Présidentielle : jusqu’où ira Jean-Luc Mélenchon ?
La poussée de Jean-Luc Mélenchon marque la fin de campagne. Son entourage se met à voir grand. « Je pense qu’on peut gagner cette élection » affirme Eric Coquerel, proche du candidat. Une dynamique qui s’explique par les circonstances, mais aussi un changement de ton…

Présidentielle : jusqu’où ira Jean-Luc Mélenchon ?

La poussée de Jean-Luc Mélenchon marque la fin de campagne. Son entourage se met à voir grand. « Je pense qu’on peut gagner cette élection » affirme Eric Coquerel, proche du candidat. Une dynamique qui s’explique par les circonstances, mais aussi un changement de ton…
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Et si la surprise, c’était lui ? Depuis le premier débat entre les candidats, Jean-Luc Mélenchon bénéficie d’une bonne dynamique dans les sondages. S’il faut prendre avec précautions les études d’opinion, qui ont pu se tromper dans le passé, force est de constater que le candidat de la France insoumise connaît une réelle poussée. Après la première confrontation, il est passé devant Benoît Hamon. Il aujourd’hui autour des 15% d’intentions de vote et laisse le socialiste 5 points derrière.

Dans l’enquête mensuelle du Centre de recherches de Sciences Po (Cevipof), réalisée par Ipsos-Sopra Steria pour Le Monde, Jean-Luc Mélenchon gagne 3,5 points. Son image est celle qui progresse le plus, avec 23% (+6) de sondés qui apprécient sa personnalité. Dans le baromètre Kantar Sofres-OnePoint du Figaro sur la cote d’avenir des politiques, il gagne 19 points, à 47%, se payant même le luxe de passer devant Emmanuel Macro (41%). Selon une étude Ifop-Fiducial pour Paris Match et Sud-Radio, Jean-Luc Mélenchon est jugé le plus honnête par 37% des Français devant Benoît Hamon et comme le moins inquiétant, à l’opposé d’une Marine Le Pen qui inquiète 61 % des sondés. Dans un sondage Elabe pour BFMTV après le débat à onze, il a été jugé le plus convainquant par 25% des sondés. Dans une autre étude du même institut, réalisée au lendemain du débat, Jean-Luc Mélenchon, à 17% (+2), se rapproche un peu plus de François Fillon (19%, +1), et gagne 7 points en deux mois !

« Nous faisons écho à des citoyens qui pensaient s’abstenir »

N’en jetez plus… Certains imaginent déjà le leader de la France insoumise en troisième homme, passant devant François Fillon. Mais ses soutiens, sûrement grisés par cette fin de campagne, voient plus grand maintenant. « Je pense qu’on peut gagner cette élection, sincèrement » affirme tout de go à publicsenat.fr Eric Coquerel, coordinateur politique du Parti de gauche et fidèle soutien de Jean-Luc Mélenchon. Il ajoute :

« C’est comme dans Alice au pays des merveilles. La difficulté n’est pas de traverser le miroir, mais le moment où on peut le faire. Beaucoup de gens sont en train de le faire. Ça peut nous amener au second tour ».

Pour passer du rêve à la réalité, encore faut-il convaincre. Mais « la dynamique » est bien à l’œuvre, selon le responsable du Parti de gauche : « On sent dans le pays non pas une montée linéaire, mais une montée exponentielle. Je le vois partout où je vais, et pas seulement dans les endroits militants. Le « pourquoi pas Mélenchon » gagne du terrain de façon incroyable ».

« C’est quelque chose de profond » selon Alexis Corbière, porte-parole de Jean-Luc Mélenchon, « nous faisons écho à des citoyens qui pensaient s’abstenir ou qui aimeraient la reconnaissance du vote blanc ». Lors d’un reportage de publicsenat.fr sur les abstentionnistes au Havre, ville certes au passé communiste mais aujourd’hui à droite, le nom de Jean-Luc Mélenchon est en effet revenu plusieurs fois chez les personnes rencontrés (voir notre reportage).

« Plus de 70.000 nouveaux inscrits depuis une quinzaine de jours »

Alexis Corbière prend les bonnes études avec pincettes – « on a un regard critique sur les sondages » – et préfère regarder « les critères objectifs ». « On a plus de 360.000 personnes inscrites sur notre site, ceux qu’on appelle  les Insoumis. Et on est à plus de 70.000 nouveaux depuis une quinzaine de jours. Depuis la marche du 18 mars et le débat sur TF1, il y a une ferveur très forte autour du candidat Mélenchon. Et l’influence dans les meetings est encore plus forte que ce que nous prévoyions » s’enthousiasme le porte-parole.

Mélenchon peut espérer attirer les électeurs tentés par Hamon bien sûr. Mais sur leur lancée, les soutiens de Jean-Luc Mélenchon imaginent même attirer des électeurs d’Emmanuel Macron, encore nombreux à hésiter. « On leur a tellement bourré le mou qu’il fallait voter pour lui pour battre Le Pen. Mais ils se rendent compte que c’est un candidat attrape-tout et à part être dans la continuité de Hollande, il n’a pas montré grand-chose » selon Eric Coquerel.

