Plan montagne : « Il est urgent de réinventer la montagne de demain », pour le sénateur Cyril Pellevat

Plan montagne : « Il est urgent de réinventer la montagne de demain », pour le sénateur Cyril Pellevat

Après une saison blanche liée à la fermeture des remontées mécaniques, le sénateur LR de Haute-Savoie Cyril Pellevat a décidé de prendre les devants, avant que le gouvernement ne dévoile son « plan montagne » en mai. L’objectif du président du groupe d’études « Développement économique de la montagne » au Sénat ? Faire des propositions concrètes et ambitieuses à l’exécutif pour « imaginer la montagne de demain et ne pas reproduire les erreurs de cette année ratée ». Interview.
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Par Antoine Comte

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Entre la table ronde qui a réuni les principaux acteurs de la montagne au Sénat mardi et la rencontre organisée le lendemain avec les secrétaires d’Etat chargés de l’élaboration interministérielle du « plan Montagne », on sent que vous avez décidé de mettre la pression sur le gouvernement, on se trompe ?

Je crois que c’était vraiment le bon moment d’auditionner toutes les forces vives de la montagne lors de cette table ronde mardi dernier. Le lendemain, nous avons voulu également échanger avec les ministres Joël Giraud et Jean-Baptiste Lemoyne car nous voulions avant tout, leur faire état des préoccupations qu’on nous remonte quotidiennement sur le terrain. C’est vrai qu’on a un peu forcé la porte, mais c’est aussi parce que nous n’avons toujours pas de calendrier précis quant à la date de présentation de ce plan gouvernemental pour la montagne, sans parler du montant des futures aides qui reste toujours très flou. Nous allons sans doute rendre un rapport au Sénat avant que le plan montagne ne soit officiellement détaillé. Notre objectif est vraiment faire des propositions en amont pour que le gouvernement prenne en compte tous les trous dans la raquette.

Quelles sont justement vos principales préconisations ?

Nous souhaitons que le gouvernement établisse un plan avec une vision de long terme pour la montagne de demain. Il est essentiel qu’il traite en effet de l’ensemble des enjeux de cohésion et de développement durable. Cela comprend aussi bien la relance des investissements pour sécuriser les saisons hivernales, mais aussi la diversification de l’offre touristique vers une « montagne 4 saisons » ou « 2 saisons + », la transition écologique et énergétique ou encore l’aménagement numérique de ces territoires en fibre optique par exemple.

Les deux secrétaires d’Etat ont-ils été à l’écoute de vos propositions ?

Oui, la rencontre a été constructive car on s’est rendu compte que certains aspects dont on ne parle pas souvent, sont en fait toujours dans les tuyaux. Je pense à la saisonnalité des activités en montagne par exemple. Ce dialogue franc avec un jeu de questions/réponses a été très rassurant pour notre groupe de travail et la commission de l’aménagement du territoire du Sénat dont il dépend.

Pensez-vous que l’Etat sera à la hauteur financièrement avec ce plan montagne pour faire oublier cette saison catastrophique ?

Quand on voit l’état des finances publiques très largement dégradé par la crise sanitaire que nous vivons depuis plus d’un an maintenant, il est clair que je ne vois pas l’Etat abonder financièrement nos territoires autant que nous le voudrions. Tout dépendra, on le sait, des arbitrages de Bercy. Mais je garde malgré tout espoir, car je crois aux effets démultiplicateurs des aides que peuvent apporter les collectivités locales comme les régions et les départements. Je le vois dans la région où le président du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, en est déjà à son troisième ou quatrième plan neige avec des sommes importantes qui ont été débloquées, comme par le conseil départemental de Haute-Savoie d’ailleurs.

Finalement, et c’est peut-être son seul côté positif, cette crise ne pousse-t-elle pas la montagne à se réinventer plus tôt que prévu, notamment face au réchauffement climatique qui menace de plus en plus les stations de ski ?

