Présidentielle : Bruno Retailleau fait un pas de plus vers une candidature

Présidentielle : Bruno Retailleau fait un pas de plus vers une candidature

Le président du groupe LR du Sénat s’adresse aux Français dans une lettre en forme de programme électoral. Il y développe l’idée d’un retour à l’ordre sur tous les plans. Une manière de placer ses pions et de tenter de reprendre l’avantage à droite, en vue de 2022.
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C’est une lettre envoyée aux adhérents de Force républicaine. Mais elle s’adresse, en réalité, aux Français. « Mes chers compatriotes, Pour la France, l’heure des grands débats est passée. Pour la France désormais, c’est l’heure des choix ». Dès les premiers mots, Bruno Retailleau cadre les choses, de manière à peine voilée. C’est de la présidentielle 2022 dont il s’agit. Le président du groupe LR du Sénat, ne cache pas, depuis des mois, viser l’élection. S’il n’est pas encore officiellement candidat, cette lettre est un pas de plus vers une déclaration.

« J’ai choisi de servir la France » lance Bruno Retailleau. Face à une politique « impuissante », il ne « veut pas (se) résigner ». « Il n’est plus temps de faire semblant » dit-il. « Aujourd’hui, notre pays est à la croisée de son destin », « notre nation est déchirée, la France est morcelée. Et la politique, bavarde et impotente, noie dans des discours que plus personne n’écoute, son incapacité à agir » écrit le sénateur LR de Vendée dans cette lettre aux allures de programmes électoral. Bâtie autour de l’idée « d’ordre », elle brasse de nombreux sujets : sécurité, immigration, économie, écologie, Europe. Avec une ambition : « La France peut revenir au premier rang des grandes puissances ».

Exigence de « vérité » qui rappelle la rhétorique de François Fillon

« Les épreuves que nous vivons exigent un devoir de vérité. Vérité sur la situation. Vérité sur les solutions. Vérité, aussi, sur nos convictions (…). C’est à cette exigence de vérité que je veux me plier. Sans ruser. Sans tricher. C’est dans la vérité que je veux dire aux Français ce que je crois et ce que je crois pouvoir faire » soutient Bruno Retailleau. Une exigence de vérité qui n’est pas sans rappeler la rhétorique, lors de la présidentielle de 2017, d’un certain François Fillon, dont Bruno Retailleau était l’un des plus proches lieutenants. Force républicaine était d’ailleurs le mouvement de l’ancien premier ministre, dont Bruno Retailleau a repris les clefs.

Et comme, là encore, François Fillon, il insiste sur les finances. « Je sais bien que le sérieux budgétaire ne rend pas populaire. Mais je sais aussi que chez les responsables publics, l’argent facile est une addiction » dit-il, « je sais surtout que le « quoi qu’il en coûte » d’Emmanuel Macron est un poison. Un poison que devront boire les futures générations » ajoute Bruno Retailleau, sans dire ici comment il ferait pour faire face à la crise économique liée à l’épidémie de Covid-19.

S’il veut des finances publiques saines, il entend néanmoins « remettre de l’ordre dans notre système de santé », en augmentant « le nombre de soignants » grâce à une diminution du « nombre de postes administratifs ».

« Blocus sécuritaire et humanitaire en Méditerranée pour casser les filières d’immigration »

Bruno Retailleau dénonce « le laisser-aller judiciaire qui nous a désarmés et le laisser-aller migratoire qui nous a submergés », appelant à « remettre de l’ordre à nos frontières » avec « un blocus sécuritaire et humanitaire en Méditerranée pour casser les filières d’immigration illégale ».

« Je crois aux souverainetés, aux identités. Parce que je crois à l’altérité. Être de partout, c’est se priver de la rencontre avec un ailleurs. Je ne vois aucune diversité dans ce Nomad’s land où les cultures sont écrasées » ajoute l’ancien bras droit de Philippe de Villiers.

