Présidentielle: abstention et mobilisation, enjeux majeurs du scrutin
Pour Jean-Yves Dormagen, professeur de sciences politiques, co-auteur de "La démocratie de l'abstention" en 2007, abstention et écarts de...

Présidentielle: abstention et mobilisation, enjeux majeurs du scrutin

Pour Jean-Yves Dormagen, professeur de sciences politiques, co-auteur de "La démocratie de l'abstention" en 2007, abstention et écarts de...
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Par Mehdi BOUDARENE

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Pour Jean-Yves Dormagen, professeur de sciences politiques, co-auteur de "La démocratie de l'abstention" en 2007, abstention et écarts de mobilisation peuvent être des enjeux majeurs de la présidentielle, dans un contexte de désillusion qui pourrait permettre à Marine Le Pen de déjouer les pronostics des sondages la donnant battue.

Pourquoi l'abstention continue-t-elle de progresser d'élection en élection ?

Les gens votent s'il y a un enjeu fort. Ce n'est pas un hasard si dans les années 70, 80, le taux de participation était aussi élevé, avec un clivage gauche/droite qui fonctionnait à merveille et avec l'idée qu'au bout du bulletin de vote, il y a un enjeu de société.

L'abstention a autant une dimension sociologique que politique, et avec le contexte actuel il est plus logique de s'attendre à une progression de l'abstention. Je ne serais d'ailleurs pas étonné qu'elle soit comparable à celle de 2002 (28% au premier tour).

Si on prend les électorats les uns après les autres, le quinquennat de Hollande a produit beaucoup de désillusion et aucun des candidats de gauche n'est en mesure de se qualifier pour le second tour, donc ça contrarie la dynamique de mobilisation.

Emmanuel Macron à Paris le 28 mars 2017
Emmanuel Macron à Paris le 28 mars 2017
AFP/Archives

A droite, avec tout ce qui se passe autour de François Fillon, ce serait étonnant s'il n'y avait pas un peu d'abstention, les électeurs de droite n'ont pas tous envie de voter Macron ou Le Pen.

La candidature Macron ne me paraît pas être un vote d'adhésion très fort mais plus comme un vote utile sans grande espérance, ce qui n'est pas très mobilisateur non plus.

Pour toutes ces raison, les électeurs qui veulent voter Le Pen aujourd'hui sont certainement plus motivés en moyenne.

Quel est le portrait robot de l'abstentionniste ?

Vous prenez un jeune qui a entre 20 et 30 ans qui vit seul, qui n'a pas fait d'étude, qui a un emploi plutôt précaire, qui vit dans une grande ville, en banlieue, en HLM et vous arrivez à des scores d'abstention vraiment élevés.

L'élection est en quelque sorte confisquée par les plus âgés. Les personnes de plus de 60 ans, a fortiori s'ils appartiennent aux catégories supérieures, sont totalement surreprésentées, voire majoritaires pour certaines élections, au détriment des plus jeunes, des plus précaires, des moins diplômés. Pour schématiser, le retraité-cadre, diplômé et propriétaire de son logement vote, quand le jeune avec un bac pro, vivant en banlieue s'abstient.

Dans quelle mesure l'abstention différentielle est-elle un des enjeux du scrutin ?

Les élections se jouent pour une large part dans les mobilisations différentielles, un phénomène très sous estimé.

Benoît Hamon rencontre des ostréiculteurs le 31 mars 2017, sur l'étang de Thau à Mèze
Benoît Hamon rencontre des ostréiculteurs le 31 mars 2017, sur l'étang de Thau à Mèze
AFP

On a longtemps cru qu'une élection, cela consistait à convaincre des gens avec la figure de l'électeur indécis (...) ce qui est une représentation partiellement fausse. Or, c'est sans doute moins important que le fait de bien mobiliser son électorat. L'abstention différentielle, c'est à dire que les différents électorats ne s'abstiennent pas dans les mêmes proportions, on l'a vue à l'oeuvre lors des municipales en 2014. L'électorat de gauche s'étant très peu mobilisé, la droite avec à peu près le même nombre de voix qu'en 2008, raflait toutes les villes. Quand vous avez 15 à 20% de vos électeurs qui ne vont pas voter, c'est une bérézina sur le plan électoral.

François Fillon rencontre ses sympathisants à Quimper le 30 mars 2017
François Fillon rencontre ses sympathisants à Quimper le 30 mars 2017
AFP

Pour le second tour de la présidentielle, si Marine Le Pen est largement derrière avec un Fillon ou un Macron à 58% par exemple, il suffirait pour qu'elle gagne, que 90% de ceux qui donnent une intention de vote à Le Pen votent vraiment pour elle, tandis que seulement 70% des électeurs qui déclarent une intention de vote Macron ou Fillon aillent réellement voter. Sans rien changer aux intentions de vote, Marine Le Pen aurait en réalité la majorité des voix par un simple phénomène de mobilisation différentielle et de sous estimation du vote blanc.

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