Prix, pesticides, ordonnances : le Sénat remanie le projet de loi agriculture et alimentation

Prix, pesticides, ordonnances : le Sénat remanie le projet de loi agriculture et alimentation

Les sénateurs ont achevé l’examen du projet de loi agriculture et alimentation en commission des Affaires économiques. Les nouveaux apports et la suppression de certaines dispositions introduites par les députés – parfois en profondeur – entendent faire revenir le texte sur « l’essentiel » de ses objectifs.
Public Sénat

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

L’examen en commission des Affaires économiques du projet de loi « pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous » s’est achevé ce mercredi, avec parfois des modifications en profondeur sur les mesures adoptées le 30 mai par les députés.

C’est surtout sur le deuxième volet du projet de loi – celui comprenant les mesures en faveur d’une « alimentation saine, de qualité et durable – que le travail de réécriture des sénateurs s’est concentré. « Recentrer le projet de loi sur le revenu des agriculteurs, ne pas alourdir leurs charges avec le titre II, sont nos fils conducteurs », a résumé Sophie Primas, la présidente de la commission des Affaires économiques. Dans un communiqué, la commission a déploré le fait que le projet de loi se soit progressivement « mué en loi alimentaire » au fil de la discussion – fustigeant notamment le débat sur l’utilisation des « doggy bags » – au détriment des agriculteurs et du rééquilibrage des relations commerciales.

Tour d'horizon des principales modifications des sénateurs.

De nouvelles dispositions dans les négociations commerciales

À travers un amendement déposé par le rapporteur Michel Raison (LR), les sénateurs entendent favoriser l’application du droit français dans les négociations commerciales qui se déroulent à l’étranger, si les produits en question sont destinés à être mis en vente sur le territoire français.

En cas d’échec d’une médiation entre la distribution et l’industrie, un autre amendement propose à l’acteur qui n’aurait pas obtenu satisfaction, de pouvoir saisir un juge « en la forme des référés ». L’objectif est de pouvoir trancher rapidement sur le litige et ainsi d’ « accélérer le rétablissement de l'équilibre entre les parties », selon le Sénat.

Dans un contexte de volatilité des matières premières, la commission a enfin introduit une clause de révision de prix automatique pour certains produits. Seraient concernés : les produits avec plus de 50% de matières premières agricoles dont le prix aurait fortement augmenté. Le mécanisme pourrait également s’appliquer en cas de baisse.

La commission revient sur l’interdiction des rabais dans la vente de pesticides

L’article 14 du projet de loi interdisant les remises et les promotions dans la vente de produits phytosanitaires ne figure plus sur le texte de la commission sénatoriale. Les sénateurs ont justifié sa suppression par « l’absence flagrante d’études mesurant l’impact de cette mesure ». Seule « certitude », selon les sénateurs si la mesure était maintenue : celui d’une hausse des charges pour les agriculteurs. Déjà dénoncé par les députés LR et UDI, cet effet pervers aurait été, selon eux, en « totale contradiction » avec le but premier du projet de loi qui est d’améliorer le revenu des agriculteurs.

Assouplissement de l’article imposant 50% de produits bio ou de qualité dans la restauration publique

L’article 11 améliorant la qualité des produits servis dans la restauration collective publique a été profondément remanié. Les sénateurs ont voulu assouplir l’objectif de 50% de produits de qualité ou labellisés, durables et locaux. Les 30 signataires de l’amendement ont expliqué que les dispositions étaient « d’une grande complexité » et pouvaient « avoir des conséquences inattendues, voire contraires aux objectifs poursuivis ».

Moins complexe, la nouvelle mouture se veut aussi moins contraignante. Estimant qu’il fallait prendre en compte les capacités de production locale, la commission a jugé qu’il n’était pas « souhaitable » d’instaurer un minimum 20% de produits bio, comme le souhaitait le gouvernement (lire notre article). « Le risque serait grand de voir les collectivités territoriales avoir recours à l’importation si des seuils étaient fixés », ont-ils mis en garde. La part à fixer serait donc appréciée par chaque acteur public.

