Reconnaissance du vote blanc, vote obligatoire : une proposition de loi du Sénat pour lutter contre l’abstention

Reconnaissance du vote blanc, vote obligatoire : une proposition de loi du Sénat pour lutter contre l’abstention

Alors que l’abstention au second tour de la présidentielle atteint les 28,01 % et que plus de 2 millions de votants ont déposé un bulletin blanc dans l’urne, la sénatrice Françoise Férat a déposé le 16 février une proposition de loi visant à faciliter et moderniser le processus électoral. Décryptage.
Public Sénat

Par Klara Durand

Temps de lecture :

6 min

Publié le

« Face à l’abstention, depuis plusieurs décennies, de nombreux citoyens demandent, d’une part, que le processus électoral soit facilité et d’autre part, que le déplacement des citoyens aux urnes soit reconnu, en prenant en compte le vote blanc. Ces demandes ont été remises en exergue lors des manifestations des « Gilets jaunes » et très récemment avec le second tour de l’élection présidentielle », explique la sénatrice de la Marne et membre de la Commission des affaires économiques, Françoise Férat, qui a déposé au Sénat le 16 février dernier, avec son groupe Union centriste, une proposition de loi visant à faciliter et moderniser le processus électoral.

Rendre le vote obligatoire et reconnaître le vote blanc

Cette proposition de loi vise essentiellement à mettre en place le vote obligatoire : « C’est possible en Belgique, c’est donc tout à fait applicable chez nous. Aux sénatoriales, par exemple, c’est déjà obligatoire. Il suffirait de repérer ceux qui ne signent pas sur les listes d’émargement et donc ne se déplacent pas », argumente Françoise Férat. En effet, en Belgique, l’article 62 de la Constitution belge (coordonnée le 17 février 1994) indique que le vote est « obligatoire et secret ». Un électeur qui ne se rend pas aux urnes peut se voir infliger une amende de 40 à 80 €, et jusqu’à 200 € en cas de récidive. Si l’électeur ne se présente pas à 4 reprises dans un délai de 15 années, il est rayé des listes électorales pour 10 ans. Une solution qui semble fonctionner puisque le taux de participation, toutes élections confondues, frôle généralement les 90 % en Belgique même si désormais les abstentionnistes sont, en vérité, peu sanctionnés. La sénatrice aimerait voir le même système adopté en France avec, si nécessaire, la création d’une amende en cas de non-respect de cette obligation, l’idée étant de refaire du vote « un devoir citoyen ».

Toutefois, l’élue milite également pour que le vote obligatoire s’accompagne de la reconnaissance du vote blanc. En France, les bulletins blancs sont décomptés séparément et annexés au procès-verbal depuis le 21 février 2014. Ils sont comptabilisés dans les résultats des scrutins, et ne sont plus considérés comme des votes nuls. Mais ils ne restent tout de même pas considérés comme des suffrages exprimés, puisque transformés par ce même décret de vote valide en vote non valide pour la détermination des majorités relatives et absolues. Or, lors du second tour de la Présidentielle, sur les 35 millions de votants, environ 2 millions ont déposé un bulletin blanc, amenant le nombre de suffrages valablement exprimés à 32 millions, une part non négligeable pour Françoise Férat :

« C’est le point majeur vis-à-vis de ce que nous venons de vivre avec cette élection présidentielle où le mécontentement s’est accru. Beaucoup de citoyens font encore la démarche volontaire de se déplacer au bureau de vote pour montrer leur souhait de ne pas choisir, contrairement aux personnes qui s’abstiennent », expose-t-elle, avant d’ajouter : « Cet acte doit être reconnu comme un vote ».

Simplifier les démarches administratives

Dans sa proposition de loi, Françoise Férat met aussi sur la table une simplification administrative des opérations électorales, comme l’inscription automatique sur les listes électorales, la possibilité d’une procuration entièrement dématérialisée ou encore, la levée du moratoire de 2008 sur les machines à voter, qui empêche les villes qui le voudraient d’en acquérir de nouvelles. En ce qui concerne les listes électorales, si chaque Français qui devient majeur et a fait son recensement citoyen à 16 ans est inscrit automatiquement sur celles-ci, la sénatrice voudrait encore plus de clarté : « Malgré ces premières simplifications, les personnes continuent de percevoir les démarches autour de l’élection comme compliquées, par exemple 200 000 personnes ont été radiées des listes électorales cette année et beaucoup ne comprennent pas pourquoi. Il faut donc continuer de clarifier via des décrets par exemple », note-t-elle, tout en précisant : « Dans ma commune, je suis chargée par le maire de veiller à l’actualisation des listes mais je viens d’une commune de 500 habitants, c’est donc beaucoup plus facile que dans une grande ville ». Enfin, à l’heure actuelle, le processus de procuration ne se fait pas entièrement en ligne : si l’électeur qui souhaite faire procuration peut remplir toute sa déclaration sur internet, il doit obligatoirement aller la faire valider en se déplaçant dans le commissariat ou la gendarmerie le plus proche de chez lui.

