Pédophilie dans l’Église : la demande de création d’une commission d’enquête refusée par le Sénat

Pédophilie dans l’Église : la demande de création d’une commission d’enquête refusée par le Sénat

La commission des lois du Sénat a rejeté ce matin la demande d’une création de commission d’enquête concernant la pédophilie dans l’Église. 
Public Sénat

Par Yann Quercia

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 Le 10 octobre, les sénateurs PS avaient déposé leur demande de création d’une commission d’enquête sur la pédophilie dans l’Église au Sénat. Cette demande de commission porte « sur le traitement des abus sexuels sur mineurs et des faits de pédocriminalité commis dans une relation d'autorité, au sein de l'église, en France. » Ce matin, la commission des lois a refusé la création de cette commission : 27 ont voté contre la recevabilité, 14 pour et 4 se sont abstenus. Cette décision devrait être confirmée, sauf énorme surprise, ce soir en conférence des présidents.

« Ce n’est pas en cassant le thermomètre qu’on empêche la fièvre »

Le Président du groupe socialiste au Sénat, Patrick Kanner regrette cette décision : « On nous a opposé des arguments juridiques qui ont convaincu essentiellement la droite. Ce n’est pas en cassant le thermomètre qu’on empêche la fièvre. »

Patrick Kanner fait savoir que les motifs de refus de cette commission sont juridiques : « Empiétement sur les affaires judiciaires en cours ou sur le fait que l’Église n’est pas un service public. Les arguments juridiques sont une chose, la volonté politicienne et l’analyse en opportunité en est une autre. La majorité sénatoriale de droite  n’a pas souhaité n’a pas souhaité créer une commission d’enquête sur les crimes de pédophilie dans l’Église et sur l’occultation de ces crimes. »

François-Noël Buffet, vice-président de la commission des lois rappelle que la commission s’est prononcée sur la recevabilité juridique : «  La commission des lois ne s’est pas prononcée sur l’opportunité de cette enquête mais sur la recevabilité juridique de cette demande. Après consultation du garde des Sceaux, il a été constaté que la demande était irrecevable (…) Le garde des Sceaux a signalé qu’il y avait des enquêtes en cours et que dans ces conditions-là, cela n’était pas possible. »

Il répond également aux accusations de Patrick Kanner qui évoque une volonté politicienne : « Si on veut traiter la pédophilie et ce fléau, il ne faut pas en faire un sujet politicien voire de polémique. Le fait de faire ça constitue la preuve que cette demande est peut-être même polémique. Je ne le souhaite pas mais on peut l’imaginer. »

« La commission des lois ne s’est pas prononcée sur l’opportunité de cette enquête mais sur la recevabilité juridique de cette demande" déclare François-Noêl Buffet
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Vers la création d’une mission d’information

La commission des Lois du Sénat a voté pour la création d'une mission commune d'information « permettant d'améliorer la protection de tous les enfants accueillis dans des structures collectives ». Cette proposition sera examinée ce soir en conférence des présidents. Dans un communiqué, la commission des lois précise :  «  Le groupe Union Centriste ayant demandé l’organisation d’un vote, Philippe Bas a été mandaté par la commission des lois pour proposer, en lien avec le président de la commission des affaires sociales et la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, la constitution d’une mission d’information commune sur la prévention, la détection et l’organisation des signalements des infractions sexuelles susceptibles d’être commises par des personnes en contact avec des mineurs dans le cadre de l’exercice de leur métier ou de leurs fonctions. Cette mission permettra de faire la lumière sur ce phénomène et de proposer des mesures d’organisation et de contrôle afin de le prévenir. La demande a été transmise au Président du Sénat en vue de son examen par la Conférence des présidents.»

 

Patrick Kanner regrette ce choix car une mission d’information n’a pas de pouvoirs coercitifs : « Chacun sait qu’une mission d’information n’a pas les mêmes éléments de contraintes. Je remarque d’ailleurs que plusieurs membres LR avaient envisagé une commission d’enquête élargie mais visiblement les instances exécutives du Sénat ne souhaitent qu’une mission d’information ».

François-Noël Buffet reconnaît le pouvoir non contraignant d’une mission d’information mais se dit satisfait de l’élargissement à d’autres milieux que l’Église : « Il y a eu un débat très large pour dire que cette problématique doit être élargie à tous les milieux : associations, monde de l’éducation, toute structure où il y a une autorité sur les enfants (…) Les pouvoirs ne sont pas les mêmes car ils sont moins coercitifs. Cela ne veut pas dire qu’on ne pourra pas avancer avec la détermination qui est celle du Sénat. Nous ne sommes pas naïfs, nous serons là où il le faut et quand il le faudra. »

 « On organise une commission d enquête tous les trois mois sur l’islam mais on ne veut pas le faire avec l’Église » regrette une source à la sortie  de  commission. Pour rappel selon un sondage pour le magazine Témoignage chrétien dévoilé le 9 octobre par  Le Parisien, neuf catholiques  sur dix se disent favorables à la création d'une commission d'enquête parlementaire sur "les crimes pédophiles et leur dissimulation dans l'Église". Quel que soit l'âge, la pratique religieuse ou l'appartenance politique des sondés, cette initiative est plébiscitée. 

Pas de pouvoirs coercitifs pour les missions d’information

Les commissions permanentes, outre leur rôle dans l'examen des projets et propositions de loi, ont la charge, sur les questions relevant de leur compétence, d'assurer l'information des sénateurs et de les assister dans leur mission de contrôle du gouvernement. À cette fin, elles peuvent notamment, sous certaines conditions, constituer des missions d'information : une délégation de la commission est alors chargée d'étudier le problème concerné, soit en France, soit à l'étranger, et de publier un rapport.

Une commission d’enquête peut porter sur l’État, les services publics, les entreprises publiques ou encore les sujets de société. Ce qui est vaste. Selon l’article 6 de l’ordonnance de 1958, relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, « les commissions d'enquête sont formées pour recueillir des éléments d'information soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales ». Mais avant que la commission soit officiellement entérinée par le vote d’une proposition de résolution dans l’hémicycle, la commission permanente compétente doit juger de la recevabilité de la commission d’enquête.

Les personnes convoquées par une commission d’enquête ont l’obligation de se présenter et prêter serment. Au cours de l’enquête peuvent exiger la communication de documents pour les étudier . Le refus de coopérer peut entraîner des sanctions pénales.

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