Des mesures relatives à la filière viticole

Concernant le secteur viticole, la commission a adopté un amendement, présenté par la rapporteure Anne-Catherine Loisier (rattachée au groupe Union centriste), étendant le champ de l’expérimentation de la pulvérisation par drones sur les vignobles situés sur des pentes supérieures à 30%. Mettant en avant la « dangerosité » de la pulvérisation manuelle sur ces terrains, le texte de la commission étend l’expérimentation à tous les produits phytosanitaires, et non plus uniquement sur ceux autorisés en agriculture biologique ou de haut degré d’exigence environnementale.

La commission étend par ailleurs l’obligation d’afficher l’origine d’un vin à tous les établissements qui en proposent la vente (sur place ou à emporter). Le texte des députés ne visait que les « cartes » proposées par les « professionnels de la restauration ».

Ordonnances : la commission retire deux habilitations du projet de loi

Les sénateurs de la commission ont supprimé deux habilitations autorisant le gouvernement à légiférer par ordonnance. Le périmètre de la première ordonnance, tel que le prévoyait initialement l’article 8 du projet de loi, portait sur le droit des coopératives agricoles. Elle aurait « privé les parlementaires d’un débat sur un sujet essentiel pour les territoires », selon les sénateurs.

Plutôt que de passer par des ordonnances, la commission des Affaires économiques propose également d’intégrer directement dans la loi deux dispositions essentielles du texte : le relèvement du seuil de revente à perte et l’encadrement des promotions (article 9).

Au deuxième jour de l’examen du texte en commission, le sénateur écologiste Joël Labbé (RDSE) s’est dit « extrêmement déçu » par les modifications introduites par la majorité de la droite et du centre.

Le texte de la commission arrivera en séance le 26 juin au Sénat.

Dans la même thématique

Prix, pesticides, ordonnances : le Sénat remanie le projet de loi agriculture et alimentation
3min

Politique

Soutien au nouveau gouvernement ? « Je suis plutôt proche de Michel Barnier. Ce n'est pas une décision que je vais prendre seul », explique le député Horizons Laurent Marcangeli

Sur le plateau de Bonjour Chez Vous, Laurent Marcangeli, député de Corse-du-Sud, a indiqué ne pas être opposé à l’idée de travailler avec Michel Barnier, mettant en avant leur proximité politique. Toutefois, il a souligné que la décision finale se fera collectivement et sera annoncée par le président du parti, Edouard Philippe.

Le

Blois: Olivier Faure arrives at PS summer universities
7min

Politique

Après la nomination de Michel Barnier, les secousses continuent au PS

Depuis la nomination de Michel Barnier à Matignon, la ligne du Parti socialiste opposée à Olivier Faure multiplie les prises de parole tenant sa direction pour responsable dans l’échec de la nomination de Bernard Cazeneuve. Une accusation dont elle se défend, alors que le parti à la rose souhaite peser davantage à gauche.

Le

Paris : Michel Barnier a l hopital Necker
12min

Politique

Quels ministres au gouvernement ? Michel Barnier face au « casse-tête » des nominations

Le nouveau locataire de Matignon consulte en vue de la nomination de son gouvernement. Côté LR, le nom du patron des sénateurs de droite, Bruno Retailleau, revient avec insistance. « Une hypothèse plus que possible », avance un sénateur LR, selon qui « on lui a demandé ». Mais rien n’est encore fait. Si des macronistes seront de la partie, les choses semblent bouchées à gauche.

Le

14th day of action against pension reform
5min

Politique

Réforme des retraites : face aux demandes d’abrogation, Michel Barnier joue la carte de l’« amélioration »

