Présidentielle : Bayrou prêt à « donner l’exemple » en parrainant Le Pen, Zemmour où Mélenchon, s’ils n’ont pas les 500 signatures

Présidentielle : Bayrou prêt à « donner l’exemple » en parrainant Le Pen, Zemmour où Mélenchon, s’ils n’ont pas les 500 signatures

L’initiative lancée par le président du Modem pour aider les candidats à atteindre les 500 parrainages rassemble près de 200 élus, annonce François Bayrou. Une présidentielle sans Marine Le Pen, Eric Zemmour ou Jean-Luc Mélenchon serait « délégitimée », alerte l’ancien ministre, qui n’entend aider que les candidats crédités de plus de 10 % d’intentions de vote.
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A chaque scrutin présidentiel, c’est la même chose. Certains candidats sont à la peine pour obtenir les 500 parrainages d’élus nécessaires pour se présenter. Mais cette année, avec deux candidats d’extrême droite, deux candidats de gauche radicale, les choses se compliquent. Le parrainage devient une denrée rare. Avec 442 pour Jean-Luc Mélenchon, 350 pour Eric Zemmour et 393 pour Marine Le Pen ce mardi, le seuil des 500 signatures n’est pas encore atteint. Ils ont jusqu’au 4 mars. La candidate du RN a même décidé de suspendre sa campagne de terrain jusqu’à l’obtention des parrainages qui lui manquent. Ce mardi, selon le nouveau décompte du Conseil constitutionnel, le candidat écologiste Yannick Jadot a lui obtenu les 500 paraphes.

Appels aux élus pour envoyer leurs parrainages

Face à la situation, les initiatives se multiplient. Le premier ministre Jean Castex a annoncé devant les députés qu’il recevra jeudi les associations d’élus sur le sujet, les appelant à donner leurs signatures. le maire LR de Cannes et président de l’Association des maires de France, David Lisnard, a lui donné son parrainage à Jean-Luc Mélenchon « pour montrer que les parrainages ne valent pas soutien ».

De son côté, François Bayrou a pris l’initiative dès le 10 février de lancer un site internet, notredemocratie.fr, pour permettre aux élus qui le souhaitent d’apporter leurs parrainages pour les candidats en difficulté. Un projet qui n’est pas sans rappeler la banque de la démocratie, une idée déjà défendue par François Bayrou. Lundi, le président du Modem annonçait environ 80 élus prêts à jouer le jeu. Ce mardi, le compteur monte à « 180 », a-t-il annoncé lors d’une conférence de presse au siège du Mouvement démocrate. Il en espère près de 200 ce soir. « Un grand succès », salue François Bayrou. Voire. Plus de 42.000 élus peuvent apporter leur paraphe… Pour l’heure, « seuls 10.000 des 42.000 élus en possibilité d’apporter leur parrainage l’ont fait […], c’est en diminution par rapport au scrutin précédent », a constaté Jean Castex lors des questions d’actualité au gouvernement.

Les limites d’un seuil fixé à 10 %

Précision importante : aux yeux de François Bayrou, seuls les candidats crédités de plus de 10 % d’intention de vote dans les sondages sont dignes d’être aidés. Un seuil qui pose question. Il entretient l’idée d’une démocratie sondagière et médiatique. Christiane Taubira, qui est à moins de 5 % dans les sondages et ne recueille que 104 parrainages, peut se débrouiller seule. Au passage, on rappelle à l’ancien candidat à la présidentielle de 2002 qu’il n’avait lui-même recueilli que 6,84 % des voix… « J’étais en 2002 représentant d’un grand courant de la démocratie française. Et j’ai obtenu les signatures », rétorque François Bayrou. Selon le critère fixé par l’ancien ministre, il faut donc soit être crédité de plus de 10 %, soit représenter un de ces grands courants – mais les candidats LR et PS ont leurs signatures.

L’élection de 2002, encore une fois, met à mal sa logique. Jean-Pierre Chevènement, qui dépassait les 10 % en début d’année, finit à 5,33 %. En 2017, Benoît Hamon est encore donné en février à 15 % dans un sondage. Le socialiste termine sa course à 6,36 % des voix. La logique définie par François Bayrou fait fi des possibles dynamiques de campagne. Reste qu’un maire signataire pourra toujours parrainer le candidat de son choix, il reste bien entendu libre.

Comment va fonctionner cette sorte de banque des parrainages ? Après le second point hebdomadaire du Conseil constitutionnel jeudi, « nous verrons à combien de candidats il manque les signatures, et combien », explique François Bayrou, qui réunira ensuite vendredi « en visio » les maires signataires, « pour décider entre nous de la procédure ». Se répartiront-ils les parrainages ? « On essaiera d’être intelligents ensemble », répond l’ancien ministre de la Justice. François Bayrou rappelle bien que le paraphe donné par les élus signataires de « notre démocratie » « ne sera pas interprétable comme un soutien ». Il insiste :

Signer pour qu’un candidat se présente, ça ne veut pas dire qu’on le soutient.

S’il manque certains candidats, « on est menacés d’une crise majeure »

François Bayou explique s’être entretenu avec une partie des candidats qu’il souhaite aider, sans dire lesquels. Pour sa part, Jean-Luc Mélenchon a pris ses distances avec l’initiative. « N’aggravons pas le problème pour le régler. Pas de parrainage de groupe administré par un prince », a lancé le leader de la France insoumise.

Toujours est-il que s’il le faut, François Bayrou est prêt à donner de sa personne. « Moi, je donnerai l’exemple. S’il y a besoin de mobiliser cette réserve, je serai un des premiers à signer », assure le Haut-commissaire au plan (voir la vidéo, images de Sophie Hériaud). « La problématique, c’est celle des candidats dont l’exclusion de l’élection créerait une crise démocratique », lance François Bayrou, « on est menacé d’une crise majeure. Imaginez que ni Marine Le Pen, ni Jean-Luc Mélenchon, ni Eric Zemmour n’aient leurs signatures pour participer à cette élection. Ils représentent ensemble 15 millions, peut-être 17 millions d’intentions de vote », alerte le président du Modem, « ça déboussolerait complètement l’élection et la délégitimerait », selon François Bayrou, qui joue les chevaliers blancs du scrutin.

Règles de recueil des parrainages à réformer

En 2017, il avait joué, sur un autre registre, un rôle différent. Celui de faiseur de roi, aime à rappeler François Bayrou. « C’est ici, jour pour jour, que j’avais fait à Emmanuel Macron une offre » de soutien, dit-il en ouverture de sa conférence de presse. Elle avait donné un coup de pouce fort utile pour asseoir la percée du candidat d’En Marche, avant de l’emporter.

Pour les prochaines élections présidentielles, il faudra réfléchir au système des parrainages, pense le leader centriste. Depuis 2016, sous François Hollande, le nom de tous les élus qui donnent leur signature, essentiellement des maires, est rendu public. « Dans cette publicité, il y a une forme de dissuasion », note François Bayrou, « la publicité intégrale des signatures joue un rôle ». Il évoque les pistes de réformes : « Parrainages citoyens » – « certains disent plusieurs centaines de milliers de signatures » – ou encore « l’idée que le parrain peut parrainer deux personnes ». De quoi donner du grain à moudre, en vue du scrutin de… 2027. Une élection sur laquelle François Bayrou, qui n’a renoncé à rien, lorgne déjà. Mais c’est une autre histoire.

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