Réforme de la Constitution : le spectre du référendum
Dans l’émission « On va plus loin », la juriste Anne Levade et le professeur de droit constitutionnel à la Sorbonne, Dominique Rousseau, débattent de la marge de manœuvre que peut avoir Emmanuel Macron, dans son bras de fer avec le Parlement, au sujet de la réforme constitutionnelle.  

Réforme de la Constitution : le spectre du référendum

Dans l’émission « On va plus loin », la juriste Anne Levade et le professeur de droit constitutionnel à la Sorbonne, Dominique Rousseau, débattent de la marge de manœuvre que peut avoir Emmanuel Macron, dans son bras de fer avec le Parlement, au sujet de la réforme constitutionnelle.  
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En juillet dernier, Emmanuel Macron a annoncé devant le Congrès, une réforme constitutionnelle. Mais devant certaines résistances, notamment celle du président du Sénat, Gérard Larcher, en désaccord sur le non-cumul des mandats dans le temps et sur l’introduction d’une dose de proportionnelle, Emmanuel Macron a posé un ultimatum : un accord sur la révision constitutionnelle doit être trouvé avant l’été. Le Président de la République dispose de deux articles de la Constitution, l’article 11 et l’article 89. S’il choisit l’article 89, les parlementaires doivent voter le même texte dans les deux chambres, avant que le Président de la République ne les convoque en Congrès, où il faut réunir 3/5ème des suffrages exprimés pour que la révision de la Constitution puisse s’effectuer. Autrement, le chef de l’État peut utiliser le référendum.

Si le Président de la République choisit l’article 11, un simple débat dans les deux chambres aura lieu, avant un référendum.

« Pas si simple » semble dire nos deux invités sur le plateau d’ « On va plus loin ».   

La juriste Anne Levade, souhaite tout d’abord expliquer la base : « Il faut rappeler qu’avant chaque révision constitutionnelle (…), il y a toujours un enjeu qui est de savoir si on va trouver un consensus entre les institutions (…) L’idée est que pour la réviser, il faut qu’il y ait un accord entre les parlementaires (…) et puis le peuple et le chef de l’État. »

 Elle déroule ensuite son raisonnement : « L’article 11 est une procédure qui n’est pas prévue pour réviser. C’est un référendum, un pouvoir du chef de l’État et il y a là, un lien direct entre le Président et le peuple (…). Normalement seules les lois ordinaires et éventuellement organiques sont concernées. Mais toujours est-il que le Général de Gaulle, en 1962, a utilisé cette procédure pour une réforme constitutionnelle, (…) l’élection du Président de la République au suffrage universel direct. (…) Il a été très critiqué ». Anne Levade ajoute que cette procédure, « sans doute » inconstitutionnelle », avait été très simple car « on ne touchait qu’un seul article » et pas « plusieurs institutions ».

De son côté, Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel à la Sorbonne, s’applique à nous décortiquer dans les détails les deux options du Président de la République, et notamment l’utilisation de l’article 89 : « Si [le Président de la République] a un vote identique à l’Assemblée nationale et au Sénat mais pas les 3/5ème, il peut décider d’aller au référendum. En revanche, une fois qu’il s’est engagé dans la voie de l’article 89 pour réviser la Constitution, si le Sénat ne vote pas en terme identique le texte de l’Assemblée nationale ? », que se passerait-il ? Là, les ennuis commenceraient pour Emmanuel Macron s’il souhaitait, à ce moment-là, arrêter le processus et vouloir passer par l’article 11 : « J’ai beaucoup de doute sur la constitutionnalité de pouvoir sortir d’une procédure que l’on a engagé par l’article 89, pour ensuite dire « Je joue l’article 11 ». Parce que s’il joue l’article 11, alors qu’il a été bloqué par le Sénat, cela veut dire qu’il provoque cette fois un conflit politique et ouvert, avec le Sénat » prévient le constitutionnaliste. 

Mais si le chef de l’État choisit de ne pas passer par l’article 89 et d’utiliser directement l’article 11, Dominique Rousseau explique que la situation n’en sera pas plus simple car, à cause de l’article 46 de l’ordonnance de 58, le gouvernement sera obligé de consulter le Conseil constitutionnel : « On pourrait parfaitement imaginer que le Conseil constitutionnel, sur la base de l’article 46, saisi pour consultation, donne un avis - et aujourd’hui on sait bien que les avis ne restent pas longtemps officieux – en disant (…) : « Je confirme ce que je disais en 1962. Faire un référendum pour réviser la Constitution, par le biais de l’article 11, n’est pas conforme à la Constitution ». »

Et Anne Levade de renchérir : « Si d’aventure le Président de la République décidait de passer outre quand même, on se retrouverait dans une situation aberrante. C'est-à-dire que toutes les autorités publiques qui organiseraient le référendum seraient dans l’illégalité. Ils violeraient tous une décision du Conseil constitutionnel. On pourrait même imaginer engager leur responsabilité pénale. » 

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