Raffarin soutient Macron : « La recomposition » et « la tectonique des plaques » encore à l’œuvre

Raffarin soutient Macron : « La recomposition » et « la tectonique des plaques » encore à l’œuvre

L’ancien premier ministre votera Macron, tout en soutenant Edouard Philippe et son parti Horizons. De quoi alimenter de futures tensions, en cas de victoire ? « Emmanuel Macron veut une majorité qui ne lui dicte pas sa conduite », prévient un pilier de la majorité. A droite, le rapporteur du budget Jean-François Husson pose la question d’une forme d’unité nationale : « Si ce n’est pas fait, peut-être que ce sera une erreur ».
Public Sénat

Temps de lecture :

8 min

Publié le

Mis à jour le

Alors que la campagne électorale semble à l’arrêt, les ralliements à Emmanuel Macron continuent. Comme un nouvel épisode, savamment distillé au fur et à mesure, les noms se succèdent depuis quelques semaines. Le week-end dernier, le président ex-LR de la région PACA, Renaud Muselier, a annoncé son soutien au chef de l’Etat, tout comme, à gauche, Jean-Pierre Chevènement.

Ce mardi, deux anciens premiers ministres ont annoncé leur souhait de voter Emmanuel Macron. Manuel Valls, qui avait déjà voté pour lui en 2017, dès le premier tour. Et Jean-Pierre Raffarin. Ce n’est pas une surprise. Lors des européennes, il avait soutenu la liste LREM. La nouveauté est ailleurs. L’ex-premier ministre de Jacques Chirac entend « soutenir les efforts de (son) ami Edouard Philippe », en qui il a « toute confiance pour construire ce qui a toujours été (sa) famille politique, c’est-à-dire un nouveau centre droit ». Rappelant avoir « quitté LR, quand LR n’a pas été clair dans son choix entre l’extrême droite et Emmanuel Macron », l’ancien sénateur de la Vienne veut « défendre, construire (sa) famille politique, avec Horizons, et avec Edouard Philippe, pour faire en sorte qu’on se rassemble, qu’on élargisse la majorité d’Emmanuel Macron et qu’on constitue un pôle de conviction qui est un pôle de centre droit ».

« Le même jour, deux anciens premiers ministres, c’est pas mal »

Alors que certains membres de la majorité imaginent déjà le chef de l’Etat réélu, favorisé par la crise ukrainienne (lire notre article), Jean-Pierre Raffarin pense que nous aurons « sans doute une redistribution des cartes politiques françaises dans l’avenir ». Il ajoute : « Le centre droit est à construire, est c’est Edouard Philippe qui est le mieux aujourd’hui pour l’incarner ».

« Le même jour, deux anciens premiers ministres, c’est pas mal », réagit François Patriat, à la tête des sénateurs macronistes. « Nous sommes à la foi dans le rassemblement, le dépassement et l’élargissement. Je suis convaincu que Jean-Pierre Raffarin ne le fait pas par opportunisme, ni pour chercher une place, mais par conviction. Dans ces temps tourmentés, il considère que le chef de l’Etat est le mieux à même de conduire le pays », salue le sénateur LREM de la Côte-d’Or. S’« il rejoint Horizons, c’est son choix. C’est logique, par rapport à son histoire. Horizons appartient à Ensemble citoyens ! (qui rassemble les partis de la majorité, ndlr). C’est cette unité qui compte. Je ne cherche pas aujourd’hui à créer des divisions artificielles ».

« Il y aura des cris »

En réalité, c’est l’équilibre de la prochaine majorité, en cas de victoire d’Emmanuel Macron, qui se joue. L’arrivée de Jean-Pierre Raffarin donne un coup de pouce au mouvement d’Edouard Philippe. « Oui, ça le renforce », reconnaît un poids lourd de la majorité, « mais ce pilier-là, dans le nouveau contexte de tension internationale, est un peu affaibli ». Alors que la Russie menace, « dire j’ai créé un comité local d’Horizons à Vierzon », pourrait paraître décalé, raille un député LREM. Comme nous l’évoquions (lire notre article), les négociations pour les législatives risquent d’être tendues entre le parti macroniste et Horizons. « Ce sera une Blitzkrieg pendant une semaine. Il y aura des cris », reconnaît un responsable LREM, qui pronostique un mauvais sort aux poulains d’Edouard Philippe, en cas de division pour les législatives :

Les candidats Horizons vont se faire écrabouiller face à un candidat avec la carte Macron.

On le voit, un bon état d’esprit, comme la confiance, règnent entre alliés de la majorité présidentielle… Alors que les amis d’Edouard Philippe assument vouloir « peser » dans la prochaine majorité, qu’ils imaginent comme une « coalition », les proches du chef de l’Etat ne l’imaginent pas de la sorte. « Emmanuel Macron veut une majorité à l’Assemblée nationale qui ne lui dicte pas sa conduite », confie un pilier de la macronie.

« Bombe à fragmentation lente, qui continue de produire ses effets »

En cas de victoire d’Emmanuel Macron, les effets se feront ressentir de nouveau à droite. La recomposition pourrait continuer, la poutre travaille encore et pourrait même se décrocher. Certains, à droite, craignent que les LR explosent, entre centre droit et droite identitaire. « C’est les suites et les conséquences de la présidentielle de 2017, où j’avais à l’époque déclaré que ce qu’il se passait, c’était une bombe à fragmentation lente, qui continue de produire ses effets, un peu partout », constate le sénateur LR Jean-François Husson, rapporteur général du budget au Sénat.