« Grande réforme sur le travail » et « 13ème mois pour les salariés les plus modestes »

Le patron des sénateurs LR aborde évidemment la valeur travail, chère à la droite. Bruno Retailleau veut « garantir l’équivalent d’un 13ème mois pour les salariés les plus modestes ; augmenter le pouvoir d’achat de ceux qui font tourner nos usines ». Bruno Retailleau entend aussi « engager une grande réforme sur le travail et la soumettre directement aux Français dès le début du quinquennat », sans en préciser les contours. Le sujet est, on le sait, hautement sensible chez les syndicats et les salariés.

L’ordre, Bruno Retailleau le conjugue aussi à la sauce écolo. « Nous pouvons remettre de l’ordre face aux désordres écologiques, parce que le compte à rebours est lancé et que le climat n’attend pas » prévient l’élu de Vendée. Mais le sénateur LR défend ici une écologie de droite, pro-nucléaire, qui s’oppose « aux catastrophistes, aux gauchistes, aux durs dingues qui du Sapin de Noël au Tour de France ». Une attaque contre les nouveaux maires EELV. Il ajoute :

Contre cette écologie des grands boulevards, je veux une écologie des petites patries.

Sur le plan institutionnel, il défend le retour d’un décalage entre législatives et présidentielle : le « Parlement doit être respecté, clairement distingué du pouvoir exécutif par un découplage des élections législatives du scrutin présidentiel ».

« Assez d’images. Assez de poses »

Stop à la com’. C’est ce que dit aussi en substance le responsable de droite. Le président du groupe LR entend en effet « rompre avec la politique du papier glacé », « assez d’images. Assez de poses » dit-il. « Je crois aussi à la force de l’humilité. Elle ne se confond pas avec cette fausse simplicité qu’empruntent parfois des responsables en quête de popularité ».

On peut y voir une critique en creux d’Emmanuel Macron, comme celle du « Président normal » de François Hollande. Allusion aussi à Nicolas Sarkozy, qui y pensait en se rasant : « Jamais je ne me suis rêvé en Président de la République » assure-t-il, « voilà ma force. Cette force nécessaire pour empêcher les réveils dangereux auxquels nous ont condamnés les rêveries jupitériennes ».

« La droite n’a pas toujours été à la hauteur »

Alors que sa ligne politique est loin d’être partagée par tous chez les LR, Bruno Retailleau ne se prive pas de les critiquer. « J’ai vu ma famille politique renoncer comme je la vois parfois hésiter à assumer ses convictions, au risque de jeter dans les bras des démagogues un électorat désabusé. Non, la droite n’a pas toujours été à la hauteur. Oui, la droite a trop souvent désespéré les électeurs » lance-t-il, avant d’évoquer Valérie Pécresse et Xavier Bertrand, pour le moment favori à droite selon les sondages, qui ont tous deux quitter LR : « Et si, pour ma part, je n’ai jamais quitté mon parti, j’en connais aussi ses limites comme j’en subis aujourd’hui ses faiblesses. On n’est jamais fort quand on étouffe le débat. On est toujours faible quand on refuse la démocratie ». Une manière de critiquer le refus, jusqu’ici, du parti d’organiser des primaires que Bruno Retailleau réclame. Car en cas de scrutin interne, il imagine être majoritaire auprès de la base des LR.

S’il est clairement de droite, et même de droite dure sur les questions d’immigration, Bruno Retailleau cherche aussi à élargir son audience. « Je suis un homme de droite et je ne l’ai jamais nié. Mais la droite n’est qu’un moyen au service d’une fin : la France. La France est autant à gauche qu’à droite. Combien de fois me suis-je senti plus proche d’un Jean-Pierre Chevènement sur la souveraineté ou d’une Zineb El Razoui sur la laïcité ? » écrit le sénateur, qui entend « rassembler les bonnes volontés, pourvu qu’elles soient patriotes et républicaines. Je veux fédérer les esprits clairs et les cœurs sincères, pourvu qu’ils soient animés par l’exigence et la loyauté ». Avec cette lettre, Bruno Retailleau cherche aussi à placer ses pions, dans une partie où il connaît jusqu’ici un déficit de notoriété.

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