Vous avez raison, la crise est un accélérateur pour imaginer en urgence la montagne de demain. Mais les stations de ski n’ont pas attendu cette pandémie pour anticiper le réchauffement climatique. Domaine skiable de France avait d’ailleurs récemment présenté une charte avec des préconisations intéressantes pour les stations comme par exemple la volonté de mettre en service des dameuses à hydrogène beaucoup plus respectueuses de l’environnement ou encore des propositions très novatrices sur la neige de culture. La prise de considération et cette obligation d’évolution existent donc depuis de nombreuses années.

Avec un peu plus de recul, et l’arrivée de cette troisième vague, la fermeture des stations de ski n’était-elle finalement pas la bonne décision à prendre ?

Je ne le crois pas. Quand on voit le titre d’un récent article d’un journal suisse qui se félicite d’avoir réussi son pari en laissant ses stations de ski ouvertes, je me dis qu’on peut vraiment nourrir des regrets. Chez tous nos voisins qui n’ont pas fermé leurs stations, il n’y a pas eu de cluster. Avec un protocole sanitaire strict, une restauration limitée aux terrasses ou encore des tests PCR négatif pour les saisonniers, on aurait pu le faire. Les professionnels étaient prêts, on a raté le coche. La clause de revoyure du gouvernement était prévue pour le 7 janvier, on aurait largement pu rouvrir à cette époque. Même après les vacances de février, c’était encore possible. Maintenant, ce qui nous inquiète davantage, c’est de savoir quels seront les accompagnements des acteurs de la montagne par le gouvernement, une fois que la politique du quoiqu’il en coûte sera derrière nous.

Le plan montagne fera partie du comité interministériel sur le tourisme au mois de mai : n’avez-vous pas peur que les attentes des territoires de la montagne soient diluées dans ce vaste programme de relance ?

Cela fait partie de nos craintes et c’est pour cela qu’on essaie de faire des propositions en amont. On espère que ce vaste plan ne sera pas majoritairement focalisé sur la région parisienne qui a beaucoup souffert, on le reconnaît, mais tout autant que la Haute-Savoie qui est l’une des principales destinations touristiques de France. Il faut que le gouvernement procède intelligemment avec une destination France, plutôt qu’une destination parisienne. Pour le moment, nous n’avons aucun écho sur la stratégie du gouvernement par rapport à ça. Notre lobby des sénateurs de la montagne va continuer à s’activer, mais nous trouvons regrettable de ne pas avoir actuellement un ministère du tourisme de plein exercice qui nous permettrait d’avancer beaucoup plus vite.

On sent que vous voulez malgré tout rester optimiste par rapport aux futures annonces du gouvernement ?

Oui, on reste globalement plutôt optimistes. On voit quelque part qu’il y a une vraie volonté de maintenir tous les acteurs à flots pour qu’ils soient là l’année prochaine. On espère simplement que nous n’aurons pas face à nous des usines à gaz pour bénéficier des aides. Il faut qu’on investisse très vite et très fort. Il est juste impossible qu’on se retrouve l’année prochaine à décaler encore la saison, ou même à ne pas en avoir du tout. La saison prochaine se prépare dès maintenant avec tous les acteurs.

Vous seriez favorable à la mise en place de l’obligation de présenter un passeport vaccinal pour les saisonniers et les skieurs la saison prochaine ?

Non, je suis pour la vaccination mais pas pour la vaccination imposée car elle est discriminante pour ceux qui ne la veulent pas. Je pense qu’en appliquant de façon stricte les protocoles sanitaires stricts, en respectant les gestes barrières et en présentant des tests PCR négatifs à l’entrée, cela peut être suffisant. Je vous rappelle qu’il s’agit d’espaces de plein air et qu’on aura d’ailleurs peut-être atteint l’immunité collective lorsque la saison prochaine débutera. En tout cas, c’est ma vision aujourd’hui, mais oui, elle est susceptible d’évoluer en fonction de l’évolution de la situation sanitaire justement.

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