Présidentielle 2022: qui sont les électeurs d’Éric Zemmour ?
Dans son dernier rapport consacré à la candidature probable d’Éric Zemmour à l’élection présidentielle, la fondation Jean-Jaurès a cherché à dresser un portrait des électeurs du polémiste. Plus radical et plus masculin que celui de Marine Le Pen mais surtout bien plus intéressé par la politique.

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Dans son dernier rapport consacré à la candidature probable d’Éric Zemmour à l’élection présidentielle, la fondation Jean-Jaurès a cherché à dresser un portrait des électeurs du polémiste. Plus radical et plus masculin que celui de Marine Le Pen mais surtout bien plus intéressé par la politique.
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C’est un dossier d’une quarantaine de pages que la Fondation Jean Jaurès consacre à « l’idéologie, l’image et l’électorat » d’Éric Zemmour.

« Il n’est plus possible de concentrer ses critiques sur les médias ou les sondages – qui créeraient une « bulle » artificielle. Il est aujourd’hui indispensable de prendre la percée d’Éric Zemmour au sérieux, c’est-à-dire de la comprendre pour pouvoir mieux la combattre », explique en introduction, Gilles Finchelstein, directeur général de la Fondation.

Le dernier sondage réalisé pour Le Monde, la Fondation Jean Jaurès et Sciences Po, sorti le 12 octobre dernier, plaçait le polémiste au coude à coude avec Marine Le Pen (16 %) pour défier Emmanuel Macron au second tour de l’élection présidentielle.

Niveau de diplôme, catégorie socio-professionnelle, le genre

En s’appuyant sur un échantillon d’environ 9 000 personnes interrogées début octobre, Antoine Bristielle et Tristan Guerra, respectivement directeur et membre de l’Observatoire de l’opinion de la Fondation Jean-Jaurès, ont relevé que les soutiens à Éric Zemmour sont plutôt des hommes (+7 points) par rapport aux femmes. « Les femmes représentent quand même la moitié du corps électoral. Donc à terme, ça peut être un problème pour lui. Son discours masculinisme, ses positions sur l’avortement, sur la parité en politique, ça peut rebuter notamment celles qui s’inquiètent de la place de la femme dans l’islam. Marine Le Pen a, quant à elle, réussi, lors de la dernière élection présidentielle, à conquérir l’électorat féminin », souligne Tristan Guerra.

Et leur répartition n’est pas forcément liée au niveau de diplôme. « Ceux qui ont achevé un cycle universitaire court (Bac + 2) et les titulaires d’un CAP/BEP ont autant de chances de voter pour lui (17 et 18 %). En revanche, le niveau de soutien baisse sensiblement à 14 % pour Éric Zemmour chez les plus diplômés (diplôme supérieur à Bac + 3), ce qui est nettement supérieur à Marine Le Pen (5 %) » souligne l’étude.

Éric Zemmour parvient à capter une partie des intentions de vote des milieux populaires : 17 % chez les ouvriers et 16 % chez les employés) au même niveau que chez les CSP +.

A l’inverse de Marine Le Pen qui séduit plus en milieu rural, l’électorat d’Éric Zemmour est réparti de manière homogène sur le territoire. Par exemple, il dispose d’un niveau de soutien important en Île-de-France, 18 % (à l’inverse de Marine Le Pen, 10 %).

« Il incarne un électorat en fusion »

« Si je l’étais (candidat), je serais celui de la droite. Je suis le candidat de ce qu’on appelait avant le RPR », déclarait au début du mois Éric Zemmour. Cette affirmation se retrouve-t-elle dans les intentions de vote ?

24 % de ses électeurs s’inscrivent en premier lieu à droite contre 15 % pour Marine Le Pen et 26 % pour Xavier Bertrand. Si sur 100 électeurs d’Éric Zemmour, plus d’un tiers (34 %) viennent de l’électorat de Marine Le Pen en 2017, 25 % viennent de celui de François Fillon. « On est un peu troublés par la capacité d’Éric Zemmour à piocher à la fois dans l’électorat de Marine Le Pen et de François Fillon. Sa force, c’est de parvenir à cette coalition d’un électorat lepéniste et de la droite de gouvernement. Il incarne un électorat en fusion », explique Tristan Guerra à publicsenat.fr.

Un électorat accroc à la politique

Mais cette dynamique dans les sondages s’explique aussi par une autre particularité de son électorat. « Près d’un quart (23 %) de ceux qui déclarent s’intéresser beaucoup à la politique le choisissent pour candidat, contre seulement 9 % de ceux qui affirment au contraire ne pas s’intéresser à la politique. Marine Le Pen enregistre, quant à elle, seulement 11 % de soutien chez ceux qui déclarent s’intéresser beaucoup à la politique, mais profite de 24 % de soutien chez ceux qui déclarent « ne pas du tout » s’y intéresser. Nous sommes encore très tôt dans la campagne. Les intentions de vote mettent en scène des aficionados de la politique qui consomment beaucoup de contenus politiques, donc, bien sûr, il peut être surreprésenté. Mais ça peut être aussi une force car les gens qui s’intéressent beaucoup à la politique peuvent aller convaincre leur entourage », rappelle Tristan Guerra.

« Grand pôle conservateur identitaire »

37 % de ceux qui jugent avoir des idées « très radicales » se prononcent pour Éric Zemmour (contre 33 % pour Marine Le Pen). « Le cœur du réacteur nucléaire de son électorat, c’est : sécurité, islam, immigration. Il y a encore quelques mois, on aurait pu penser que Marine Le Pen ne pouvait pas être concurrencée sur sa droite sur ces thèmes. Éric Zemmour peut aussi séduire les électeurs déçus de la droite du gouvernement qui a un discours très dur pendant les campagnes électorales et qui est beaucoup plus mesuré une fois au pouvoir. Il en joue. On peut se demander si cette dynamique est un prélude de la constitution d’un grand pôle conservateur identitaire », s’interroge Tristan Guerra.

L’électorat d’Éric Zemmour semble, en effet, approuver des positions plus dures que celui de Marine Le Pen sur l’immigration et l’islam. 83 % des électeurs d’Éric Zemmour sont tout à fait d’accord avec l’idée qu’il y aurait trop d’immigrés en France (contre 35 % des Français et 78 % de ceux qui voteraient pour la candidate du RN). 81 % sont tout à fait d’accord avec l’idée que l’islam représente une menace pour la République (contre 73 % des électeurs potentiels de Marine Le Pen).

« Il fédère sur lui des gens très radicaux. Mais la perspective d’un dirigeant très idéologique peut effrayer les électeurs. On note aussi qu’il se précipite sur une urgence civilisationnelle qui n’est pas un enjeu majoritaire dans le pays », conclut Tristan Guerra.

 

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