En outre, la sénatrice souhaite revoir certaines règles dans l’instauration des candidatures, en remettant en place, dans un premier temps, l’anonymat pour les parrainages levé en 2016 : « On a bien vu lors de cette dernière élection qu’il y a eu des arrangements concernant les parrainages. Il faut que les élus se sentent libres de parrainer qui ils souhaitent sans subir de pressions mais nous voulons garder le principe des 500 signatures à obtenir », souligne-t-elle. Françoise Férat proposant également d’interdire le droit de se présenter en cas d’une mention, dans le casier judiciaire, d’un délit ou d’un crime figurant parmi les plus graves : « Ce serait un point à discuter et à débattre évidemment mais il faut que les citoyens puissent avoir confiance en leurs élus, dans les cas de fraude fiscale, par exemple, ça n’est pas le cas ».

« En discuter au mois de septembre »

La rédaction de la loi a été réfléchie sur plusieurs mois, notamment suite aux dernières régionales, les 20 et 27 juin 2021, où l’abstention a été massive et le taux de participation n’a même pas atteint les 35 % au second tour. Après l’avoir déposée le 16 février, la sénatrice espère pouvoir la soumettre à la discussion le plus vite possible : « L’actualité nous donne raison quant à la nécessité de proposer une telle loi. Nous souhaitons pouvoir en discuter dès septembre », conclut-elle.

 

Dans la même thématique

LA ROCHELLE : French socialist party summer camp.
4min

Politique

Ronan Dantec souhaite « faire émerger le socle de la social écologie »

Créé après les européennes de 2019 pour « fédérer la social écologie », le mouvement du sénateur Ronan Dantec Ensemble sur nos territoires organise ce samedi un « forum politique » rassemblant des personnalités de la société civile comme Laurent Berger et Laurence Tubiana et des élus de tous les partis de la gauche à l’aile gauche de la macronie, comme Raphaël Glucksmann, Johanna Rolland ou Stella Dupont. Une démarche qui se veut rassembleuse pour déboucher sur une « nouvelle offre politique ».

Le

Paris : Michel Barnier a l hopital Necker
3min

Politique

La ruralité et la décentralisation, deux dossiers au cœur des préoccupations de Michel Barnier, selon Maryse Carrère

Maryse Carrère, présidente du petit groupe du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE) au Sénat, a été reçue par le Premier ministre Michel Barnier mardi 17 septembre. À cette occasion, le nouveau locataire de Matignon se serait montré particulièrement attentif aux problématiques liées à la décentralisation. Il aurait également manifesté sa volonté de conserver un ministère dédié à la ruralité.

Le

Reconnaissance du vote blanc, vote obligatoire : une proposition de loi du Sénat pour lutter contre l’abstention
3min

Politique

« Il faut sortir du macronisme, parce qu’il a fait beaucoup de mal à la démocratie », affirme Julien Aubert

Michel Barnier comme Premier ministre doit être « un choix d’opposition, de cohabitation » pour Julien Aubert. Sur la situation politique actuelle, Julien Aubert s’affiche en opposition à la politique menée par le camp présidentiel : « Le message des urnes en juin dernier, au premier comme au deuxième tour, c’est ‘on ne veut plus du en même temps, on ne veut plus d’Emmanuel Macron, et on ne veut plus du bloc central’ Qu’est-ce que l’on entend depuis quelques semaines ? Une reconstitution du bloc central ». Pour le vice-président des Républicains, « il faut sortir du macronisme, parce qu’il a fait beaucoup de mal à la démocratie, le ‘en même temps’ a fait beaucoup de mal à la démocratie ». Pour cela, Michel Barnier est « un excellent choix », à condition qu’il soit considéré comme « un choix d’opposition, de cohabitation » précise le vice-président des Républicains. En ce qui concerne les ministres pouvant composer le futur gouvernement, Julien Aubert estime qu’ « il ne sera pas compréhensible pour les électeurs d’avoir un gouvernement de gauche et de macronistes, alors que pendant 7 ans les Républicains ont déclaré qu’ils étaient un parti d’opposition […] et qu’ils avaient un problème de nature avec le macronisme ». Hier matin, Thierry Breton, commissaire européen au Marché intérieur a annoncé sa démission en diffusant sur X/Twitter sa lettre de démission adressée à Ursula von der Leyen. Dans ce courrier, l’ancien commissaire européen dénonce la gouvernance de la présidente de la Commission européenne : « Il y a quelques jours, dans la toute dernière ligne droite des négociations sur la composition du futur Collège, vous avez demandé à la France de retirer mon nom – pour des raisons personnelles qu’en aucun cas vous n’avez discutées directement avec moi – et proposé, en guise de compromis politique, un portefeuille prétendument plus influent pour la France au sein du futur Collège ». Pour Julien Aubert, le fait que « la présidente de la Commission européenne parvienne à forcer le choix d’un Etat fondateur de l’Union en lui faisant un chantage au portefeuille, cela montre bien que l’influence de la France s’est affaiblie ». Dans la foulée de cette démission, Emmanuel Macron a ainsi proposé Stéphane Séjourné pour remplacer Thierry Breton. Un choix que le vice-président des Républicains qualifie de « recasage ».

Le

Paris: Concertation Emmanuel Macron et Nouveau Front Populaire Elysee
10min

Politique

Gouvernement Barnier, destitution, retraites… Les hésitations de la gauche sur la stratégie à adopter

Le Nouveau Front Populaire (NFP) peine à porter une voix commune sur les prochaines échéances parlementaires, malgré la volonté partagée par l’ensemble des groupes de gauche de censurer le futur gouvernement de Michel Barnier. En outre, l’affrontement des derniers jours entre Jean-Luc Mélenchon et François Ruffin interroge sur la place de LFI au sein de l’alliance.

Le