Présidentielle : Montebourg, « un candidat qui peut réconcilier classes populaires et classes moyennes »

Présidentielle : Montebourg, « un candidat qui peut réconcilier classes populaires et classes moyennes »

L’ancien ministre de l’Economie, qui va déclarer sa candidature à la présidentielle le 4 septembre, entend parler à « la France des oubliés de la mondialisation », selon la sénatrice PS Laurence Rossignol. Alors qu’Anne Hidalgo vise aussi 2022 avec le PS, « il y a une fenêtre de tir », pense le sénateur Jérôme Durain.
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Quelle cuvée prépare Arnaud Montebourg ? L’ancien ministre de François Hollande, sorti du gouvernement après son attaque en 2014 sur la « cuvée du redressement », n’en a pas fini avec la politique. Il compte même annoncer sa candidature à l’élection présidentielle, le 4 septembre prochain, à Clamecy, dans la Nièvre, comme l’a révélé Libération. Mais quelle mouche – ou plutôt abeille, pour celui qui s’est reconverti comme entrepreneur dans le miel, les amandes et les glaces bio – l’a piqué ?

« Ce serait bien que tu sortes de tes ruches »

Il y a quelques mois, ses ambitions semblaient éteintes. Une sérieuse infection au covid-19, contractée pendant l’hiver, ne l’a pas aidé. « En l’état actuel, je ne suis pas candidat, car je n’ai pas les ressources personnelles et financières pour l’être », avait-il même affirmé au Parisien. Mais certains de ses amis politiques l’ont poussé depuis un moment. « Il y a 18 mois, je suis allé le voir en lui disant que ce serait bien que tu sortes de tes ruches », sourit la sénatrice PS Laurence Rossignol. Entre-temps, la crise sanitaire est passée par là, puis d’autres candidats se sont déclarés.

« Ce qui l’a décidé, c’est le fait qu’il a une analyse politique, des convictions, une offre politique et des propositions qui ne sont pour le moment pas portées par les candidats pressentis. Il considère que ce qui s’est passé au cours des dernières années l’a conforté dans ses analyses : sur la question de la démondialisation, de la crise institutionnelle, du déficit démocratique, la place de l’industrie en France, car on ne peut pas totalement dissocier la crise démocratique de la désindustrialisation du pays. Pendant la crise sanitaire, on s’est tous rendu compte de la perte de notre souveraineté industrielle, de notre dépendance à la Chine pour les médicaments ». Du pain béni pour le chantre du « made in France ». L’ancienne ministre des Familles et des Droits des femmes ajoute : « Il a un discours industriel, sur le travail, la création de richesses, la transition écologique, les services publics, le rôle de l’Etat et la République ».

« Arnaud Montebourg a une candidature qui apporte une tonalité différente de ce qu’on a sur le plateau, et qui dans la période, recueille un écho très favorable », complète le sénateur PS de Saône-et-Loire, Jérôme Durain, soutien de longue date de l’ancien ministre de l’Economie et du Redressement productif.

« C’est la France des oubliés de la mondialisation, de la numérisation, au profit de la France des métropoles »

La situation de Jean-Luc Mélenchon, déjà candidat mais qui patine dans les sondages, n’est pas non plus étrangère à sa décision. « On voit bien que Jean-Luc Mélenchon stagne. Il ne retrouve pas la dynamique de 2017 et n’est pas en situation d’être un candidat de rassemblement », dit Laurence Rossignol. Autrement dit, « il y a une fenêtre de tir », lâche Jérôme Durain.

Le lieu de sa déclaration, à Clamecy, n’a rien du hasard. Arnaud Montebourg y est né. La Nièvre est le département d’élection de François Mitterrand. Et ce territoire est très symbolique. Traverser les bourgs et petits villages de la Nièvre, c’est se retrouver dans les photos de « La France de Raymond Depardon ». Des territoires magnifiques, une vraie image d’Epinal, mais aussi parfois en difficulté, voire en déshérence, comme figé dans un temps passé, qui tente de rattraper le présent. Laurence Rossignol, élue de l’ancienne Picardie, en sait quelque chose : « C’est la France des oubliés de la mondialisation, de la numérisation, au profit de la France des métropoles. Et l’une des raisons pour laquelle je soutiens Arnaud Montebourg, en tant qu’élue de l’Oise, c’est que je vois bien comment notre électorat s’est évaporé dans ces territoires ».

Parler aux électeurs, jadis de gauche, qui votent RN aujourd’hui

L’ambition est d’aller chercher cet électorat qui a quitté les socialistes. Pour Laurence Rossignol, « Arnaud Montebourg, c’est, à gauche, un candidat qui peut réconcilier classes populaires et classes moyennes, alors que les classes populaires nous ont quittés ». La sénatrice des Hauts-de-France, où l’extrême droite est au plus haut, entend parler à ces électeurs et électrices, jadis de gauche, qui votent RN aujourd’hui (voir aussi notre reportage à Tergnier sur le sujet). « Oui, ce n’est pas honteux. En Picardie, quand on voit comment notre électorat est parti entre l’abstention et le FN… Ces gens, plus personne ne les représente », dit la vice-présidente PS du Sénat.

L’ancienne ministre est « convaincue que le décrochage des classes moyennes et populaires vient du référendum de 2005. Car on a dit aux gens de voter, et ensuite on s’est essuyé les pieds sur leur vote. On n’en a pas fini avec les plaies du référendum », pense celle qui avait voté « non ».

Après la déclaration du 4 septembre, celui qui a déjà été candidat aux primaires socialistes à deux reprises devrait faire quelques déplacements, avant de développer son projet le 25 septembre à Frangy en Bresse.

