Présidentielle 2022 : que retenir du programme d’Emmanuel Macron ?
Largement en tête dans les sondages, Emmanuel Macron a entamé le sprint final de la campagne en présentant son programme pour un second quinquennat. Indépendance de la nation, société apaisée, et Etat « qui protège », le chef de l’Etat a longuement exposé les principaux axes de son projet.
Par Public Sénat
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Emmanuel Macron avait promis de ne pas être « exhaustif » et de ne présenter que « quelques grands axes » de son projet. Il lui aura fallu quand même plus d’1 heure et demi pour le faire. Le double de ce qui était prévu initialement.
« Plan de mobilisation civile pour renforcer notre résilience »
En cinq ans d’exercice du pouvoir Emmanuel Macron a appris au moins une chose. « Il faut toujours beaucoup de modestie quand on fait ces exercices. On fait un projet avec ce qu’on veut faire et on doit affronter le monde tel qu’il est et qui vient », a concédé Emmanuel Macron en référence aux nombreuses crises, sanitaires, économiques, géostratégiques traversées ces cinq dernières années.
Le contexte actuel, « le retour du tragique du tragique dans l’histoire » le conduit à détailler une première série de mesures visant à rendre la France plus indépendante. L’occasion de rappeler l’adoption d’une loi de programmation militaire en 2018 destinée à porter le budget de la défense à 50 milliards en 2025. « Je demanderai au chef d’État-major des armées de pouvoir évaluer les besoins à la lumière de la guerre que nous sommes en train de traverser »
Il a ensuite évoqué « la généralisation » du service national universel, du service civique pour les jeunes et le doublement des réservistes. Assurant avoir tiré les leçons de la crise sanitaire, le Président souhaite pouvoir mettre en place « un plan de mobilisation civile pour renforcer notre résilience », ce qui selon lui « passera par un renforcement des stocks stratégiques de la nation, par un recensement des compétences des Français volontaires pour être mobilisés en cas de crise grave, mais aussi des capacités des entreprises clés ».
Loi d’orientation et d’avenir agricole
L’indépendance française passe également par la souveraineté alimentaire. A ce titre, le chef de l’Etat annonce une loi d’orientation et d’avenir agricole dans le but de s’attaquer au « grand défi de la transition démocratique agricole ». « Il nous faut une loi sur l’installation, le foncier et l’accompagnement et la formation des jeunes exploitants agricoles ». Au niveau européen, la guerre en Ukraine conduit, selon lui, à une adaptation du programme « Farm to fork ». « Nous ne pouvons-nous permettre de produire moins ».
L’indépendance industrielle se traduira par l’investissement de 30 milliards d’euros dans les secteurs d’avenir, où il faut, en matière de recherche fondamentale, tels que les « mini-lanceurs spatiaux, dans les bio médicaments, dans les semi-conducteurs, dans les réacteurs nucléaires de 3e et 4e générations, dans la poursuite, là aussi, de notre stratégie numérique et du développement des licornes, et des plus grandes entreprises du secteur, dans le Cloud, Le quantique, l’intelligence artificielle… »
La France : « Première grande nation à sortir de la dépendance au gaz, au pétrole et au charbon ».
En guise d’indépendance énergique, Emmanuel Macron émet l’ambition de faire de la France « la première grande nation à sortir de la dépendance au gaz, au pétrole et au charbon ». Pour cela, « la France s’engagera sur la construction de 6 réacteurs, et d’une mise à l’étude immédiate de 8 autres réacteurs. La puissance solaire sera multipliée par 10, et 50 parcs éoliens en mer seront déployés d’ici 2050. Il vise également à rénover au moins 700.000 logements par an et à déployer une offre abordable de véhicules électriques. « Nous porterons une série de mesures, comme le conditionnement de la rémunération des dirigeants au respect des objectifs environnementaux et sociaux de l’entreprise, ce qui est un élément clé, là aussi, pour changer les pratiques et les comportements », explique-t-il.
Etats généraux pour le droit à l’information
Dernier élément de l’indépendance Française, l’indépendance culturelle et informationnelle. Des états généraux pour le droit à l’information, auront la charge, « au-delà des simples sujets capitalistiques », d’établir les éléments permettant de défendre l’information libre et indépendante, des conditions d’exercice en France et en Europe.
