Présidentielle : 66 % des propositions économiques de Marine Le Pen ont une forte connotation sociale, relève une étude du Cevipof
Une étude du Cevipof a comparé le programme économique et social de Marine Le Pen avec celui Éric Zemmour. La candidate a misé très tôt des mesures de redistribution et de protection sociale. Contrairement à Éric Zemmour plus attaché aux marqueurs de droite du libéralisme.

Présidentielle : 66 % des propositions économiques de Marine Le Pen ont une forte connotation sociale, relève une étude du Cevipof

Une étude du Cevipof a comparé le programme économique et social de Marine Le Pen avec celui Éric Zemmour. La candidate a misé très tôt des mesures de redistribution et de protection sociale. Contrairement à Éric Zemmour plus attaché aux marqueurs de droite du libéralisme.
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Gilles Ivaldi, chargé de recherche CNRS a comparé les programmes présidentiels des deux principaux candidats de la droite radicale à la présidentielle, Marine Le Pen et Éric Zemmour.

Tout d’abord, Chacun accorde à l’économie et au social une place importante. Ces enjeux recouvrent près des deux tiers (65 %) des 385 propositions d’Éric Zemmour contre 74 % du programme de Marine Le Pen.

Gilles Ivaldi relève tout d’abord, qu’entre les deux, le match se joue sur le terrain de la « crédibilité ». Marine Le Pen a d’ailleurs raillé récemment « les propositions caricaturales » de son concurrent. Du côté de la candidate du Rassemblement national, « l’importance prise par les questions économiques et sociales s’inscrit dans une stratégie de longue date initiée dès son arrivée à la tête du Front national en 2011 », rappelle le politologue.

Cette prise en compte est plus récente pour le candidat de Reconquête, « poussé par « la nécessité de s’extirper, lui aussi, de son statut de candidat de « niche » centré sur les thèmes culturels ».

« Le social-populisme de crise » de Marine Le Pen

Là où les deux candidats s’éloignent, c’est sur la question sociale. « En 2022, la question sociale est, de fait, au cœur du programme présidentiel de la candidate du RN […] Il y a dix ans, 59 % des propositions économiques du FN tiraient déjà vers la gauche économique « Les mesures de redistribution et de protection sociale représentent cette année deux tiers (66 %) des propositions économiques et sociales de la candidate du RN, la proportion la plus élevée depuis l’irruption du FN sur la scène politique française »  analyse Gilles Ivaldi. Il note que Marine Le Pen « a parié très tôt sur un social-populisme de crise à forte tonalité sociale »

Parmi les mesures, on relève la baisse de la TVA, l’augmentation des salaires, les exonérations fiscales ou gratuité des transports pour les jeunes actifs, la suppression des augmentations de la TICPE entre 2015 et 2018, une taxe exceptionnelle sur les groupes pétroliers, une revalorisation des pensions et du minimum vieillesse.

La candidate RN n’oublie pas pour autant les « milieux ancrés à droite économiquement » avec « la disparition de plusieurs mesures emblématiques », comme son recul sur retraite à 60 ans ou le retrait de la loi Travail qui figuraient dans son programme de 2017.

Le « capitalisme populaire » d’Éric Zemmour

En face, Éric Zemmour a misé sur ce que Gilles Ivaldi appelle un « capitalisme populaire ». « Au total, 43 % des mesures du candidat de Reconquête ! sont orientées à droite, soit plus du double de Marine Le Pen », a-t-il compatibilité citant l’allègement de l’IFI et des droits de succession, la retraite à 64 ans, la défiscalisation des heures supplémentaires.

Plusieurs marqueurs de droite ressortent de son programme comme la réduction des dépenses de l’État à hauteur de 15 milliards d’euros ou la promesse de mettre fin à l’assistanat. L’étude note que le candidat « reprend à son compte le poujadisme fiscal qui a longtemps constitué un élément fort du programme économique de Jean-Marie Le Pen » Ainsi lors d’un discours prononcé à Cannes le 22 janvier dernier, Éric Zemmour fustigeait l’administration fiscale qui « fait la chasse aux contribuables, se lance dans la traque de ceux qui travaillent, de ceux qui payent pour les autres, sans rien dire, sans broncher, ce n’est plus une administration fiscale, c’est une bureaucratie soviétique. Nous demandons la fin de la tyrannie de Bercy ! »

Toutefois, Gilles Ivaldi note qu’au-delà « des aspects forts de rhétorique de campagne », Éric Zemmour est loin du positionnement libéral de Jean-Marie Le Pen candidat à la présidentielle. En 1986, les mesures libérales représentaient 79 % du programme du FN et 61 % en 2002.

Éric Zemmour se doit de parler également aux catégories les plus modestes en promettant une hausse des salaires, le remboursement des frais de carburant ou bourse de naissance de 10 000€.

Le protectionnisme en adéquation avec les attentes de leurs partisans

Enfin, l’étude souligne qu’Éric Zemmour et Marine Le Pen se retrouvent  sur le nationalisme économique. Les mesures protectionnistes représentent un quart (25 %) du projet économique d’Éric Zemmour et 14 % de celui de Marine Le Pen.

La candidate qui a abandonné l’idée d’une sortie de l’Euro, privilégie en 2022 « un modèle polonais visant à affirmer la primauté du droit national sur le droit européen ». Une ligne directrice que l’on retrouve également chez Éric Zemmour. L’étude rappelle « l’adéquation de l’offre protectionniste des candidats avec les attentes de leurs supporters : pas moins de 42 % des électeurs potentiels d’Éric Zemmour estiment ainsi que « sur le plan économique, la France doit se fermer davantage », de même que 36 % des électeurs lepénistes, contre 30 % de l’électorat de Jean-Luc Mélenchon et 18 % seulement des supporters d’Emmanuel Macron. »

En conclusion, le politologue relève que l’impact de la guerre sur le pouvoir d’achat des Français avantage Marine Le Pen. « En pariant sur un programme social-populiste de « crise » à forte tonalité sociale dès avant même le déclenchement de l’invasion russe en Ukraine, la candidate du Rassemblement national a fait le pari de s’adresser à une France fragilisée par les effets de la pandémie et posé, peut-être, à cette occasion les bases de sa qualification pour le second tour face à Emmanuel Macron ».

 

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