Comment faire campagne quand l'affaire Fillon capte toute l'attention? Les adversaires du candidat de la droite s'interrogent et s'en agacent, notamment à gauche, à un mois et de demi du premier tour.
"Ça phagocyte tout l'espace, il y a de l'exaspération pour ne pas dire plus", tempête Jérôme Guedj, porte-parole de Benoît Hamon.
"Cette campagne est aujourd'hui volée", s'indignait de son côté Emmanuel Macron la semaine dernière, rejoint par Marine Le Pen qui samedi s'élevait contre ces "déboires qui monopolisent une bonne partie de l'attention médiatique et empêchent la campagne de se dérouler".
Après six semaines de tempête, l'affaire Fillon vampirise tout, polarise, et finit par lasser. "On regrette que tout ce bruit fasse obstacle à la clarté du débat", résume Alexis Corbière, porte-parole de La France insoumise.
"Chaque jour un buzz autour d'éléments qui n'apportent pas à proprement parler des réponses à ce qu'attendent les Français. Je crains qu'à la fin, le gagnant soit élu par défaut et qu'il n'y ait pas eu de possibilités d'exposer très clairement son projet", prophétise Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du PS.
La frustration est évidente à gauche où M. Hamon peine à faire décoller sa campagne depuis sa désignation le 29 janvier, quatre jours après les premières révélations par Le Canard enchaîné concernant le candidat de la droite.
Lui qui avait bâti son succès dans la primaire de la gauche en imposant ses thématiques, comme le revenu universel, a pour l'instant du mal à être audible. Et donc à combler son retard sur Mme Le Pen, M. Macron et François Fillon.
"C'est difficile de ne pas être embarqué dans le commentaire de l'affaire et en même temps, cela crame du temps de parole pour Benoît Hamon", souligne M. Guedj.
"Il y a un effet de contraste avec les débats des primaires, à droite comme à gauche, qui étaient de meilleure tenue", remarque-t-il encore.
Dans ce contexte, comment reprendre la main?
- Hamon cherche la lumière -
"Quand le vent souffle comme cela, on n'y peut rien", soupire un conseiller du candidat socialiste.
"Il faut que Benoît Hamon utilise ce moment pour donner une image de sérénité, de force, d'aplomb et de cohérence. Sans alimenter la machine à commentaires mais plutôt en martelant le message", affirme-t-il encore.
"Il faut montrer qu'il ne se laisse pas entamer. Il a eu une telle surexposition de ses propositions durant la primaire... Son socle programmatique a pénétré très profondément l'électorat de gauche. Il faut qu'il y revienne", appuie-t-il en vantant au final le bénéfice de ce "temps faible qui a permis d'organiser la campagne, de reprendre sa respiration".
M. Hamon espère donc capter davantage de lumière dans les jours à venir avec un déplacement à Marseille mardi, la participation à "L’Émission politique" de France 2 jeudi, la présentation de son traité budgétaire européen vendredi puis, la semaine prochaine, le chiffrage de son revenu universel et un grand meeting à Bercy le 19.
Chez Jean-Luc Mélenchon, on fait contre mauvaise fortune bon cœur de cette longue séquence.
Alexis Corbière y voit ainsi un "point d'appui" pour évoquer les problématiques de "transparence, de vertus républicaines, de rejet des partis traditionnels, finalement la nécessité d'une VIe République".
Dans cette tourmente, M. Macron a été "plutôt servi", estime un de ses conseillers.
Le candidat d'En Marche! a présenté le chiffrage de son projet puis son programme le 2 mars, tout en enregistrant le ralliement de poids de François Bayrou, qui lui ont offert un peu d'exposition, tandis qu'il consolidait sa place au deuxième tour de l'élection présidentielle, selon les enquêtes d'opinion.
"L'affaire Fillon a cristallisé le fait que soit le pays est prêt pour un nouveau logiciel politique, et est donc en adéquation avec Macron, soit il ne l'est pas. Elle rend la campagne binaire, Macron d'un côté, les autres candidats de l'autre", positive ce même conseiller.