Réforme du RSA
Même si Emmanuel Macron s’est félicité de son bilan en matière d’emploi. Le travail est « une condition » de l’indépendance, selon lui, « et nous devons travailler là-dessus ». Il propose une réforme du RSA « en assurant un meilleur accompagnement et un meilleur équilibre des droits et devoirs » et « l’obligation de consacrer 15 à 20 heures par semaine pour une activité permettant d’aller vers l’insertion professionnelle ».
Le favori des sondages dresse un parallèle entre cette réforme souhaitée du RSA et « le contrat d’engagement jeune pour les 18 25 ans » entré en vigueur début mars, dont l’allocation d’un maximum de 500 euros est soumise à conditions, notamment « un parcours intensif avec une mise en activité systématique, soutenue et régulière » et dont le non-respect des obligations expose à des sanctions graduées.
« Je n’ai pas voulu faire le RSA pour les 18-25 ans parce que je considère que c’est en quelque sorte nous satisfaire d’une idée qu’on traiterait la pauvreté ou la précarité uniquement à travers des prestations monétaires » s’est justifié le chef de l’Etat, en défendant l’idée de « demander une part d’efforts pour toutes celles et ceux qui le peuvent ». A noter que Pôle emploi changerait pour s’appeler « France Travail ».
Emmanuel Macron a réaffirmé sa proposition d’allonger progressivement l’âge de la retraite à 65 ans tout en prenant en compte « la réalité des métiers et des tâches pour avoir un système qui est juste ». « En parallèle de ça, nous simplifions et développerons les mécanismes de cumul emploi-retraite », esquisse-t-il. La pension minimale pour une carrière complète sera portée à 1100 euros.
Santé et école : deux chantiers majeurs
Deuxième axe développé par le chef de l’Etat : la mise en œuvre d’une société plus unie. « Je continue à croire au fait que la politique la plus égalitaire, c’est celle qu’il prévient les inégalités et qui conjure la fatalité ». Deux chantiers majeurs sont annoncés l’école et la santé.
Il s’agit de « changer de méthode collectivement » et, pour l’école, « débuter par une large concertation pour discuter de la meilleure manière d’atteinte des objectifs […] en mettant toutes les parties prenantes autour de la table ».
Dans le cadre d’« un pacte nouveau pour les enseignants », « il faudra poursuivre de manière significative l’augmentation des rémunérations », qui sera liée à « la définition de nouvelles missions ». Des mesures seront prises pour garantir le « remplacement des professeurs absents parce que nous devons à nos élèves et leurs parents l’intégralité des heures d’enseignement ». Le candidat entend aussi donner « plus de liberté pour les établissements » afin de « valoriser l’expertise de terrain », comme il l’a annoncé dans le cadre du plan de relance de Marseille.
Convention citoyenne sur la fin de vie
Sur chantier de la santé, le chef de l’Etat veut renforcer « la politique de prévention », « la simplification de l’hôpital et de sa gouvernance » et l’amélioration de « l’accès aux soins en urgence ». Le ministre de la Santé Olivier Véran a annoncé jeudi l’organisation d' « une grande conférence » sur le système de santé si Emmanuel Macron était réélu en avril.
Interrogé sur la question de la fin de vie, le Président estime qu’une « convention citoyenne » serait adaptée pour trancher le débat dans le cadre d'un éventuel second mandat. « Sur ce sujet, je souhaite que nous puissions avancer de manière apaisée » a-t-il indiqué en ajoutant que « sur la base des conclusions » d'une telle Convention, il soumettrait « à la représentation nationale ou au peuple le choix d'aller au bout du chemin qui sera préconisé", c'est-à-dire par référendum.
Versement des aides sociales « à la source »
L’égalité femme-homme sera de nouveau « la grande cause » du quinquennat, s’il est réélu. Deux sujets seront prioritaires l’accompagnement des familles monoparentales qui à 85 % sont des femmes et la santé féminine.
Il s’engage aussi à faire verser les aides sociales « à la source », de manière automatique, ce qui selon lui bénéficierait aux « 20 millions de Français » qui touchent le RSA, la prime d’activité, des aides au logement ou des allocations familiales. Reprenant cette promesse de 2017, il a dit vouloir « simplifier » ces aides afin que tous les Français qui y ont droit puissent les percevoir, mais aussi pour lutter contre la fraude.
