Financement du plan de résilience : Olivier Dussopt tente de rassurer les sénateurs

Financement du plan de résilience : Olivier Dussopt tente de rassurer les sénateurs

Le ministre des Comptes publics a été auditionné au Sénat sur le projet de décret d’avance, un financement dans l’urgence des aides promises face aux conséquences de la guerre en Ukraine. Dans l’immédiat, l’essentiel des ministères est mis à contribution, via des annulations de réserves de précaution. Une loi rectificative devra les réabonder plus tard dans l’année. Mais qui sera au pouvoir ?
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Séance d’explication pour le gouvernement ce 30 mars devant la commission des finances du Sénat. Olivier Dussopt, le ministre des Comptes publics, est venu échanger sur le contenu du projet de décret d’avance, qui financera une grande partie du « plan de résilience » annoncé par l’exécutif pour faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine. Les aides doivent notamment amortir la hausse pour les ménages et les entreprises des prix de l’énergie. « Pour financer le plan de résilience économique et social, ainsi que l’accueil des populations réfugiées, il nous faut ouvrir des crédits en urgence », a résumé le ministre.

Au total, le futur décret d’avance comprend 5,9 milliards d’euros de nouvelles dépenses d’urgence. La moitié – pour près de 3 milliards d’euros – correspond à la remise de 15 centimes (hors taxe) sur les carburants, et pour quatre mois. 1,5 milliard d’euros sera apporté au soutien des entreprises les plus consommatrices d’énergie dans leur production, 400 millions d’euros pour les transporteurs routiers, 550 millions pour le secteur agricole, frappé lui aussi par le renchérissement des matières premières. 400 millions euros sont également mobilisés pour l’accueil des Ukrainiens ayant fui la guerre. Aujourd’hui, 36 000 d’entre eux sont arrivés sur le sol national, selon un nouveau décompte communiqué lors de l’audition par Olivier Dussopt. Le 22 mars, Jean Castex avait annoncé que l’État proposerait « au moins » 100 000 places d’hébergement.

Comme le prévoit la législation, un décret d’avance ne nécessite qu’un simple avis des commissions des finances des deux assemblées, mais les marges de manœuvre sont bien plus réduites que dans un projet de loi de finances rectificative. Le gouvernement ne peut pas engager plus de 1 % des sommes inscrites dans la loi de finances initiale, le seuil est quasiment atteint, à un milliard d’euros près environ. Mais surtout, le solde décret d’avance doit être à l’équilibre. Le gouvernement va annuler en conséquence des crédits d’urgence inscrits en loi de finances pour faire face à la crise sanitaire, mais également des fonds mis en réserve dans les différents ministères (pour un montant de deux milliards d’euros).

Une « prochaine loi de finances rectificative », vraisemblablement après les élections

Les crédits et les différents engagements votés dans les lois de finances pourront être reconstitués dans une « prochaine loi de finances rectificative », a rappelé Olivier Dussopt. En clair, ces annulations « relèvent d’un ajustement budgétaire temporaire et seront véritablement sans impact ». Cette projection dans l’avenir, au-delà de la présidentielle et des législatives, a fait sourciller le rapporteur général de la commission, Jean-François Husson (LR). « Comment pouvez-vous annoncer, d’ores et déjà, le contenu d’un projet de loi qui ne relèvera pas de votre gouvernement mais de celui qui résultera du ou des choix faits par les électeurs dans les prochaines semaines ? À moins toutefois que vous ne prévoyiez d’annoncer – et dans ce cas il faut nous le dire maintenant – un projet de loi de finances rectificative avant les élections législatives ? »

Olivier Dussopt s’est dit convaincu que « quel que soit le gouvernement », il sera « attaché à continuer à protéger les Français des effets de la crise » et à « reconstituer les crédits ». Les sommes ont été calibrées dans le décret de telle sorte qu’un budget rectificatif ne soit pas nécessaire « jusqu’à la fin du mois de juillet ». Pour Olivier Dussopt, il s’agit bien de ne pas « préempter les choix politiques, économiques et budgétaires » de la future majorité et du futur gouvernement.

L’annulation de crédits dans les différents ministères, aussi contenue soit-elle, inquiète toutefois plusieurs parlementaires. Hier, c’est la commission de la défense et des forces armées du Sénat qui s’en est émue dans un communiqué. Avec 300 millions d’euros d’annulation, la Défense est le premier contributeur en valeur absolue dans ce mouvement de trésorerie. C’est loin d’être un détail dans un contexte de guerre sur le continent européen, d’autant que d’autres postes (comme les charges de l’énergie ou l’hébergement d’urgence) ont été exclus du mouvement d’annulations budgétaires, en raison de la « tension » qui pesait sur eux. Olivier Dussopt s’est voulu rassurant, en précisant qu’environ 25 % des réserves de précaution des ministères ont été sollicitées pour cette opération de tuyauterie budgétaire. « Je tiens à vous garantir que les ministères et les administrations pourront assurer toutes leurs missions sans être affectées par ces annulations de crédits […] Aucun programme, aucun engagement n’est remis en cause par cette mesure de trésorerie. »

L’urgence, qui justifie le décret, est bien « établie » selon le rapporteur général

Au-delà des interrogations sur le calibrage des mesures et le rythme de consommation des différents programmes du budget, certains membres de la commission ont fait part d’un mécontentement assez marqué. « Ce décret d’avance aura permis d’épuiser toutes les astuces de garçons de bain que la LOLF (Loi organique relative aux lois de finances) permettait », a raillé le sénateur Jérôme Bascher. Tout aussi surpris par ce décret comptable pris dans l’urgence, le communiste Pascal Savoldelli a rappelé que l’inflation n’avait pas débuté avec la guerre en Ukraine. « On ne peut dire que ce n’est pas faute de vous avoir alerté. On a eu bien des débats sur les prix de l’énergie et de l’alimentation ! »

Le rapporteur général Jean-François Husson a considéré pour sa part que l’urgence, impliquant des ouvertures de crédits en catastrophe, était « établie », compte tenu des difficultés causées par la guerre. Il a cependant déploré la « multiplication de dispositifs nouveaux » depuis l’automne, sur le front de la hausse des coûts de l’énergie.

La commission des finances va se réunir ce jeudi pour formuler son avis sur le projet de décret. La commission des finances de l’Assemblée nationale auditionnera le même jour le ministre des Comptes publics.

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