Jérôme Bascher, sénateur LR, pointe lui les divisions en devenir de la majorité présidentielle. « Jean-Pierre Raffarin s’était rapproché de Macron. Maintenant, il s’éloigne. Il va vers Edouard Philippe tout en disant qu’il aime Pécresse. C’est un désamour pour Macron. Il va le rallier par déception, et non pas adhésion », lance le sénateur de l’Oise. Il ajoute :

On sait qu’il y a un peu d’eau dans le gaz entre Philippe et la macronie. Je ne suis pas sûr que cela annonce des jours heureux.

« On va être en recomposition perpétuelle »

Jérôme Bascher pense néanmoins qu’« on va être en recomposition perpétuelle. Car la vie politique de Macron est terminée dans 5 ans, au plus tard. Que fera quelqu’un comme Muselier ? Ce sera très compliqué pour tout le monde. Il y aura de la recomposition, de la tectonique des plaques. Elle sera extrêmement importante au centre droit ». Mais il ne croit pas à l’union des droites, de l’autre côté. « C’est une chimère voulue par l’extrême droite et la droite de la droite ». Pas de risque d’explosion des LR en cas de défaite ? « Une explosion, non. Une réduction, oui ».

Pour l’heure, les conditions de non-campagne insupportent celui qui soutenait Xavier Bertrand, lors de la primaire. « C’est hallucinant. Je ne sais même pas comment les gens peuvent dire je vote Macron, à part dire je ne veux pas des autres », lance-t-il. N’est-ce pas justement la faiblesse de ses concurrents, qui l’aide ? « C’est peut-être la faiblesse, ou plutôt des concurrents qui n’ont pas réussi à imprimer et donner envie », reconnaît le sénateur de l’Oise, « mais peut-être que la campagne va commencer un jour… »

« Il va falloir redresser le pays. Cela va demander de l’énergie et du dépassement à tout le monde »

Jean-François Husson pointe lui « les marcheurs, un parti qui n’existe pas ». Reste qu’il se pose quelques questions. « Aujourd’hui, on va se le dire : c’est la grande inconnue dans beaucoup de domaines. Comment on va se projeter dans l’avenir, à l’aune de ce qu’on vit, qui est glaçant ? Le pire n’est jamais sûr », craint le sénateur LR de Meurthe-et-Moselle, selon qui « il faut se poser la question, c’est quoi aujourd’hui la Nation ? Comment on fait France ensemble ? C’est à la fois du patriotisme. Il faut qu’on retrouve de la souveraineté, mais elle est indissociable d’une force commune portée au niveau européen ». Jean-François Husson continue : « De toute façon, il va falloir redresser le pays. Cela va demander de l’énergie et du dépassement à tout le monde. A l’exécutif d’aujourd’hui, à l’exécutif de demain. Et je pense aussi aux élus qui ne sont pas forcément dans la majorité, qui ont aussi leur légitimité », dit-il, alors que le Sénat de droite s’est déjà montré « constructif » sur plusieurs sujets et a soutenu les mesures liées à la crise covid. Pour le rapporteur du budget, « il faut mettre l’intérêt supérieur du pays au-dessus de tout. Il faut savoir se dépasser, voir loin, avoir une hauteur de vue et une profondeur d’âme ».

« Tout le monde a une place à prendre. On n’a pas toutes les réponses aux questions qu’on se pose, comment redresser la situation », ajoute le sénateur LR, selon qui « l’exécutif a une vraie responsabilité ». Faudra-t-il gouverner dans un esprit d’unité nationale, après la présidentielle ? Pour Jean-François Husson, « si ce n’est pas fait, peut-être que ce sera une erreur »…

Dans la même thématique

Paris: Designation Bureau Assemblee Nationale
6min

Politique

Ingérences étrangères : quelles sont les règles qui s’appliquent aux élus ?

Les élus sont souvent une cible privilégiée pour les ingérences étrangères. Si les atteintes à la probité existent, les formes d’influences sont diverses et se renouvellent. Après l’adoption de la loi sur les ingérences étrangères le 5 juin dernier, retour sur les règles s’appliquant aux élus pour prévenir les ingérences.

Le

France Europe Election
5min

Politique

Au Parlement européen, Jordan Bardella peine à se « normaliser »  

A la tête des Patriotes, le troisième groupe le plus important numériquement au Parlement européen et désormais membre de la prestigieuse commission des affaires étrangères, Jordan Bardella entend poursuivre à Strasbourg sa stratégie de « normalisation ». Une stratégie compromise cependant par le « cordon sanitaire » des partis pro-européens contre l’extrême-droite et par certaines personnalités embarrassantes au sein de son camp.

Le

LEGISLATIVES FRANCE : 2ND TOUR SOIREE ELECTORALE PS
5min

Politique

Lettre d’Olivier Faure au Conseil d’Etat : « Un message politique, plus qu’un recours contentieux », explique Paul Cassia  

Le 24 juillet, Olivier Faure a adressé à Didier Roland-Tabuteau, vice-président du Conseil d’Etat, un courrier pour alerter la juridiction administrative sur l’exercice du pouvoir réglementaire par le gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal. Si cette lettre interroge les diverses nominations à effet différé qui ont eu lieu au cours des deux derniers mois, elle constitue en réalité davantage un message politique qu’un véritable recours contentieux.

Le