Près de l’Italie, un futur centre pour jeunes migrants sous la critique

Près de l’Italie, un futur centre pour jeunes migrants sous la critique

"Ici, on n'a pas de police municipale, que des grillons, des chauves-souris et 150 habitants l'hiver": l'ouverture prévue d'un...
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Par Claudine RENAUD

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"Ici, on n'a pas de police municipale, que des grillons, des chauves-souris et 150 habitants l'hiver": l'ouverture prévue d'un centre pour des mineurs étrangers isolés dans un village perché à la frontière italienne, soulève les objections du maire et des défenseurs des migrants.

Village du littoral le plus haut d'Europe, desservi par une route sinueuse et étroite, Sainte-Agnès (Alpes-Maritimes) n'accueillait jusqu'à présent que des touristes, des cyclistes et un centre de vacances, fermé en 2015 mais que le conseil départemental rénove pour héberger des migrants mineurs non accompagnés.

"On nous a mis au pied du mur", tempête le maire Albert Filippi, qui a pris un arrêté pour bloquer les travaux après un premier recours perdu. Il critique un "défaut de concertation" de la préfecture et du département, et dénonce un choix inadapté en raison de l'isolement des lieux.

"Il y a des locaux disponibles en zone urbaine! Ici, si vous en avez un qui décompense, il faut 30 à 50 minutes pour que quelqu'un monte, ou pour descendre", reprend M. Filippi, soutenu par ses administrés qui accusent les maires de Menton et Roquebrune-Cap-Martin de s'être entendus sur leur dos.

En cause notamment: le fait que le centre de vacances appartienne à Roquebrune-Cap-Martin, une commune balnéaire huppée limitrophe de Monaco. Pourquoi a-t-il été choisi pour accueillir ces mineurs? "Réquisition préfectorale", répond le maire LR de la ville Patrick Cesari.

La préfecture n'a pas souhaité s'exprimer sur le dossier. Et du côté du département, tenu, comme tous les départements, de prendre en charge les mineurs isolés sur son territoire, la directrice de l'enfance Annie Seksik insiste sur le fait que le centre était "déjà disponible (et) adapté à l'accueil des mineurs".

La collectivité prévoit d'ouvrir 54 places à la mi-août. Des jeunes sont pour l'instant hébergés en résidences étudiantes, à libérer pour la rentrée.

- "Un petit peu peur" -

"On accuse le département d'ouvrir un camp de migrants de façon sauvage, c'est faux, c'est un projet conduit, réfléchi", dit-elle, prévoyant des navettes pour descendre les jeunes, notamment ceux en formation, sur le littoral où "nos dispositifs sont saturés".

Frontalier de l'Italie, le département des Alpes-Maritimes abrite 433 mineurs arrivés seuls dans leur exil, un chiffre en hausse constante pour un budget annuel plus que triplé en deux ans, à 8,5 millions d'euros.

"L'idée est de faciliter la phase de mise à l'abri mais pas forcément que ça. Ces jeunes feront l'objet d'un accompagnement par une équipe qui devrait comprendre 28 membres", précise Mme Seksik. Pour l'administration, la "mise à l'abri" correspond aux quelques jours précédant l'évaluation pour vérifier si les jeunes sont vraiment mineurs.

"On s'inquiète pour ceux qui seront déclarés majeurs", souligne pour sa part David Nakache, de l'association Tous Citoyens!, qui a notamment contesté avec succès depuis 2018 plusieurs refus de prise en charge: les jeunes étaient déclarés majeurs alors qu'ils ne l'étaient pas.

L'avocate Mireille Damiano redoute aussi que l'emplacement excentré de Sainte-Agnès facilite des refoulements expéditifs, sans possibilité d'exercer un droit de recours ou de déposer une demande d'asile.

A la frontière, les migrants restent ballottés entre l'Italie et la France, même si leur nombre a diminué (10.370 interpellations depuis janvier, contre 15.000 au 1er semestre 2018).

A Sainte-Agnès, en haut d'un éperon rocheux surplombant la Méditerranée, la fête de la lavande a fait le plein dimanche, entre démonstration de distillation à l'ancienne et séance de zumba. Et les habitants ont souvent un avis sur le futur centre: "Faut pas écrire qu'on est raciste, c'est pas du tout ça!", se défend Gilbert Ravasio, un ancien maçon.

"Est-ce que ça se passera bien, ou pas bien, en tout cas ça fait un petit peu peur à tout le monde et on nous impose ça alors que Cesari ne les a pas voulus en bas! C'était la fin de son électorat!", s'énerve un autre habitant, épinglant le maire de Roquebrune-Cap-Martin.

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