PMA pour toutes : le Sénat rejette le texte d’emblée, avant son adoption définitive par les députés

PMA pour toutes : le Sénat rejette le texte d’emblée, avant son adoption définitive par les députés

Faute d’avancée possible avec l’Assemblée, le Sénat a adopté une question préalable pour la dernière lecture du projet de loi de bioéthique, ce qui revient à rejeter le texte en abrégeant les débats. La question de la PMA divise la majorité sénatoriale, qui voulait en revanche aller plus loin sur le volet recherche du texte.
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Comme prévu, les sénateurs ont mis rapidement fin aux débats pour la dernière lecture au Sénat du projet de loi sur la bioéthique qui porte notamment l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules. A l’issue de la discussion générale, la majorité sénatoriale de droite et du centre a adopté une question préalable, ce qui revient à rejeter le texte d’emblée, sans examiner tous les articles.

Le projet de loi va terminer son processus législatif pour le moins long de deux ans, car sans procédure accélérée pour une fois. Il va repasser pour une dernière fois devant les députés, qui ont le dernier mot et pourront l’adopter définitivement.

« La PMA pour toutes les femmes était un engagement du président de la République »

« La PMA pour toutes les femmes était un engagement du président de la République », a rappelé le secrétaire d’Etat en charge de l’enfance et des familles, Adrien Taquet. « Ce texte ne satisfera pas tout le monde. Il sera jugé tantôt frileux, tantôt audacieux. Mais il sera jugé équilibré. C’est un texte ambitieux », ajoute le secrétaire d’Etat.

Au Sénat, le parcours du texte a été quelque peu surprenant. En premier lecture, les sénateurs ont adopté la PMA pour toutes mais en limitant son remboursement par la Sécurité sociale aux seuls cas d’infertilité. En seconde lecture, après un imbroglio sur l’adoption de la PMA post-mortem, les sénateurs ont finalement rejeté l’article 1 qui porte la PMA pour toutes. Après l’échec de la commission mixte paritaire, aucune avancée n’était plus possible. D’où cette motion de procédure avec la question préalable.

« Nous sommes arrivés au bout de ce que peut être une discussion parlementaire », explique la sénatrice LR Muriel Jourda, corapporteure du texte. « Nous n’avons pas pu avoir ce dialogue car nous avions juridiquement tort, parce que nous sommes politiquement minoritaires », lance-t-elle, reprenant la formule restée célèbre d’André Laignel.

« La PMA a éclipsé d’autres enjeux majeurs »

Sur tout le pan recherche du texte, « nous aurions aimé aller plus loin, pour ne pas faire prendre un retard à la recherche française », souligne Corinne Imbert (rattachée LR), autre corapporteure. Reste « quelques facteurs de satisfaction », comme dit la sénatrice de Charente-Maritime, avec quelques apports du Sénat conservés par les députés, telle « l’extension ciblée du dépistage néonatal ». Le sénateur (apparenté PS) Bernard Jomier, autre corapporteur, cite également « l’extension de la procédure de don croisé d’organes, adoptée par les députés dans la version du Sénat », « l’ouverture du don de sang aux majeurs protégés » ou encore « sur les dons de corps, après les récents scandales, nous avons voulu prévenir toute exonération générale de responsabilité pénale ».

Pour le reste, « l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules a clivé nos débats. Que l’on y soit favorable, comme je le suis, ou opposé, nous avons regretté l’adjonction de ce sujet à une loi de bioéthique. Cela a éclipsé d’autres enjeux majeurs », constate Bernard Jomier, qui plaide aussi pour une révision plus régulière des lois de bioéthique.

« Un enfant aura toujours deux lignées parentales différentes. Ce qui l’inscrit dans le genre humain universellement mixte », selon Catherine Deroche (LR)

La droite sénatoriale, on le sait, est divisée sur le sujet clivant de la PMA. L’adoption de la question préalable permet aussi, indirectement, d’éviter de monter à nouveau une droite tiraillée sur ces questions sociétales.

Alain Milon, président LR de la commission spéciale, est ainsi pour, « et même pour la GPA », a-t-il rappelé. A l’inverse du président de groupe LR, Bruno Retailleau, ou de Catherine Deroche, présidente LR de la commission des affaires sociales. Elle estime que « promouvoir une égalité totale entre les couples est illusoire. Un enfant aura toujours deux lignées parentales différentes. Ce qui l’inscrit dans le genre humain universellement mixte. On ne peut pas dire à un enfant qu’il est né de deux pères ou de deux mères, même s’il peut être élevé dans une famille mono ou homoparentale ». A l’image d’une partie du groupe LR, la sénatrice craint que la PMA mène ensuite à la légalisation « bientôt, de la GPA ».

« Le camp des progressistes a gagné contre celui des rétrogrades », lance la communiste Laurence Cohen

A l’autre bout de l’hémicycle, la sénatrice PCF Laurence Cohen dénonce « la droite sénatoriale qui s’est radicalisée et caricaturée en deuxième lecture » en rejetant la PMA. Et d’ajouter :

A deux jours de la marche des fiertés, je veux dire aux couples de femmes que cette fois-ci, ça y est !

« Le camp des progressistes a gagné contre celui des rétrogrades, qui craignent que la société s’effondre, faute de figure paternelle », a encore pointé du doigt la sénatrice communiste du Val-de-Marne. « L’Assemblée nationale aura le dernier mot. Et cette fois, je ne le regrette pas », conclut Laurence Cohen. La gauche pointe cependant le fait qu’Emmanuel Macron ait tardé à inscrire le texte à l’ordre du jour du Parlement. Si les premiers parcours de PMA devraient être lancés d’ici la fin de l’année, après le vote de la loi et la publication des décrets d’application, les premiers bébés naîtront après la fin du quinquennat. De nombreuses femmes auront dû attendre. Celles qui ont les moyens ont pu se lancer dans une PMA à l’étranger. Les autres non.

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