ait une élection présidentielle ne doit pas servir d’excuse pour éluder le contrôle parlementaire. Nous sommes là, et nous sommes prêts à prendre nos responsabilités depuis le début de la crise.

Philippe Bas souligne qu’« il est faux de dire qu’on ne peut pas légiférer à cause de la campagne présidentielle. C’est un usage républicain, mais la session reste ouverte ». L’ancien ministre des Personnes âgées, des Personnes handicapées et de la Famille de la fin du quinquennat Chirac rappelle avoir lui-même « fait adopter deux textes de loi en mars 2007, un mois avant le premier tour de la présidentielle ».

Autre point : le sénateur de la Manche ajoute qu’« on ne peut pas permettre au gouvernement d’imposer partout des restrictions aux libertés, comme le passe sanitaire, sans prendre en compte la situation épidémique locale ». Il s’agit donc de « territorialiser en définissant avec précision les conditions du recours aux mesures contraignantes ». Selon Philippe Bas, « les contraintes exercées sur les personnes qui ont deux doses doivent être réduites, sauf situation exceptionnelle ».

Le gouvernement assume « une prolongation qui enjambe l’élection présidentielle »

Les sénateurs risquent d’être déçus. Car pour Gabriel Attal, repasser devant le Parlement ne semble pas être une option. Le gouvernement assume « une prolongation qui enjambe l’élection présidentielle », prévient son porte-parole, qui souligne que « redéposer et examiner un texte, ça prend du temps ». « Nous serions désarmés face à un variant contagieux », met-il en garde, craignant qu’il faille « attendre un mois de débats parlementaires avant d’y répondre ». Pour Gabriel Attal, « il faut garder les cartes en main pour agir ».

En réalité, un débat a traversé le gouvernement à la rentrée, entre une prolongation jusqu’à fin février ou jusqu’à l’été. Sous couvert d’anonymat, un ministre ne cachait pas ses doutes et le risque politique de prolonger au-delà de la présidentielle, sur fond de mobilisation des anti-passes et anti-vaccins. « On va nous accuser de mettre sous couvre-feu les isoloirs… Si on peut s’éviter cette polémique en pleine année présidentielle… » lâchait ce membre du gouvernement. La seconde option a pourtant été retenue.

« Un rapport n’est pas une alternative au vote du Parlement, c’est insuffisant »

Lot de consolation pour le Parlement : suivant l’avis du Conseil d’Etat qui prône une meilleure « association » des parlementaires « à la gestion de la crise », explique Gabriel Attal, l’exécutif a « adapté le texte » en y ajoutant « un dispositif supplémentaire » prévoyant que « le gouvernement rende, avant le 28 février 2022, un rapport au Parlement sur la gestion de la crise sanitaire et sur la nécessité de prolonger ou non les outils de la crise ». Disposition absente de l’avant-projet de loi. Reste que ce rapport n’implique pas un vote des parlementaires… « Ce rapport sera très utile », rétorque Philippe Bas. Mais pour le sénateur de la Manche, « ce n’est pas une alternative au vote du Parlement. C’est une information. C’est insuffisant. Il s’agit tout de même d’appliquer une loi d’exception ».

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