Prime exceptionnelle 150 euros : retour sur la « cacophonie » au sommet de l’État

Prime exceptionnelle 150 euros : retour sur la « cacophonie » au sommet de l’État

Mercredi soir, le chef de l’État a annoncé que les bénéficiaires de l’aide au logement, parmi lesquels les moins de 25 ans, seraient concernés par l’aide exceptionnelle de 150 euros. Une annonce démentie par Matignon le lendemain. Finalement, Jean Castex annoncera une aide spécifique pour les jeunes, samedi, à l'occasion la journée mondiale du refus de la misère.
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« C’est quand même curieux que le président de la République soit mal informé sur les arbitrages gouvernementaux. Ça fait désordre » soupire Philippe Dallier, sénateur LR de Seine-Saint-Denis, membre de la commission des finances.

Mercredi soir, interrogé sur l’augmentation des minima sociaux pour venir en aide au plus précaires, les plus touchés par la crise du Covid-19, le chef de l’État annonce que les bénéficiaires du RSA et des APL (donc les plus jeunes également), auront une aide exceptionnelle de 150 euros, plus 100 euros par enfant.

L’annonce présidentielle est dans un premier temps, corrigée, jeudi, par l’entourage du Premier ministre. Seuls les bénéficiaires du RSA et de l'Allocation de solidarité spécifique (ASS, pour les chômeurs en fin de droits) vont toucher cette aide de 150 euros, auxquels s'ajouteront 100 euros par enfant. Les bénéficiaires des APL toucheront eux uniquement la prime de 100 euros par enfant. Soit le même dispositif que celui défini par le décret du 5 mai 2020 instaurant « l'aide exceptionnelle de solidarité liée à l'urgence sanitaire aux ménages les plus précaires ».

« Même 150 euros, c’est loin du compte »

« C’est quand même assez inquiétant toute cette cacophonie au sommet de l’État en pleine crise. J’espère que ce n’est qu’une erreur de communication. Il y avait des attentes autour de l’interview d’Emmanuel Macron. C’est quand même fort de faire passer un message de ce type et être contredit le lendemain. Sur le fond, avec la pauvreté qui augmente fortement dans ce pays. Même 150 euros, c’est loin du compte » note Éric Bocquet, sénateur communiste du Nord.

« Il va y avoir un rétropédalage » pressent, de son côté, Patrick Kanner, président du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain du Sénat.

Effectivement, ce vendredi, invité de BFMTV, Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, assure que le gouvernement « allait continuer à soutenir les jeunes, en particulier ceux qui sont les plus en difficulté », renvoyant les détails à Jean Castex. Le Premier ministre annoncera de nouvelles mesures samedi, à l'occasion la journée mondiale du refus de la misère.

« Une aide de 150 euros pour les jeunes de moins de 25 ans, hors étudiants »

« Les jeunes seront bien pris en compte et feront l’objet d’une aide spécifique. On va partir sur le même dispositif de celui mis en place en juin dernier. C’est-à-dire une aide de 150 euros pour les jeunes de moins de 25 ans, hors étudiants, versée le 27 novembre » dévoile, ce vendredi, l’entourage du Premier ministre qui précise également que les étudiants feront l’objet, eux, d’un autre dispositif. « On regarde quel est le meilleur point d’accroche pour les étudiants, car la distinction entre les niveaux de revenus est moins évidente ». Pour rappel en juin, le gouvernement avait mis en place une aide de 200 euros, et non 150 euros, à destination de 800 000 jeunes, étudiants ou non, de moins de 25 ans, parmi les plus modestes. (voir notre article).

« Il faut une revalorisation massive des minima sociaux »

Pour les associations, une aide de 150 euros, « 26 euros par mois, c’est une rustine. Ça ne va pas permettre aux gens de sortir la tête de l’eau. Il faut une revalorisation massive des minima sociaux. Quand on a créé le RMI en 1988, c’était 50% du SMIC, aujourd’hui le RSA, c’est 40% du SMIC. Emmanuel Macron se trompe lorsqu’il dit que plus on augmente les minima sociaux et plus on rend difficile le retour à l’activité. C’est une idée reçue » indique Paul Maréchal, délégué national d'ATD Quart Monde.

« Une contribution des plus aisés à l’effort de guerre »

Au Sénat, Patrick Kanner plaide pour « ouvrir le RSA au moins de 25 ans pour une durée déterminée ». « Il faudra que l’État compense à l’euro près le coût supplémentaire que ça engendrera pour les départements. Mais nous avons bien compris que pour le chef de l’État, c’est niet ». De même, comme, il l’a fait valoir à Jean Castex, mercredi, lors des questions d’actualité, le président du groupe PS plaide pour « une contribution des plus aisés à l’effort de guerre ». Nous ne demandons finalement que l’application de l’article 13 de la déclaration des droits de l’Homme selon lequel : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Pour ce faire, le président du groupe PS demande la suppression de la flat tax et compte déposer un amendement au projet de loi de finances afin de prévoir une taxation exceptionnelle de 0,5% pour les assurances vie au-dessus de 150 000 euros.

« On ne peut pas dire que l’effort de la nation est faible »

De l’autre côté de l’hémicycle, Philippe Dallier, note que le président de la République est en train de payer sa formule « quoi qu’il en coûte ». « Je comprends bien les demandes des plus précaires. Mais on ne peut pas multiplier comme ça les annonces, considérer qu’on peut dépenser sans limite alors qu’on ne sait pas comment on va rembourser la dette. Les dépenses d’aides sociales sont en train de gonfler. Rien que pour les APL, il manque, cette année, 1,8 milliard par rapport au budget voté l’année dernière : 900 millions à cause de la crise et 900 millions à cause du report de la réforme des APL. On ne peut pas dire que l’effort de la nation est faible ».

D’autres mesures vont d’ailleurs être annoncées dès demain par le Premier ministre, notamment sur la construction de logements très sociaux ou encore des aides à la mobilité.

 

 

 

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