Peut-on interdire le téléphone portable à l’école ?

Peut-on interdire le téléphone portable à l’école ?

Le ministre de l’Éducation a réaffirmé sa volonté d’interdire les téléphones portables à l’école et au collège, lors de l’émission Le grand jury (LCI, RTL, Le Figaro). Une mesure difficile à réaliser sauf à modifier la loi.
Public Sénat

Par Héléna Berkaoui

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Dimanche, Jean-Michel Blanquer a de nouveau affirmé sa volonté de voir disparaître les téléphones portables à l’école et au collège. Invité du Grand Jury (LCI, RTL, Le Figaro), le ministre de l’Éducation a annoncé que cette mesure serait mise en place à la rentrée 2018. Présente dans le programme d’Emmanuel Macron, cette proposition ne date pas d’hier. Déjà en 2009, le Sénat avait voté l’interdiction du téléphone portable à l’école, dans le cadre la loi sur le Grenelle 2 de l’Environnement.

Cette disposition fait figure de serpent de mer de par sa difficile mise en oeuvre. Aujourd’hui, la législation sur ce sujet est relativement claire. Selon le Code de l’Éducation, le téléphone portable est interdit  « dans les écoles maternelles, les écoles élémentaires et les collèges, […] durant toute activité d’enseignement et dans les lieux prévus par le règlement intérieur » et ce depuis 2010. En revanche, les élèves peuvent utiliser leur téléphone pendant l’interclasse ou la récréation si le règlement intérieur l’autorise. Les contours de l’utilisation du mobile sont donc laissés à la discrétion du chef d’établissement et peuvent « aller de la simple remarque jusqu’à l’exclusion de l’établissement », comme le rappelle le site du Service public. Cette mesure laisse penser à certains que le ministre ne fait que prôner une disposition qui existe déjà. C’est notamment le cas des membres du Café pédagogique qui dans une tribune, publiée sur leur site, pointent le manque de clarté du ministre.    

 Confiscation, fouille : les limites de cette mesure

« Nous sommes en train de travailler sur les modalités » expliquait Jean-Michel Blanquer dimanche. En septembre, il avait esquissé quelques pistes. « En Conseil des ministres, nous déposons nos cartables dans les casiers avant de nous réunir. Il me semble que cela est faisable pour tout groupe humain, y compris dans une classe » précisait-il dans l’Express en septembre. Mais l’installation de casiers représenterait un coût important souligne le porte-parole de la Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (PEEP).

Autre problème, le personnel éducatif ne dispose pas de moyens suffisants pour rendre effective cette interdiction. En effet, la confiscation ne peut être utilisée dans ces circonstances sauf à changer le cadre législatif. Actuellement, la confiscation du téléphone n’est pas autorisée, car il ne s’agit pas d’un objet dangereux. Cette sanction est donc susceptible d’être annulée par le tribunal administratif, souligne l’avocate spécialisée, Valérie Piau, sur le site l’Étudiant.

Le personnel éducatif n’est pas « demandeur non plus de faire de la sécurité publique dans les établissements scolaires » affirme la secrétaire générale adjointe du Snes-FSU sur France info.

Contacté par Public Sénat, le porte-parole du PEEP, Samuel Cywie, plaide, lui, pour « un cadre juridique plus strict » accompagné d’une approche « pédagogique » à l’endroit des élèves. Samuel Cywie est favorable à l’interdiction totale de l’utilisation - et non de la détention - du portable à l’école. Interviewée par France info, la secrétaire générale adjointe du Snes-FSU considère que c’est une mesure « peu réalisable. » Elle souligne le fait que le personnel éducatif n’est pas « demandeur non plus de faire de la sécurité publique dans les établissements scolaires. » Elle ne souhaite pas de « règles supplémentaires » mais « des moyens » supplémentaires.

Interdire la détention du téléphone s’avère encore plus complexe. Il faudrait alors revenir sur la fouille des élèves qui aujourd’hui n’est autorisée que pour les officiers de police. Le porte-parole de la PEEP insiste sur l’aspect pédagogique de cette mesure, « il faut que les élèves réapprennent le vivre-ensemble » juge-t-il.

 

Dans la même thématique

Weekly cabinet meeting at Elysee Palace, Paris, France – 12 Jan 2024
5min

Société

Prostitution : un nouveau plan de lutte présenté ce jeudi, huit ans après la loi pénalisant les clients

Alors que la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, peine encore à produire ses effets, le gouvernement a annoncé la présentation d’un nouveau plan pour lutter contre la prostitution, à l’aube d’une augmentation inquiétante des chiffres chez les mineurs. Selon les associations, ils seraient entre 7 000 et 10 000 à être aujourd’hui prostitués, un chiffre qui a doublé ces dernières années.

Le

Enfants et ecrans
4min

Société

Rapport sur l’usage des écrans chez les enfants : « Nous avons perdu six ans », déplore la sénatrice Catherine Morin-Desailly

Commandé par l’exécutif, le rapport d’experts sur l’usage des écrans chez les enfants a été remis au président de la République ce 30 avril. En 2018, le sujet avait déjà fait l’objet d’une proposition de loi largement votée au Sénat, mais jamais discutée à l’Assemblée. Auteure du texte, la sénatrice centriste Catherine Morin-Desailly dénonce aujourd’hui « une perte de temps ».

Le

A national gendarmerie van entering the Paris courthouse
7min

Société

Meurtre de Matisse à Châteauroux : qu’est-ce que l’excuse de minorité, que le gouvernement souhaite réformer ?

Alors que de multiples faits divers concernant des mineurs font l’actualité ces dernières semaines, le dernier en date, le meurtre de Matisse, 15 ans, poignardé à mort, samedi dernier à Châteauroux, par un mineur afghan âgé lui aussi de 15 ans et placé sous contrôle judiciaire, cinq jours avant le meurtre, Gabriel Attal a annoncé, le 18 avril dernier, souhaiter « ouvrir le débat » sur l’excuse de minorité. Mais au fait, à quoi fait référence cette qualification pénale, qui revient régulièrement dans les discussions ?

Le