La semaine dernière, le gouvernement tablait encore sur un plan d’urgence de 100 milliards d’euros pour faire face à une récession de 6%. Un scenario basé sur un confinement de 6 semaines. Mais l’annonce d’un déconfinement progressif à partir du 11 mai a obligé l’exécutif à revoir sa copie. Huit semaines de confinement, c’est au minimum 8 points de croissance en moins prévoit le gouvernement. Pour faire face, le plan d’urgence atteindra finalement 110 milliards d’euros. Ce qui portera le niveau de la dette publique à 115% du PIB.
Réajustement nécessaire
Pour débloquer 110 milliards d’euros, le gouvernement devra présenter un nouveau projet de loi de finances rectificative au parlement. Rapporteur général de la commission des finances, Albéric de Montgolfier estime qu’un réajustement était nécessaire. « Il vaut mieux dépenser pendant deux, trois mois, pour sauver des entreprises, que de perdre à tout jamais des contribuables et des emplois » estime le sénateur (LR) de l’Eure-et-Loir. Même chez les partisans de la rigueur budgétaire, le creusement de la dette ne fait donc pas débat.
7 milliards d’euros pour le fonds de solidarité
Sur les 110 milliards d’euros du plan d’urgence, 7 milliards financeront le fonds de solidarité pour les petites entreprises et les indépendants. C’est 1 milliard de plus que prévu. Cela permettra de relever à 5000 euros le plafond des aides pour les entreprises les plus en difficulté. Une aide « intéressante, mais insuffisante et mal conçue » pour Jean-Guilhem Darré, délégué général du Syndicat des Indépendants. « Nous espérons un assouplissement des conditions d’accès au fonds» précise-t-il. Car beaucoup d’entreprises sont exclues du dispositif. Pour y avoir droit, il faut par exemple avoir essuyé un refus de prêt garanti par l’Etat.
24 milliards d’euros pour financer le chômage partiel.
Sur le chômage partiel aussi, le gouvernement a revu son enveloppe à la hausse. Ce ne sont pas 20 mais finalement 24 milliards d’euros qui seront débloqués pour financer le chômage partiel des 8 millions de salariés concernés. Objectif : éviter à tout prix la destruction d’emplois. Des aides bienvenues mais qui n’ont toujours pas été versées aux entreprises, s’inquiète le syndicat des indépendants.
Annulation des charges
Le plan d’urgence prévoit normalement des reports de charges sociales et fiscales pour les entreprises. Incapables de payer ces charges, même dans plusieurs mois, nombre d’entreprises en difficulté réclamaient une annulation pure et simple. Pour la première fois, le gouvernement y ouvre la porte, « à partir du moment où vous ne retrouvez pas de chiffre d’affaires » a précisé Bruno Le Maire ce mardi sur BFMTV/RMC. « C’est du cas par cas, ça veut dire qu’il faut encore monter un dossier », regrette Jean-Guilhem Darré du SDI. « Il faut des annulations par filière, même si on peut bien sûr cibler les entreprises en fonction de la taille ou du chiffre d’affaires ».
Au Sénat, plusieurs groupes politiques réclamaient aussi cette annulation de charges. « Le gouvernement nous a entendu » se réjouit Albéric de Montgolfier. Attention toutefois à ne pas faire peser ce choix sur les prestations sociales, prévient la sénatrice Sophie Taillé-Polian, « parce que si on a une exonération des cotisations sociales qui n’est pas remboursée par le budget de l’Etat, c’est donc le budget de la Sécurité sociale qui sera grevé ». Plus globalement, la sénatrice du Val-de-Marne s’inquiète de l’ensemble du financement de ce plan d’urgence.
Pas de réforme fiscale
A ce stade, le gouvernement n’envisage pas d’augmentation d’impôts pour financer son plan d’urgence. Un regret pour la gauche sénatoriale, qui ne manquera pas d’amender le projet de loi de finances rectificative. Sophie Taillé-Polian aimerait proposer « de remettre en place l’ISF, ou d’augmenter l’impôt sur les dividendes, pour faire en sorte que les plus aisés contribuent davantage ».
Ce deuxième projet de loi de finances rectificative sera présenté en Conseil des Ministres mercredi 15 avril. Il sera ensuite examiné par l’Assemblée Nationale, avant d’arriver en première lecture au Sénat le mardi 21 avril.