Porno : la mission du Sénat veut créer un délit d’incitation aux violences sexuelles
C’est l’un des points forts des propositions de la mission d’information du Sénat sur l’industrie pornographique. Faire des violences sexuelles commises dans un contexte de pornographie, un délit d’incitation à une infraction pénale.
Ce jeudi, lors de la conférence de presse de la mission d’information sur l’industrie du porno, la présidente de la délégation aux droits des femmes du Sénat, Annick Billon a tenu à définir la ligne adoptée à l’issue de 6 mois de travaux sur un sujet jamais abordé dans une enceinte parlementaire. « Le parti pris a été de ne pas aller vers une voie réglementariste […] Nous n’avons pas fait le choix d’avoir une ligne abolitionniste dans ce rapport, car cela aurait été assez utopique ».
« 90 % des scènes pornographiques comportent de la violence »
Les quatre co-rapporteures (Laurence Rossignol (PS), Alexandra Borchio Fontimp (LR) Laurence Cohen (communiste) et Annick Billon (centriste) ont dressé le constat d’une industrie florissante qui génère plusieurs milliards de chiffre d’affaires dans le monde chaque année, avec 19 millions de visiteurs uniques mensuels rien qu’en France.
Le problème, comme l’indique le rapport, c’est que « 90 % des scènes pornographiques comportent de la violence. Les violences sexuelles, physiques et verbales sont massivement répandues dans le porno, revêtant un caractère systémique. Elles ne sont pas simulées mais bien réelles pour les femmes filmées ».
L’illustration la plus glaçante, « l’affaire Frenche bukkake » rythme l’actualité depuis plusieurs mois, rejoint, il y a peu, par « l’affaire Jacquie et Michel ».
« Si ça aboutit à interdire les vidéos qui banalisent le viol, on ne va pas s’en plaindre »
Cette « violence systémique » à l’égard des femmes, a conduit les élues à proposer une nouvelle infraction pénale : le délit d’incitation aux violences sexuelles. « Nous avons déjà des délits d’incitation à la haine raciale, par exemple. Nous voulons que le délit d’incitation à la haine sexiste, à la violence sexuelle figure également dans le code pénal et puisse s’appliquer à des vidéos qui montrent le viol, l’humiliation, les violences sexuelles comme étant la norme de la sexualité », explique Laurence Rossignol.
Mais alors que la quasi-totalité des contenus pornographiques répondent à ces critères, la mission ne se dirige-t-elle pas vers la ligne abolitionniste dont elle se défend ? A noter que cette mesure n’était pas dans le rapport provisoire auquel Public Sénat a eu accès, il y a une semaine.
« Peut-être qu’à ce moment-là, l’industrie pornographique pourra prouver ce qu’elle prétend. C’est-à-dire qu’elle n’est pas violente […] Et si ça aboutit à interdire les vidéos pornos qui sont violentes qui aboutissent à la haine sexiste et qui banalisent le viol, on ne va pas s’en plaindre », élude la sénatrice socialiste.
Comment poser la frontière entre violences sexuelles et pornographie ?
Mais comment qualifier une telle infraction pénale ? A plusieurs reprises, la question a été posée lors de la conférence de presse, les sénatrices ont plutôt déporté leurs réponses vers la fin et non les moyens de cette proposition. « C’est un coup de pied dans la fourmilière », pour Laurence Cohen. « Nous souhaitons déstabiliser l’industrie pornographique », enchaîne Laurence Rossignol.
Julie Leonhard avait ajouté : « L’affaire du porno français (French bukkake) est avant tout un problème de violences et non directement d’infractions relatives à la pornographie à proprement parler […] Fort heureusement nous disposons d’un panel d’infractions assez large qui permettent de sanctionner, sans discussion possible, de tels comportements violents. La pornographie contrainte, forcée ne questionne pas, à mon sens, les contrôles administratifs relatifs à la diffusion d’œuvre pornographique ».
En discutant avec l’ancienne ministre des familles de l’enfance et des droits des femmes, on comprend d’ailleurs qu’à l’instar du viol, l’absence de consentement ne serait pas constitutif de ce nouveau délit. « Vous savez, le duel a été interdit alors que ceux qui y avaient recours y consentaient », compare-t-elle.
Il faudrait alors probablement se pencher la définition légale de la pornographie. Pour mémoire, le droit pénal se borne à interdire l’accès à la pornographie aux mineurs et interdit les contenus qui seraient préjudiciables aux mineurs par la représentation de leurs corps, réelle ou fictive, c’est-à-dire la pédopornographie.
Avocate au barreau de Paris, spécialisée dans les affaires pénales et à la tête de son propre cabinet, elle plaide aussi bien pour ceux qui sont accusés du pire (crime, terrorisme, viol…) que pour des victimes. Réputée pour l’énergie, la fougue et la passion qu’elle met à défendre ses clients, elle a beaucoup travaillé auprès des femmes et enfants de djihadistes, emprisonnés en Syrie. Cette semaine, Rebecca Fitoussi reçoit Marie Dosé dans l’émission d’entretien, Un monde, Un regard.
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