Réforme de l’assurance chômage : le Sénat calme les ardeurs d’Emmanuel Macron
Les sénateurs ont rejeté l’amendement du gouvernement, reprenant l’annonce d’Emmanuel Macron d’ouvrir de nouvelles négociations entre partenaires sociaux pour réviser l’assurance chômage. « On ne peut pas, à la cantonade, modifier des principes historiques de la protection sociale sans un temps de réflexion nécessaire » a souligné la corapporteure du texte, Frédérique Puissat.

Réforme de l’assurance chômage : le Sénat calme les ardeurs d’Emmanuel Macron

Les sénateurs ont rejeté l’amendement du gouvernement, reprenant l’annonce d’Emmanuel Macron d’ouvrir de nouvelles négociations entre partenaires sociaux pour réviser l’assurance chômage. « On ne peut pas, à la cantonade, modifier des principes historiques de la protection sociale sans un temps de réflexion nécessaire » a souligné la corapporteure du texte, Frédérique Puissat.
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Le gouvernement et Emmanuel Macron devront attendre encore un peu pour s’assurer de l’ouverture de nouvelles discussions, à la rentrée, sur l’assurance chômage. Dans la nuit de jeudi à vendredi, le Sénat a en effet rejeté l’amendement du gouvernement reprenant l’annonce faite par le Président devant le Congrès.

« Je souhaite que les partenaires sociaux révisent les règles de l'assurance chômage. (…) Le projet de loi avenir professionnel sera modifié en ce sens » a annoncé Emmanuel Macron à l’ensemble de la représentation nationale. Le gouvernement a donc profité de l’examen du texte à la Haute assemblée cette semaine pour déposer un amendement. Mais cette annonce de dernière minute est très mal passée chez les sénateurs. Déjà, mardi, la majorité des groupes avait menacé d’arrêter l’examen du texte si le gouvernement ne déposait pas tout de suite son fameux amendement, afin d’en prendre tout simplement connaissance.

Pénicaud : « Le gouvernement souhaite finalement privilégier la primauté de l’intervention des partenaires sociaux »

Hier, vers 00h30, ils ont sans surprise rejeté la mesure, qui devra attendre un vote des députés. La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a pourtant tenté de la défendre. Après des mois où l’exécutif n’a pas fait du dialogue social une priorité, il en fait maintenant un argument. « Le gouvernement souhaite finalement privilégier la primauté de l’intervention des partenaires sociaux » a-t-elle reconnu, soulignant que ces derniers « ont souhaité un agenda social élargi ». Regardez :

Murielle Pénicaud explique pourquoi le gouvernement veut réformer l’assurance chômage
02:43

Cette nouvelle négociation, qui doit s’ouvrir à la rentrée, se fera « sur base d’un document de cadrage » fixé par le gouvernement. Il entend « faire évoluer les règles actuelles pour mieux lutter contre la précarité de l’emploi », que la ministre juge « excessive », notamment par la multiplication des contrats courts voire très courts « de moins d’une journée ». Le gouvernement veut aussi une « prise en compte du chômage de longue durée dans l'indemnisation », au-delà des deux ans actuels, « inciter les demandeurs d’emploi au retour à l’emploi et revoir l’articulation entre assurance chômage et solidarité ».

« Impréparation » et « respect de la Constitution pas garanti »

Les sénateurs ont peu goûté la méthode du gouvernement. « Il n’est pas acceptable qu’un amendement aussi important soit déposé aussi tardivement » dans le processus législatif, a souligné Frédérique Puissat, sénatrice LR de l’Isère et corapporteure du texte. « Nous allons commencer à discuter d’une mesure loin d’être anodine à minuit » a regretté la communiste Laurence Cohen. « Pourquoi prendre autant le risque d’apparaître comme totalement amateur et montrer l’impréparation de votre texte ? » a demandé le sénateur PS d’Ille-et-Vilaine, Jean-Louis Tourenne.

Pour contrer le gouvernement, les sénateurs pensent avoir trouvé l’angle d’attaque : celui du terrain juridique. « Le respect de la Constitution n’est pas garanti, car l’amendement met en cause le principe de la liberté contractuelle » selon la rapporteure. Elle se réfère à une décision du Conseil constitutionnel selon laquelle « une loi ne saurait porter une atteinte excessive à un accord collectif antérieur conclu, sauf motif d’intérêt général suffisant ». Car en ouvrant une nouvelle négociation, le gouvernement s’assoit sur l’accord conclu entre partenaires sociaux le 22 février dernier. Au final, pour les sénateurs, il n’y a « pas d’intérêt général suffisant ». Ce que conteste le gouvernement. « Nous demandons évidemment au Conseil constitutionnel d’examiner sa réponse » a prévenu Alain Milon, président LR de la commission des affaires sociales.

« Le gouvernement fait évoluer la nature de l’indemnisation du chômage vers des prestations de solidarité »

Sur le fond, Frédérique Puissat estime qu’« on ne peut pas, à la cantonade, modifier des principes historiques de la protection sociale sans une vision globale et un temps de réflexion nécessaire ». Car l’exécutif veut faire évoluer la philosophie de l’assurance chômage, ses grands principes issus de l’après-guerre. « En supprimant les contributions salariales et en créant une aide forfaitaire pour les travailleurs indépendants, le gouvernement fait évoluer la nature de l’indemnisation du chômage vers des prestations de solidarité » souligne Alain Milon (voir la première vidéo), qui ajoute : « Nous assistons à la déposition des partenaires sociaux des prérogatives qui leur ont été données par la loi par la remise en cause des accords conclus ».

Le gouvernement assume cette « articulation entre la solidarité et le régime assurantiel ». « C’est un régime assurantiel mais dans lequel l’Etat intervient déjà beaucoup » souligne la ministre Muriel Pénicaud, « via Pole emploi, et car l’Etat garantit la dette de l’Unedic. Et pour pouvoir augmenter le pouvoir d’achat des salariés, c’est la prise en charge par la solidarité, à travers la CSG et l’impôt, des cotisations chômages des salariés ». Pour permettre une hausse du pouvoir d’achat, le gouvernement a en effet déjà décidé de baisser les cotisations salariales en échange d’une hausse de la CSG.

« Cohérence extrêmement libérale »

Mais selon la sénatrice PCF Laurence Cohen, qui dénonce « un dialogue social de façade », « ce projet de loi instaure la main mise de l’Etat sur l’assurance chômage. Il lui donne le contrôle des finances, en remplaçant le financement par les cotisations sociales par un financement par l’impôt. Ce n’est pas anodin et vraiment lourd de conséquences ».

« Le système proposé est fort commode par son financement par l’impôt, car il évacue les partenaires sociaux » ajoute la sénatrice PS Sophie Taillé-Polian (voir la vidéo ci-dessous). Elle ajoute : « Cela ne fait pas une jambe gauche. Mais cela fait bien une cohérence. Une cohérence extrêmement libérale à laquelle nous nous opposons ».

Assurance chômage : Sophie Taillé-Polian (PS) dénonce la « cohérence extrêmement libérale » de Macron
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