A près de sept mois du référendum sur l'indépendance, les élus de Nouvelle-Calédonie se réunissent mardi à Matignon sous l'égide d'Edouard Philippe, pour un comité des signataires de l'accord de Nouméa essentiellement consacré à la formulation de la question qui sera posée le 4 novembre.
Le Premier ministre a ouvert mardi matin dans une annexe de Matignon cette réunion rassemblant les principaux élus et responsables politiques néo-calédoniens - indépendantistes ou non.
Les discussions doivent se poursuivre tout au long de la journée, et peut-être de la soirée, car la formulation de la question posée lors du référendum porte son lot de désaccords. L'Etat devra trancher au final si un consensus n'émerge pas.
Après un premier passage mardi matin, puis un déjeuner avec les élus, Edouard Philippe doit retrouver les Calédoniens à partir de 18H00.
Les indépendantistes du FLNKS souhaitent s'en remettre strictement au vocabulaire employé par l'accord de Nouméa de 1998, qui avait engagé sous l'égide de Lionel Jospin un processus de décolonisation par étapes dont le référendum est l'aboutissement vingt ans plus tard.
A savoir, un vote par oui ou non sur l'accès à la "pleine souveraineté", sans référence au mot d'indépendance, même si les conséquences sont les mêmes: transformation de l'actuelle citoyenneté néo-calédonienne en nationalité, transfert des compétences régaliennes de l'Etat, etc.
De son côté, le principal parti loyaliste, Calédonie ensemble (CE, droite modérée) se montre ouvert à l'emploi du terme de "pleine souveraineté", qui figure dans l'accord de Nouméa mais également dans la Constitution, ou celui d'"indépendance", qui avait été employé lors des deux derniers grands référendums de décolonisation de la France, aux Comores (1974) et à Djibouti (1977).
Mais une autre partie de la droite locale est sur une autre ligne: Sonia Backès, cheffe de file des Républicains calédoniens, réclame des bulletins de vote où le mot "France" figurera en toutes lettres. Tandis que le sénateur Pierre Frogier, leader du Rassemblement-LR, veut une question qui implique un choix entre "la France ou l'indépendance".
- "est ce qu'on va rester dans la paix?" -
Pour le député CE Philippe Gomès, les chances d'arriver à un compromis mardi sont faibles, car les Républicains calédoniens et le Rassemblement-LR ont décidé d'"instrumentaliser de façon politicienne" le débat sur la question du référendum.
L'élu appelle au "dialogue" car "la question n'est pas si on va rester dans la France, tous les sondages et les équilibres politiques des dernières élections montrent que cela va être le cas. La question c'est: +est-ce qu'on va rester dans la paix+".
Plus qu'une indépendance peu probable, c'est en effet la perspective de frustrations et de désordres au sein de la communauté kanak qui inquiète au sein du gouvernement, trente ans après les violents affrontements des années 80. Notamment parmi la jeunesse kanak, qui a grandi avec les aspirations indépendantistes, et qui concentre les problèmes sociaux et de délinquance.
Début novembre, un accord avait pu être trouvé sous l'égide d'Edouard Philippe au bout de la nuit sur la question épineuse des listes électorales. Son déplacement un mois plus tard sur le "Caillou" s'était également bien déroulé.
Mais depuis, les tensions politiciennes calédoniennes ont repris le dessus, tandis que des responsables nationaux comme l'ancien Premier ministre Manuel Valls ont fâché les indépendantistes en souhaitant que l'exécutif, qui entend rester neutre, exprime publiquement son souhait que la Nouvelle-Calédonie reste dans la France.
La date du 4 novembre a été fixée par les élus du Congrès calédonien la semaine dernière. Mais les différentes chapelles loyalistes se sont écharpées sur l'exposé des motifs de la délibération, qui replaçait le référendum dans l'histoire coloniale de la Nouvelle-Calédonie.
En février, dénonçant ces commentaires historiques comme une forme excessive de repentance, les Républicains calédoniens et le Rassemblement-LR ont quitté avec fracas un groupe de travail mis en place par l'Etat pour "préparer l'après-référendum", baptisé "chemin de l'avenir". Poussant le Premier ministre à appeler à maintenir le dialogue.
Ce groupe s'est longuement réuni vendredi à Paris, sans les défections. Il a adopté une "charte des valeurs" qui doit incarner les valeurs communes des deux camps.