« On a appris peut-être à moins surréagir »

Mais la poussée de Jean-Luc Mélenchon est-elle solide ? En 2012, il était déjà monté dans les sondages, avant de finir à 11,10%. Au-delà de son projet, son ton, son éloquence et sa personne expliquaient son ascension… comme sa propre limite. L’homme pouvait attirer autant qu’il repoussait. Cinq ans plus tard, changement de ton et de forme. Jean-Luc Mélenchon semble plus apaisé. « On a appris peut-être à moins surréagir » glisse un mélenchoniste. Il n’attaque plus les journalistes à tout va et semble plus posé. La responsable de sa communication, Sophia Chikirou, n’y est pas pour rien.

« Vous n’agissez pas et ne parlez  pas de la même manière quand vous êtes dans un contexte d’après attentats » justifie Eric Coquerel, mais « il y a un changement, je vous le confirme. Pour se faire entendre, il ne faut pas plus de tension, d’affrontement. Mais il faut rompre avec notre système actuel de concurrence, de compétitivité » ajoute le responsable du Parti de gauche. Il résume à sa manière : « C’est une rupture tranquille, une révolution citoyenne, par les urnes, pacifique et démocratique ».

« On ne polémique avec personne, les gens ne veulent pas de controverse »

« Jean-Luc Mélenchon a souhaité que cette campagne soit un peu différente », « on ne polémique avec personne, les gens ne veulent pas de controverse » confirme Alexis Corbière. Dans ses discours, place à la pédagogie. « Il évite tout ce qui pourrait gêner la bonne compréhension, en évitant les références au passé. Il s’adresse au plus grand nombre. Il faut revenir sur l’essentiel ».

Dans cette volonté d’être plus fédérateur, les soutiens de Jean-Luc Mélenchon refusent d’être associés à la gauche radicale. « On n’est pas la gauche radicale. Est-ce que dire « il faut un partage des richesses », c’est radical ? C’est le système économique qui est extrêmement radical et met la planète en danger » répond Alexis Corbière. Il ajoute : « Ceux qui sont dangereux sont ceux qui veulent maintenir le système. Jean-Luc Mélenchon est le plus rassurant des candidats ».

« Mélenchon ne rassemble pas suffisamment pour espérer essayer de gouverner » (Mathieu Hanotin, co-directeur de campagne de Hamon)

La montée de Mélenchon ne fait évidemment pas les affaires des autres candidats. Chez Macron, on assure ne pas y voir une menace. « Il souhaite surtout mettre à mal le PS. Il ne faut pas une campagne pour gouverner, mais pour témoigner » minimise le sénateur ex-PS François  Patriat, aujourd’hui membre d’« En marche ! ».

Du côté de chez Hamon, on se veut tout aussi serein. C’est pourtant lui qui pâtit le plus de la poussée de « Méluch’ ». « Il ne faut pas faire attention aux sondages. La démocratie sondagière ce n’est pas la démocratie. La démocratie, c’est le vote des citoyens. Benoît Hamon va défendre ses convictions jusqu’au bout. Ce sont des solutions réalistes qui n’ont pas vocation à rester uniquement dans la protestation mais dans la logique de l’exercice du pouvoir et de la conquête sociale » souligne son co-directeur de campagne, le député PS Mathieu Hanotin. La « perspective » que propose le candidat de la France insoumise, selon le socialiste, « va de Jean-Luc Mélenchon à Jean-Luc Mélenchon. Ça ne rassemble pas suffisamment pour espérer essayer de gouverner. (…) Nous, nous faisons les choses de manière collective ». Autrement dit, Jean-Luc Mélenchon est seul. Une critique qui tranche avec le pacte de non-agression entre les deux candidats.

« Dira ça, c’est l’arrogance solférinienne » répond Alexis Corbière. Il ajoute : « C’est le vieux monde qui s’effondre. Ils ne comprennent pas ce qui se passe. Ils sont tout hébétés ». Alexis Corbière « les invite à ne pas polémiquer comme ça. Ça ne rime à rien ». Car il faudra se retrouver après ? « Pourquoi pas » dit le porte-parole de Jean-Luc Mélenchon. Poussons la logique jusqu’au bout : en cas de victoire, Jean-Luc Mélenchon aura-t-il une majorité ? « Oui, car il y aura une dynamique ». Mais « la question est posée pour tout le monde… » note Alexis Corbière. « Après, on verra si d’autres courants, y compris des gens qui peuvent se reconnaître dans la candidature de Hamon, peuvent se retrouver. Ils seront les bienvenus ».

« On sera partout la dernière semaine »

Avant d’en arriver là, il y a encore du chemin, plus de deux semaines de campagne et des électeurs à convaincre. « On fait 30 à 40 meetings par semaine » souligne Eric Coquerel. Le camp Mélenchon compte bien continuer sur ce rythme. Un grand meeting est prévu dimanche à Marseille. « L’idée, c’est de remplir le vieux port » avance le responsable du PG. Et le camion-podium sera toujours sur les routes. Selon BFMTV, Jean-Luc Mélenchon va même faire le tour de l’Ile-de-France... en péniche. « On sera partout la dernière semaine » prévient Eric Coquerel. Avec des hologrammes ?

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