Perquisitions chez Jean-Luc Mélenchon : la colère de trop ?

Perquisitions chez Jean-Luc Mélenchon : la colère de trop ?

En médiatisant massivement les perquisitions dont il a fait l’objet, Jean-Luc Mélenchon voulait alerter sur ce qu’il considère être une dérive autocratique d’Emmanuel Macron. Son comportement face aux policiers a considérablement brouillé le message et ne recueille pas le soutien des partis de gauche.
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Alors que Jean-Luc Mélenchon était auditionné ce jeudi dans le cadre d’enquêtes préliminaires sur ses comptes de campagne et sur l’affaire d’assistants d'eurodéputés de la France Insoumise, les images de la perquisition houleuse n’en finissent pas de faire des vagues.

Une nouvelle colère pour la boîte à archives

« J’espérais que le regard médiatique se porterait sur les causes de la perquisition. Mais on ne parle que de ma façon de réagir ». Arrivé en avance devant les locaux de la police anticorruption (Oclciff) à Nanterre, Jean-Luc Mélenchon a, malgré lui, donné la raison d’un changement dans le traitement médiatique des enquêtes dont il fait l’objet. D’une réflexion légitime sur l’indépendance du parquet, le débat s’est peu à peu déplacé sur les capacités de Jean-Luc Mélenchon à, un jour, accéder à la plus haute fonction de l’État. Et s’il y a bien une chose que déteste Jean-Luc Mélenchon, c’est qu’on lui parle de ses colères homériques. « Je vous remercie d’avoir mis en avant les aspects qui peuvent être intéressants dans un personnage. Je suis très content, ça me fait très plaisir » grinçait-il après la diffusion d’une archive d’un de ses emportements dans l’émission C à vous le 14 mars 2017.

Mardi matin, le jour du remaniement, une quinzaine de perquisitions ont lieu dans les locaux de la France Insoumise, du Parti de Gauche et aux domiciles de plusieurs responsables politiques liés à ces partis dont Jean-Luc Mélenchon. Les enquêteurs agissent dans le cadre de deux enquêtes préliminaires sur des emplois présumés fictifs d'assistants au Parlement européen et sur les comptes de campagne de la présidentielle du candidat LFI. « Police politique », justice aux ordres du pouvoir, volonté du gouvernement « d’intimider » les opposants, des accusations qui ont fusé. D’abord dans un calme relatif sur une vidéo postée sur Facebook Live, avant que la situation ne dégénère complètement lorsque le député des Bouches du Rhône et plusieurs de ses cadres ne s’opposent violemment à la perquisition du siège de leur parti, rue de Dunkerque.

« Comment pourrait-on confier les codes nucléaires à quelqu’un qui défonce une porte ? »

Trois semaines après la polémique autour de l’immixtion d’Emmanuel Macron dans la nomination du nouveau procureur de Paris, les accusations « d’une justice à deux vitesses » martelées par Jean-Luc Mélenchon avaient, dans un premier temps, trouvé un écho à gauche. Benoît Hamon, Marie-Noëlle Lienemann, ou encore Pierre Laurent s’étaient inquiétés sur Twitter de cette opération d’ampleur visant La France Insoumise. Mais depuis, les images surréalistes de la perquisition sont passées par là. En hurlant « La République, c’est moi » et « ma personne est sacrée » devant des policiers stoïques, il illustre assez mal la VIe République, le point numéro un de son programme de 2017, censée mettre fin à la « monarchie présidentielle ». « Je suis effaré par ces images. Comment pourrait-on confier les codes nucléaires à quelqu’un qui défonce une porte ? Il confond la République française et la République romaine où, en effet, le défenseur de la plèbe avait un droit associé à sa personne qui était sacré » se désole un sénateur communiste qui préfère garder l’anonymat.

« J’ai moi-même un accent et quand on s’en moque ça m’énerve prodigieusement »

Le leader de La France Insoumise ne fait rien pour faire retomber la pression. Il assure « ne rien regretter », justifie son outrance par ses origines méditerranéennes et reproche à la presse de mettre de « l’huile sur le feu » quitte à moquer l’accent du Sud Ouest d’une journaliste de France 3 mercredi. « J’ai moi-même un accent et quand on s’en moque ça m’énerve prodigieusement. C’est inadmissible. C’est un manque de respect » réagit Esther Benbassa, sénatrice écologiste, rattachée au groupe CRCE (Communiste Républicain Citoyen et Écologiste) du Sénat. La sénatrice considère par ailleurs que cet épisode renforce la nécessité de faire « une réforme constitutionnelle » qui verrait le lien entre l’exécutif et le parquet coupé. « Après, Jean-Luc Mélenchon a fait un peu le spectacle, le buzz » conclut-elle. Fabien Gay, sénateur communiste de Seine-Saint-Denis, « n’excuse pas » non plus « les mots et les gestes » de Jean-Luc Mélenchon mais « les comprend ». « Je m’inquiète quand même de cette offensive contre les partis politiques. On laisse plus tranquille Alexandre Benalla et les patrons des grandes entreprises qui font de la fraude fiscale » relève-t-il.

Le sénateur socialiste, Rachid Temal « en appelle au calme de Jean-Luc Mélenchon ». « Je pense que l’image qui est donnée n’est pas la bonne (…) Après il faut tout le monde soit traité à la même enseigne » concède-t-il (voir la vidéo)

Rachid Temal: "J'en appelle au calme de Jean-Luc Mélenchon"
01:47

Au sein même de LFI, la réaction exacerbée de Jean-Luc Mélenchon a jeté le trouble. « C’est terrible de voir le comportement d’un homme politique dans ce type de situation, pour nous qui sommes attachés aux valeurs de la République » confie à France Inter Clémentine Langlois, membre du Collectif des Insoumis démocrates.

Une nouvelle enquête vient d’être ouverte « pour menaces ou actes d’intimidation contre l’autorité judiciaire » et « violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique ». Encore des belles images en perspectives.

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