Refonte de l’organisation de l’asile et du droit de séjour
Dernier axe abordé par le chef d’Etat concerne l’Etat régalien « l’Etat qui protège ». Pour mieux maîtriser l’immigration, il souhaite « la refonte de l’organisation de l’asile et du droit de séjour, avec notamment la mise en place de procédures d’éloignement plus rapides et effectives ». « Un système qui fera que le refus d’asile vaudra obligation de quitter le territoire français, là, aujourd’hui, la multiplication des procédures et des voies de recours crée l’inefficacité de notre système », estime-t-il. Les titres de séjour de plus de 4 mois seront conditionnés « à un examen de français et à une vraie démarche d’insertion professionnelle ».
Dans la lutte contre la discrimination, un testing systématique sera mis en place pour chaque entreprise de plus de 5.000 salariés.
Retour du conseiller territorial et de la réforme institutionnelle
Emmanuel Macron compte s’attaquer là une nouvelle réforme de simplification territoriale, en portant « un projet de conseiller territorial et la mise en œuvre du droit à la différenciation qui permettra à chaque territoire, y compris de revenir sur les organisations territoriales établies ».
La réforme institutionnelle avortée il y a trois ans sera remise au goût du jour et sera confiée à une commission transpartisane.
Un programme à 50 milliards d’euros
Emmanuel Macron évalue le coût de son programme pour la présidentielle à 50 milliards d’euros par an jusqu’à 2027, avec des baisses d’impôts de 15 milliards par an bénéficiant pour moitié aux ménages et pour moitié aux entreprises. Il s’engage à ces baisses d’impôts, pour « moitié ménages, moitié entreprises » : « Sept milliards de CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ndlr) pour les entreprises, un peu plus de sept milliards et demi pour les ménages ». Selon lui, le financement de ces mesures se fera de trois manières. « Quinze milliards d’euros sont financés grâce au plein-emploi, à la réforme des retraites et nos investissements de croissance. Quinze milliards sont financés par les réformes de fond et les simplifications », a-t-il précisé, citant la « e-prescription, la e-carte vitale, la régulation des prestations sociales « ou encore » la lutte contre la fraude et l’optimisation ».
Depuis la nomination de Michel Barnier à Matignon, la ligne du Parti socialiste opposée à Olivier Faure multiplie les prises de parole tenant sa direction pour responsable dans l’échec de la nomination de Bernard Cazeneuve. Une accusation dont elle se défend, alors que le parti à la rose souhaite peser davantage à gauche.
Le nouveau locataire de Matignon consulte en vue de la nomination de son gouvernement. Côté LR, le nom du patron des sénateurs de droite, Bruno Retailleau, revient avec insistance. « Une hypothèse plus que possible », avance un sénateur LR, selon qui « on lui a demandé ». Mais rien n’est encore fait. Si des macronistes seront de la partie, les choses semblent bouchées à gauche.
Cela pourrait être le premier obstacle du gouvernement Barnier, avant même l’adoption du budget 2025 d’ici la fin de l’année. Les députés du Rassemblement national ont confirmé qu’ils entendaient déposer, dans le cadre de leur niche parlementaire prévue le 31 octobre, un texte d’abrogation de la réforme des retraites. Du côté du Nouveau Front populaire, qui proposait le retour de la retraite à 60 ans dans son programme, l’idée de devancer le RN en mettant une proposition similaire à l’ordre du jour dès l’ouverture de la session ordinaire à l’Assemblée fait aussi son chemin. Rien n’assure toutefois que les deux familles politiques joindraient leurs voix pour faire adopter un tel texte. « Nous ne serons pas condamnés à voter la proposition de loi de ces hypocrites, qui sont responsables du fait qu’aujourd’hui nous avons un partisan de la retraite à 65 ans à Matignon », fustigeait le sénateur communiste Ian Brossat, invité de la matinale de Public Sénat ce 9 septembre. Quelques minutes plus tard, sur le même plateau, le député Rassemblement national Sébastien Chenu rétorquait, accusant la gauche de « sectarisme ». Mathématiquement, la réforme des retraites, adoptée dans la douleur au mois de mars 2023, trouve tout de même une majorité contre elle