Cela pourrait être le premier obstacle du gouvernement Barnier, avant même l’adoption du budget 2025 d’ici la fin de l’année. Les députés du Rassemblement national ont confirmé qu’ils entendaient déposer, dans le cadre de leur niche parlementaire prévue le 31 octobre, un texte d’abrogation de la réforme des retraites. Du côté du Nouveau Front populaire, qui proposait le retour de la retraite à 60 ans dans son programme, l’idée de devancer le RN en mettant une proposition similaire à l’ordre du jour dès l’ouverture de la session ordinaire à l’Assemblée fait aussi son chemin. Rien n’assure toutefois que les deux familles politiques joindraient leurs voix pour faire adopter un tel texte. « Nous ne serons pas condamnés à voter la proposition de loi de ces hypocrites, qui sont responsables du fait qu’aujourd’hui nous avons un partisan de la retraite à 65 ans à Matignon », fustigeait le sénateur communiste Ian Brossat, invité de la matinale de Public Sénat ce 9 septembre. Quelques minutes plus tard, sur le même plateau, le député Rassemblement national Sébastien Chenu rétorquait, accusant la gauche de « sectarisme ». Mathématiquement, la réforme des retraites, adoptée dans la douleur au mois de mars 2023, trouve tout de même une majorité contre elle à l’Assemblée. Face à ce constat, le nouveau Premier ministre Michel Barnier a donc tenté d’arrondir les angles en annonçant le 6 septembre, sur le plateau de TF1, son souhait d’ « ouvrir le débat sur l’amélioration de cette loi pour les personnes les plus fragiles », sans pour autant « tout remettre en cause ». « Il faut rouvrir les discussions, mais pas pour remettre en cause la réforme » Quelles « améliorations » le gouvernement Barnier pourrait-il apporter au texte ? Au sein de la droite et du bloc central, le retour à la retraite à 62 ans semble en tout cas exclu. « Il faut rouvrir les discussions, mais pas pour remettre en cause la réforme. On l’a votée avec beaucoup de difficultés, on garde les acquis », défend un cadre de la majorité sénatoriale. Quelques ajustements du texte ne sont donc pas à exclure, ne serait-ce que pour « répondre », estime-t-il, à l’initiative parlementaire du RN et aux syndicats, qui prévoient une manifestation le 1er octobre. La ligne rouge des 64 ans n’interdit pas, par ailleurs, de rediscuter d’autres points de la réforme. Au Sénat, l’introduction de nouvelles mesures sur l’emploi des seniors semble par exemple faire consensus au sein de la majorité. À l’occasion de l’examen du texte, la chambre haute s’était déjà exprimée en faveur de l’instauration d’un « index seniors », censé pousser les entreprises à davantage de transparence sur l’emploi des salariés en fin de carrière, et sur la création d’un « CDI seniors », nouveau contrat de travail exonéré de certaines cotisations. Les deux amendements avaient finalement été censurés par le Conseil constitutionnel. « Il faut reprendre cet aspect là des choses, pour associer à cette réforme des retraites un véritable changement de politique vis-à-vis de l’emploi des seniors. Il faut sans doute aussi travailler, en lien avec les partenaires sociaux, sur la question de la pénibilité notamment dans les métiers du bâtiment ou de l’aide à la personne », propose la sénatrice centriste Élisabeth Doineau. En revanche, pour la rapporteure générale du budget de la Sécurité sociale, une remise en cause complète de la réforme serait « suicidaire » : « Il faut être lucide face aux réalités budgétaires du pays, pour ne pas entraîner la France vers de nouvelles dépenses qui seraient un naufrage. » « Je ne vois pas sur quoi le débat peut reprendre si on élude la question des 64 ans » Les déclarations de Michel Barnier, qui a indiqué que les « améliorations » qu’il entendait proposer respecteraient « le cadre budgétaire », ont donc de quoi rassurer les défenseurs de la réforme. À gauche, l’accueil de l’annonce du nouveau Premier ministre est évidemment beaucoup plus froid. « Je ne vois pas sur quoi le débat peut reprendre si on élude la question des 64 ans, puisque l’essence même de cette réforme c’est le report de l’âge de départ à la retraite », dénonce la sénatrice Monique Lubin, qui défendait déjà en février dernier une proposition d’abrogation de la réforme. L’élue socialiste doute par ailleurs de la sincérité de l’initiative du nouveau Premier ministre, qui défendait du temps de la primaire des Républicains en 2021 un report de l’âge légal à 65 ans. « Sa déclaration me laisse songeuse. Je pense qu’elle a surtout pour but de donner des gages, de contrebalancer la tendance à droite de ce futur gouvernement, au moment où il cherche des ministres de centre-gauche pour le composer », estime Monique Lubin. Du côté des syndicats, le scepticisme est aussi de mise. Au micro de France Inter le 8 septembre, la secrétaire générale de la CFDT Marylise Léon a réclamé « a minima » une suspension de la réforme, le temps de la réouverture des discussions, pour bloquer l’augmentation progressive de l’âge de départ à la retraite. De son côté, la CGT a fait de l’abrogation de la réforme l’un des mots d’ordre de la journée de mobilisation syndicale du 1er octobre.

Le