Pesticides SDHI : la prochaine catastrophe sanitaire ?

Pesticides SDHI : la prochaine catastrophe sanitaire ?

Lors de son audition devant l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques OPECST, Pierre Rustin, directeur de recherche au CNRS, a expliqué pourquoi avec d’autres scientifiques, il dénonce l’utilisation des pesticides SDHI qui seraient extrêmement dangereux pour l’homme et la biodiversité et se désole de l’inertie de l’Anses.  
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On a parlé pesticides ce jeudi au Sénat, devant les députés et sénateurs de l’OPECST (office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques). Un sujet toujours très polémique mais qui l’était particulièrement aujourd’hui en abordant les pesticides SDHI, sur la sellette depuis près de deux ans. Et la polémique est loin d’être finie. Mardi 21 janvier, 450 chercheurs ont réclamé dans une tribune du Monde, l’arrêt de leur utilisation en milieu ouvert. Ces scientifiques n’hésitant pas à parler de risque de catastrophe sanitaire.

Les pesticides SDHI, utilisés notamment dans l’agriculture contre les moisissures, sont des agents qui bloquent la respiration cellulaire et portent ainsi atteinte aux êtres vivants, dont les humains.

Le chercheur au CNRS, Pierre Rustin et l’ingénieure de recherche à l’INSERM, Paule Benit, auditionnés devant le Sénat, sont à l’origine de la découverte d’un lien entre les maladies mitochondriales (qui peuvent toucher tous les organes et tous les âges) et les SDHI.

Devant l’OPECST, le chercheur a raconté comment cela a démarré. Dans les années 80, la communauté scientifique s’est aperçue de l’existence d’un grand nombre de maladies mitochondriales. Comme l’évolution de ces maladies était incompréhensible, Pierre Rustin et Paule Benit ont cherché des facteurs intervenants, autres que génétiques. En regardant sur un moteur de recherche type Google, ils se sont rendu compte qu’étaient utilisés comme pesticides « à grande échelle » « des inhibiteurs mitochondriaux ». Certains n’étaient plus employés car soupçonnés d’être responsables de maladies de Parkinson et d’Alzheimer. Les SDHI l’étaient toujours : « On est tombés de nos chaises (…) On a téléphoné à l’Anses [Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail - NDLR) (…) J’étais convaincu qu’[elle] allait instantanément se saisir du problème parce qu’évidemment c’était complètement effrayant. »

On était alors fin 2017. Et l’Anses, chargée d’évaluer et autoriser les pesticides en France, rend son rapport en janvier 2019. Pour Pierre Rustin, ça ne passe pas : « Les expérimentations que l’on a faites, on peut les faire en 15 jours. En un mois peut-être sur les cellules, pour un laboratoire qui a l’habitude. Il est inadmissible qu’une agence se comporte comme ça. Quand il y a des questions de santé publique, ils doivent agir vite. »

Le rapport de l’Anses de janvier 2019 (« d’une indigence monstrueuse » selon Rustin) conclura que l’alerte sanitaire était « non constituée ».  

En juillet 2019, le chercheur du CNRS saisit la cnDAspe (la commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement) qui validera l’alerte. Une bataille de gagner pour le chercheur mais pas la victoire car les SDHI sont toujours utilisés.

« Le bénéfice/risque des SDHI n’est même pas démontré » se désole Pierre Rustin.

Et d’ajouter : « Ni la FNSEA [Syndicat agricole majoritaire - NDLR], ni l’UIPP [Union pour la protection des plantes - NDLR], ni l’Anses (…) n’ont été capables de nous donner [de] chiffres sur l’efficacité [en matière de rendement] des SDHI ».

Un comble pour le chercheur du CNRS qui explique que, vendus comme un fongicide, les SDHI n’auraient en fait « aucune spécificité » et tueraient sans faire de distinction.

 

« C’est l’usage, la dose qui fait que, dans les conditions utilisées, on n’a pas de risques inacceptables pour l’homme ou pour l’environnement »

Également auditionné devant les parlementaires, le directeur général de l’Anses, Roger Genet, a réaffirmé qu’aux vues de leurs propres études, il n’y a pas de danger avéré des SDHI : « Aujourd’hui sur ces études in vivo, on n’a pas de signal (…) qui montrerait un effet qui soit toxique et qui fasse craindre un risque sanitaire. »

Pour le directeur de l’Anses, un dosage et un usage juste maîtriseraient les dangers : « On le sait tous. Quand on utilise des médicaments, des produits phytosanitaires ou des produits biocides, ce sont évidemment des produits toxiques par construction, qui visent une cible particulière. Et c’est l’usage, la dose qui fait que, dans les conditions utilisées, on n’a pas de risques inacceptables pour l’homme ou pour l’environnement. »

Durant son audition, Roger Genet en a profité pour répondre indirectement à la critique de Pierre Rustin sur le temps de réponse entre le moment où celui-ci a saisi l’Anses fin 2017 et la réponse de l’Agence en janvier 2019, se justifiant par un besoin d’approfondissement des questions par rapport à un manque de données.  

 Roger Genet a également rappelé que l’Agence en est à sa troisième autosaisine sur le sujet, en comptant celle de janvier 2019. Deux étant en cours.

En début de semaine, trois associations (dont « Nous voulons des coquelicots ») ont écrit à l’Anses pour qu’elle retire l’autorisation de mise sur le marché de trois produits contenant des SDHI. En cas de refus ou de non réponse, ces associations saisiront le tribunal administratif de Lyon pour interdire les pesticides.

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