à l’Assemblée. Face à ce constat, le nouveau Premier ministre Michel Barnier a donc tenté d’arrondir les angles en annonçant le 6 septembre, sur le plateau de TF1, son souhait d’ « ouvrir le débat sur l’amélioration de cette loi pour les personnes les plus fragiles », sans pour autant « tout remettre en cause ». « Il faut rouvrir les discussions, mais pas pour remettre en cause la réforme » Quelles « améliorations » le gouvernement Barnier pourrait-il apporter au texte ? Au sein de la droite et du bloc central, le retour à la retraite à 62 ans semble en tout cas exclu. « Il faut rouvrir les discussions, mais pas pour remettre en cause la réforme. On l’a votée avec beaucoup de difficultés, on garde les acquis », défend un cadre de la majorité sénatoriale. Quelques ajustements du texte ne sont donc pas à exclure, ne serait-ce que pour « répondre », estime-t-il, à l’initiative parlementaire du RN et aux syndicats, qui prévoient une manifestation le 1er octobre. La ligne rouge des 64 ans n’interdit pas, par ailleurs, de rediscuter d’autres points de la réforme. Au Sénat, l’introduction de nouvelles mesures sur l’emploi des seniors semble par exemple faire consensus au sein de la majorité. À l’occasion de l’examen du texte, la chambre haute s’était déjà exprimée en faveur de l’instauration d’un « index seniors », censé pousser les entreprises à davantage de transparence sur l’emploi des salariés en fin de carrière, et sur la création d’un « CDI seniors », nouveau contrat de travail exonéré de certaines cotisations. Les deux amendements avaient finalement été censurés par le Conseil constitutionnel. « Il faut reprendre cet aspect là des choses, pour associer à cette réforme des retraites un véritable changement de politique vis-à-vis de l’emploi des seniors. Il faut sans doute aussi travailler, en lien avec les partenaires sociaux, sur la question de la pénibilité notamment dans les métiers du bâtiment ou de l’aide à la personne », propose la sénatrice centriste Élisabeth Doineau. En revanche, pour la rapporteure générale du budget de la Sécurité sociale, une remise en cause complète de la réforme serait « suicidaire » : « Il faut être lucide face aux réalités budgétaires du pays, pour ne pas entraîner la France vers de nouvelles dépenses qui seraient un naufrage. » « Je ne vois pas sur quoi le débat peut reprendre si on élude la question des 64 ans » Les déclarations de Michel Barnier, qui a indiqué que les « améliorations » qu’il entendait proposer respecteraient « le cadre budgétaire », ont donc de quoi rassurer les défenseurs de la réforme. À gauche, l’accueil de l’annonce du nouveau Premier ministre est évidemment beaucoup plus froid. « Je ne vois pas sur quoi le débat peut reprendre si on élude la question des 64 ans, puisque l’essence même de cette réforme c’est le report de l’âge de départ à la retraite », dénonce la sénatrice Monique Lubin, qui défendait déjà en février dernier une proposition d’abrogation de la réforme. L’élue socialiste doute par ailleurs de la sincérité de l’initiative du nouveau Premier ministre, qui défendait du temps de la primaire des Républicains en 2021 un report de l’âge légal à 65 ans. « Sa déclaration me laisse songeuse. Je pense qu’elle a surtout pour but de donner des gages, de contrebalancer la tendance à droite de ce futur gouvernement, au moment où il cherche des ministres de centre-gauche pour le composer », estime Monique Lubin. Du côté des syndicats, le scepticisme est aussi de mise. Au micro de France Inter le 8 septembre, la secrétaire générale de la CFDT Marylise Léon a réclamé « a minima » une suspension de la réforme, le temps de la réouverture des discussions, pour bloquer l’augmentation progressive de l’âge de départ à la retraite. De son côté, la CGT a fait de l’abrogation de la réforme l’un des mots d’ordre de la journée de mobilisation syndicale du 1er octobre.
Alors que se tiennent mardi et mercredi les journées parlementaires des groupes Ensemble pour la République et Horizons, une incertitude planait sur la venue du Nouveau Premier ministre. Le parti d’Edouard Philippe a envoyé une invitation à Michel Barnier. Du côté du groupe Ensemble pour la République dirigé par Gabriel Attal, on semblait vouloir garder ses distances.