Police de sécurité du quotidien: « On a l’impression que le gouvernement ne sait pas où il va »

Police de sécurité du quotidien: « On a l’impression que le gouvernement ne sait pas où il va »

Alors que la nouvelle police de sécurité du quotidien va se mettre en place en janvier dans une quinzaine de villes, les maires et les syndicats de policiers sont plus que perplexes sur les moyens mis à leur disposition.
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« C’est très flou. On ne sait pas du tout quelle forme ça va prendre ». À quelques jours de l’expérimentation de la nouvelle police de sécurité du quotidien (PSQ), Stanislas Gaudon du syndicat de police Alliance, a encore du mal  à en détailler les contours. Annoncée au cœur de l’été par le ministre de l’Intérieur, « la grande concertation » sur la police de sécurité du quotidien avait été lancée à la Rochelle, fin octobre. « La consultation s'achèvera le 20 décembre, la conclusion sera livrée « dans les cinq jours » afin que les premières expérimentations se déroulent « dès janvier 2018 » avait détaillé Gérard Collomb. Plusieurs « niveaux » de concertations ont été prévus : un questionnaire envoyé à 250 000 policiers et gendarmes, des réunions organisées par les préfets en présence des représentants des forces de l’ordre et des élus locaux. Sans compter, les consultations du ministère au niveau national.

« Il faut retisser un lien entre les habitants et la police »

Eric Piolle, maire écologiste de Grenoble s’est porté volontaire. Mais à  quelques jours des premières expérimentations, il ne sait pas encore si sa ville accueillera la PSQ à la rentrée. « Pour le bassin grenoblois, c’est un enjeu très important. Il faut retisser un lien entre les habitants et la police. Au vu des faibles effectifs, les seuls moments où ils ont un contact avec les policiers, c’est lors des interventions ». Toutefois, Eric Piolle a conscience que ça ne se fera pas en un jour. « En dix ans, la police nationale a perdu un quart de ses effectifs » rappelle-t-il. Il craint aussi un possible « chantage » de la part de l’exécutif. « Par exemple, à Grenoble nous n’avons pas de vidéosurveillance dans les espaces publics ouverts car, pour nous, c’est inefficace. Cette décision dépend de la libre administration du maire. Mais si le gouvernement estime que la vidéosurveillance est essentielle au travail d’enquête, il pourrait la conditionner à l’expérimentation ».

« Sur les trente maires des plus grandes agglomérations de France, il y en a dix qui n’ont pas été consultés »

Gérard Collomb avait vanté « une police sur-mesure », déconcentrée, « avec une association plus étroite des maires ». Pour Gaël Perdriau, maire LR de Saint-Étienne et coprésident de la commission sécurité de  l’association France Urbaine, cette promesse d’une « police sur-mesure » « donne surtout l’impression que le gouvernement ne sait pas où il va ». «  Sur les trente maires des plus grandes agglomérations de France, il y en a dix qui n’ont pas été consultés. C’est mon cas. Et parmi ceux qui l’ont été, l’objet des concertations était tellement divers selon les territoires, qu’il est impossible d’en faire la synthèse ». rapporte-il.

Mais ce qui a poussé véritablement Gaël Perdriau à ne pas se porter volontaire pour ce qu’il considère « comme une opération de communication », c’est l’état des effectifs. « Emmanuel Macron avait promis la création de 10 000 postes de policiers et gendarmes. Quand on regarde dans le projet de loi de finances 2018, il n’y a que 1400 postes supplémentaires, à peine de quoi remplacer les départs à la retraite. Ça veut dire quoi ? Que les missions de la PSQ seront assurées par la police municipale. C’est donc un nouveau report de charges vers les collectivités ».

« Actuellement, c’est une heure d’enquête pour sept heures de procédure »

Comment faire mieux avec un effectif constant ? Fin octobre, le ministre de l’Intérieur avait dévoilé une piste. Celle d’une police « mieux équipée » et plus connectée » avec 30 000 véhicules supplémentaires dans les cinq ans, 60 000 gilets pare-balles d’ici la fin de 2018 et 115 000 tablettes numériques. Une meilleure utilisation des moyens que Stanislas Gaudon approuve mais qui n’est pas une nouveauté selon lui. « Les tablettes ça fait trois ans qu’on les attend. Pour les vérifications d’identité on est obligé de rentrer au service ou de mobiliser les ondes radios. On perd du temps. Et puis la technologie a ses limites. Il n’y a qu’à voir les bugs de la nouvelle Plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ), en matière de lutte antiterroriste, un bug dans les écoutes, c’est plus qu’embêtant ». Parmi les pistes proposées par le syndicat Alliance, l’allégement des tâches administratives arrive en tête. « Actuellement, c’est une heure d’enquête pour sept heures de procédure » indique-t-il.  Ou encore, la suppression des gardes statiques, qu’il souhaite voir remplacer par des contractuels. La réforme de la procédure pénale, annoncée pour l’année prochaine, ainsi que la probable mise en place d’une amende forfaitaire pour usage de cannabis, pourrait combler une partie des attentes. Mais dans le même temps, la police de sécurité du quotidien devra s’atteler à la traque d’un nouveau délit, celui d’outrage sexiste, annoncé « comme l’une de ses priorités » par Emmanuel Macron lui-même.

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