« Est-il le mieux placé, n’étant plus élu et ayant quitté le navire socialiste en 2017 ? »

Il y a quelqu’un que les ambitions d’Arnaud Montebourg viendront sûrement déranger. C’est Anne Hidalgo. La maire PS de Paris vise aussi 2022. Si elle n’est pas encore candidate, ça ne saurait tarder. Chez les soutiens de la presque candidate, on assure ne pas s’inquiéter. « On est dans le tour de chauffe là », lance Patrick Kanner, à la tête du groupe des sénateurs socialistes et derrière Anne Hidalgo. « La vraie question, c’est quelle est l’utilité de cette candidature ? Sur le plan des idées, Arnaud Montebourg peut apporter beaucoup, sur la souveraineté industrielle et nationale, qui sera l’un des sujets de la campagne », reconnaît l’ancien ministre de la Ville, qui semble ménager l’ex-socialiste. Il ne faut pas insulter l’avenir. En temps voulu, il faudra bien se retrouver… si possible. Les idées de Montebourg sont peut-être utiles, mais Patrick Kanner estime qu’« il ne faut pas faire de la mondialisation la source de tous les problèmes. Une mondialisation encadrée, organisée, juste, peut-être utile pour le développement ». « Pour le reste, est-il le mieux placé, n’étant plus élu, ayant quitté le navire socialiste en 2017, alors que d’autres y sont restés et ont continué le combat pour défendre nos élus ? » demande le patron des sénateurs socialistes, qui continue :

Arnaud Montebourg est une candidature légitime, peut-être. Une candidature utile, je ne le crois pas. (Patrick Kanner)

« J’ai du respect pour l’homme, ses idées, mais la question n’est pas de témoigner, c’est d’aller au bout », ajoute encore le sénateur PS du Nord, qui en appelle au « principe de réalité ». « Avoir raison tout seul contre tout le monde, ça me parait compliqué… » lâche Patrick Kanner, qui rappelle qu’Anne Hidalgo devrait sans surprise être « soutenue » par le PS. Cette dernière devrait « annoncer le moment venu sa candidature. Elle le décidera le bon moment, au bon endroit ». Pour l’heure, la maire de Paris sera présente vendredi aux Université d’été du PS, à Blois.

Les soutiens de Montebourg ballaient l’idée d’une candidature de témoignage. « L’idée n’est pas de dire je fais un galop d’essai et on verra si ça marche. Sa candidature vient de loin, elle incarne quelque chose économiquement, politiquement », répond Jérôme Durain, « il ne s’agit pas de faire un petit tour et de s’en aller ».

« Le travail est fait depuis 6 mois pour permettre à Montebourg d’être candidat, d’obtenir ses signatures et financements »

Reste quelques menus détails, si Arnaud Montebourg veut vraiment se lancer. Pour faire une campagne, il faut de l’argent et 500 signatures de maires. « Si sa candidature suscite une dynamique, rassemble, l’intendance suivra », croit Laurence Rossignol. Pour y parvenir, Arnaud Montebourg a lancé son mouvement, L’Engagement, en janvier dernier. « C’est un parti politique avec une association de financement », explique son président, Valentin Przyluski. Véritable cheville ouvrière de la candidature Montebourg, cet ancien des cabinets ministériels de Delphine Batho à l’Ecologie (comme conseiller économique) et d’Arnaud Montebourg, à Bercy, (conseiller écologie) a depuis « monté des entreprises » sur Lille, notamment une start-up dans les espaces de travail collaboratif.

La petite entreprise du camp Montebourg « dépasse aujourd’hui les 5.000 personnes membres », avance Valentin Przyluski. Et elle s’active. « Le travail est fait depuis 6 mois pour permettre à Montebourg d’être candidat, d’obtenir ses signatures et financements. Et ce travail est plus avancé que beaucoup ne l’envisagent », assure-t-il, « relativement confiant » sur l’obtention des 500 signatures. Depuis l’annonce de la candidature prochaine, « beaucoup de petits maires nous suivent », affirme Valentin Przyluski. « Le profil est toujours le même : des gens plutôt à gauche, mais n’insistant pas sur une appartenance partisane, qui ont une attache républicaine à la France, la France des territoires, des non-alignés ».

Soutien du MRC et d’Emmanuel Todd, « discussions » avec le PRG et la GRS

Il lui manque aussi l’appui d’un parti de la taille du PS pour partir dans la bataille. Ses proches pensent eux que les partis sont démonétisés, que l’enjeu n’est plus là. Du moins dans l’immédiat. Arnaud Montebourg a cependant déjà reçu le soutien du MRC (Mouvement républicain et citoyen), créé par Jean-Pierre Chevènement, qui avait, lors de la présidentielle de 2002, tenté de rassembler « les républicains des deux rives ». « Des discussions » sont aussi en cours avec la GRS (Gauche républicaine et socialiste) du député européen (ex-PS) Emmanuel Maurel et de la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann, explique le président de L’Engagement, ainsi qu’avec le Parti radical de gauche. Il espère voir aussi l’arrivée d’Insoumis déçus par Mélenchon, comme Thomas Guénolé. Arnaud Montebourg bénéficie aussi des soutiens des sénateurs PS Mickaël Vallet (Charente-Maritime) et Jean-Claude Tissot (Loire). On compte également parmi ses proches l’économiste Gaël Giraud. Sans oublier « Emmanuel Todd, qui a officialisé son soutien », ajoute Valentin Przyluski.

Il assure, lui aussi, qu’Arnaud Montebourg est bien décidé. « Ceux qui pensent qu’on est là pour témoigner n’ont pas bien compris le choix qu’on a fait depuis plusieurs années. On ne vit pas de la politique, ce n’est pas une candidature de témoignage », lance Valentin Przyluski, avant de prévenir : « Bien sûr qu’il ira jusqu’au bout. Il n’y a pas de doute ».

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