Après 12 ans dans l’opposition, Les Républicains se retrouvent de manière inattendue au pouvoir au sein de ce qui devrait ressembler à une coalition. Aux journées parlementaires du parti à Annecy, les sénateurs ont prôné un travail législatif « constructif » avec leurs nouveaux alliés macronistes et philippistes. « On était en mort clinique. Et on se réveille du coma », se réjouit un sénateur.
Pilonnée par Fillon, la justice au coeur de la présidentielle
Par Aurélia END
Publié le
Désormais accusée par le candidat de la droite François Fillon d'"assassiner" la présidentielle, la justice se retrouve comme jamais protagoniste de la campagne, à quelques semaines du scrutin.
Annonçant qu'il se maintenait dans la course à l'Elysée malgré la perspective d'une prochaine mise en examen, l'ancien Premier ministre a dénoncé "une enquête menée depuis le début exclusivement à charge".
Trois juges d'instruction ont été saisis vendredi pour enquêter dans l'affaire d'emplois présumés fictifs de son épouse et de deux de leurs enfants comme collaborateurs parlementaires. Ils ont convoqué M. Fillon et sa femme en vue d'une mise en examen.
"Je n'ai pas été traité comme un justiciable comme les autres", "la présomption d'innocence a complètement et entièrement disparu", "l'Etat de droit a été systématiquement violé", a accusé le candidat, pour qui c'est la présidentielle elle-même "qu'on assassine".
A l'Elysée comme à la Chancellerie, la riposte a été prompte.
"Une candidature à l'élection présidentielle n'autorise pas à jeter la suspicion sur le travail des policiers et des juges", a déclaré François Hollande.
Le ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas a lui assuré que "les juges d'instruction conduisent leurs enquêtes en toute indépendance", ajoutant: "le travail en cours des magistrats n'a pas à être commenté".
Les rivaux de M. Fillon dans la course à l'Elysée ont également réagi: Emmanuel Macron a balayé l'idée d'une "trêve judiciaire", critiquant "une perte de nerfs" de la part du candidat de la droite. Benoît Hamon, candidat du Parti socialiste, a fustigé l'"incroyable violence" des propos de François Fillon "à l'égard des magistrats et de la justice".
Dans cette "atmosphère survoltée", les deux plus hauts magistrats de France, le premier président et le procureur général de la Cour de Cassation, ont replacé leur institution au-dessus des polémiques.
"La Justice n'encourt pas plus les reproches outranciers qui lui sont faits qu'elle n'a besoin de soutiens d'où qu'ils viennent", ont affirmé Bertrand Louvel et Jean-Claude Marin dans un communiqué commun. "Les magistrats suivent leur rythme en toute indépendance" et "ont le devoir de ne pas s'engager publiquement dans le débat électoral", ont-ils rappelé.
- Situation inédite -
Selon un sondage Elabe réalisé pour BFMTV avant la déclaration de François Fillon, 73% des Français estiment qu'"il faut laisser la justice faire son travail" et que "les responsables politiques sont des citoyens comme les autres".
Mais du côté des syndicats de magistrats, la lassitude pointe face à des attaques répétées, qui interviennent dans un contexte inédit: c'est la première fois que deux candidats de premier rang au scrutin roi de la Ve République se retrouvent, en même temps, dans le viseur de la justice.
Dimanche, la candidate de l'extrême droite Marine Le Pen, également visée par une enquête judiciaire, a appelé les fonctionnaires "à qui un personnel politique aux abois demande d'utiliser un pouvoir d'Etat pour surveiller les opposants, organiser à leur encontre des coups tordus ou des cabales d'Etat", à "se garder de participer à de telles dérives".
"On met en cause le fonctionnement de la justice pour éviter de poser les questions de fond", soupire Virginie Duval, présidente du syndicat majoritaire, l'Union syndicale des magistrats. "Soit ça va trop vite, soit ça ne va pas assez vite, de toutes façons ça ne va jamais bien", estime-t-elle.
Clarisse Taron, présidente du Syndicat de la magistrature, marqué à gauche, souligne que la convocation adressée à M. Fillon lui permet de "faire valoir ses droits", en ouvrant à ses avocats l'accès au dossier ainsi que des voies de recours.
La critique des magistrats rythme la vie politique française depuis le début des "affaires" dans les années 1970, et plus particulièrement depuis le dossier "Urba" sur le financement du Parti socialiste, au début des années 1990.
Le juge d'instruction emblématique de cette affaire, Thierry Jean-Pierre, s'était fendu en 1995 d'une "Lettre ouverte à ceux que les petits juges rendent nerveux".