Projet de loi Justice : députés et sénateurs ne parviennent pas à un accord

Projet de loi Justice : députés et sénateurs ne parviennent pas à un accord

Réunis en commission mixte paritaire ce jeudi, députés et sénateurs ne sont pas parvenus à un accord sur la réforme de la justice. Les apports de la chambre haute ont été « balayés » regrette le rapporteur du texte, François-Noël Buffet.
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Beaucoup trop de points séparaient députés et sénateurs sur le projet de loi Justice 2018-2022 pour parvenir à un accord, ce matin, en commission mixte paritaire (CMP). « Les commissions mixtes paritaires doivent s’accorder sur tout ou ne pas s’accorder. Là, la liste des désaccords était tellement importante que nous n’avons pu que constater l’échec de cette CMP » explique Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois de l’Assemblée nationale.

En effet, au mois d’octobre dernier, lors de son examen en procédure accélérée par la Haute assemblée, les sénateurs avaient fortement modifié le projet de loi (voir notre article).

Désaccord sur le futur parquet national antiterroriste

Alors qu’un attentat s’est déroulé mardi soir dans les rues de Strasbourg, la question de la création d’un parquet national antiterroriste (PNAT) a notamment divisé les représentants des deux chambres (voir notre article). Le gouvernement et la majorité présidentielle souhaitent donner au futur parquet « une véritable force de frappe judiciaire antiterroriste » et « une disponibilité pleine et entière du ministère public pour se consacrer à ce contentieux extrêmement spécifique ». Les sénateurs regrettent, eux, que les affaires du crime organisé ne soient pas de la compétence du PNAT comme c’est le cas actuellement au sein du tribunal de grande instance de Paris qui dispose d’une compétence nationale en matière terroriste et crime organisé. « L’actualité malheureuse nous montre à l’évidence que le fait que le parquet antiterroriste, confié au procureur de la République de Paris, qui a lui-même la compétence en matière de lutte contre le crime organisé est utile et fonctionne » pointe le rapporteur LR du texte au Sénat, François-Noël Buffet.

« Je ne pense pas que la réponse soit d’intégrer cela (les affaires du crime organisé NDLR) au parquet national antiterroriste. En revanche, ce qui est fondamental, c’est la bonne coordination de tous les acteurs, procureurs, services de renseignements, de la préfecture… » répond Yaël Braun-Pivet.

Parmi les autres points d’achoppement entre députés et sénateurs, on notera les crédits alloués au budget justice. 9 milliards sur le quinquennat voté par les sénateurs, contre 8,3 dans le projet du gouvernement. La chambre haute avait aussi pris aux mots la promesse de campagne d’Emmanuel Macron en votant la création de 15 000 places de prison d’ici 2022, ramenées à 7 000 par le gouvernement et la majorité de l’Assemblée nationale. Sans oublier les garanties apportées par le Sénat destinées à équilibrer le renforcement des pouvoirs du parquet en matière d’enquête (voir notre article). Également, les sénateurs déplorent qu’un amendement, tendant à réformer l’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante, ait été déposé par le gouvernement, lors de l’examen du texte par les députés. Cet amendement faisait suite à l’agression d’une professeure par un élève à Créteil. Un incident qui a soulevé l’émoi et déclenché une vague de témoignages d’enseignants sous le hashtag #PasDeVague. (voir notre article)

« Nous ne souhaitions pas que la dématérialisation des procédures se fasse au détriment des justiciables »

En ce qui concerne la numérisation des procédures, le Sénat a été « balayé » se désole François-Noël Buffet. « Nous ne souhaitions pas que la dématérialisation des procédures se fasse au détriment de l’accès au juge pour tous les justiciables » indique-t-il en évoquant le refus des députés d’apporter une certification aux organismes de recouvrement de créances ou encore la suppression de l'audience de conciliation en cas de divorce contentieux que les sénateurs avaient rejetée.

Le seul point sur lequel les sénateurs ont obtenu gain de cause est à chercher du côté de la préparation d’un acte terroriste. Actuellement, le « fait de détenir, de se procurer ou de fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui » constitue un délit ou un crime de nature terroriste. Désormais, le seul fait de « tenter de se procurer » ces éléments constituera l’infraction. « Ça permettra de poursuivre beaucoup plus tôt » précise le rapporteur.

Le projet de loi doit désormais repasser devant les deux assemblées pour être définitivement adopté. L’Assemblée nationale aura le dernier mot.

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Quelques minutes plus tard, sur le même plateau, le député Rassemblement national Sébastien Chenu rétorquait, accusant la gauche de « sectarisme ». Mathématiquement, la réforme des retraites, adoptée dans la douleur au mois de mars 2023, trouve tout de même une majorité contre elle à l’Assemblée. Face à ce constat, le nouveau Premier ministre Michel Barnier a donc tenté d’arrondir les angles en annonçant le 6 septembre, sur le plateau de TF1, son souhait d’ « ouvrir le débat sur l’amélioration de cette loi pour les personnes les plus fragiles », sans pour autant « tout remettre en cause ». « Il faut rouvrir les discussions, mais pas pour remettre en cause la réforme » Quelles « améliorations » le gouvernement Barnier pourrait-il apporter au texte ? Au sein de la droite et du bloc central, le retour à la retraite à 62 ans semble en tout cas exclu. « Il faut rouvrir les discussions, mais pas pour remettre en cause la réforme. On l’a votée avec beaucoup de difficultés, on garde les acquis », défend un cadre de la majorité sénatoriale. Quelques ajustements du texte ne sont donc pas à exclure, ne serait-ce que pour « répondre », estime-t-il, à l’initiative parlementaire du RN et aux syndicats, qui prévoient une manifestation le 1er octobre. La ligne rouge des 64 ans n’interdit pas, par ailleurs, de rediscuter d’autres points de la réforme. Au Sénat, l’introduction de nouvelles mesures sur l’emploi des seniors semble par exemple faire consensus au sein de la majorité. À l’occasion de l’examen du texte, la chambre haute s’était déjà exprimée en faveur de l’instauration d’un « index seniors », censé pousser les entreprises à davantage de transparence sur l’emploi des salariés en fin de carrière, et sur la création d’un « CDI seniors », nouveau contrat de travail exonéré de certaines cotisations. Les deux amendements avaient finalement été censurés par le Conseil constitutionnel. « Il faut reprendre cet aspect là des choses, pour associer à cette réforme des retraites un véritable changement de politique vis-à-vis de l’emploi des seniors. Il faut sans doute aussi travailler, en lien avec les partenaires sociaux, sur la question de la pénibilité notamment dans les métiers du bâtiment ou de l’aide à la personne », propose la sénatrice centriste Élisabeth Doineau. En revanche, pour la rapporteure générale du budget de la Sécurité sociale, une remise en cause complète de la réforme serait « suicidaire » : « Il faut être lucide face aux réalités budgétaires du pays, pour ne pas entraîner la France vers de nouvelles dépenses qui seraient un naufrage. » « Je ne vois pas sur quoi le débat peut reprendre si on élude la question des 64 ans » Les déclarations de Michel Barnier, qui a indiqué que les « améliorations » qu’il entendait proposer respecteraient « le cadre budgétaire », ont donc de quoi rassurer les défenseurs de la réforme. À gauche, l’accueil de l’annonce du nouveau Premier ministre est évidemment beaucoup plus froid. « Je ne vois pas sur quoi le débat peut reprendre si on élude la question des 64 ans, puisque l’essence même de cette réforme c’est le report de l’âge de départ à la retraite », dénonce la sénatrice Monique Lubin, qui défendait déjà en février dernier une proposition d’abrogation de la réforme. 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