Réforme des institutions : la discussion continue entre gouvernement et sénateurs

Réforme des institutions : la discussion continue entre gouvernement et sénateurs

Plusieurs fois repoussée, la réforme des institutions a enfin été présentée en Conseil des ministres. Le texte est source de discordes depuis des mois entre l’exécutif et le Sénat. Aujourd’hui, un accord est proche, mais cela bloque encore sur la date des sénatoriales et la réduction du nombre de parlementaires. La réforme n’est pour le moment pas inscrite au Parlement.
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La réforme des institutions fait son retour. Le projet, repoussé plusieurs fois, notamment pour cause d’affaire Benalla, a finalement été présenté mercredi 28 août en Conseil des ministres. Cette présentation était d’abord pressentie fin juin. Il aura fallu attendre la rentrée.

Poker menteur

En juin dernier, après des mois de poker menteur, la situation était pour le moins paradoxale. Gouvernement et Sénat étaient « proches d’un accord » mais la réforme semblait paradoxalement quasi stoppée. Chacun s’était renvoyé la balle, accusant l’autre d’être responsable de l’échec (lire notre article pour plus de détails).

Plus de deux mois après, on en est au même point. Selon la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, l’exécutif et le Sénat sont « assez proches d’un accord » sur la partie constitutionnelle, mais « en revanche il y a sans doute un dialogue à continuer sur les deux autres textes » (voir la vidéo). Mais pour l’heure, l’exécutif n’inscrit pas la réforme à l’agenda parlementaire, « tant que nous ne sommes pas certains d’obtenir un accord global préalable (…) avec le Sénat » prévient Nicole Belloubet… Le gouvernement renvoie à nouveau la balle à la Haute assemblée. La ministre reconnaît aussi que le calendrier est « extrêmement chargé », entre le texte sur la bioéthique et la PMA, le statut de l’élu, sans parler du budget à l’automne.

Plusieurs pas en faveur du Sénat, sans qui la réforme est impossible, ont pourtant été réalisés : réduction de 25% du nombre de parlementaires au lieu d’un tiers, un sénateur par département, non-cumul dans le temps appliqué au-delà de 9.000 habitants, suppression de la partie sur la réforme sur la procédure parlementaire.

« Entre 20 et 25%, on doit pouvoir trouver une solution qui convient à tout le monde »

Du côté du Sénat, on montre en cette fin d’été de bonnes dispositions. Sur la baisse du nombre de parlementaires, une promesse d’Emmanuel Macron, le président de la commission des lois du Sénat, le sénateur LR Philippe Bas, explique que la Haute assemblée est prête à discuter encore. « Les discussions doivent se poursuivre et les bases d’un accord peuvent être posées. A partir du moment où tout le monde admet la nécessité d’un lien démocratique fort entre parlementaires et territoire, on tombera d’accord sur le chiffre » affirme à pubicsenat.fr le sénateur de la Manche. Il ajoute :

« Sur les principes généraux, nous sommes tout près de nous entendre ».

Même sentiment de la part du centriste Hervé Marseille, président du groupe UC au Sénat, qui forme la majorité sénatoriale avec le groupe LR. « Sur le nombre, on n’est pas loin. Entre 20 et 25%, on doit pouvoir trouver une solution qui convient à tout le monde. Il faut tenir compte de la représentation des territoires, après l’épisode des gilets jaunes » estime le sénateur UDI des Hauts-de-Seine. Le socialiste Jean-Pierre Sueur estime au contraire qu’on pourrait se passer de ce point pour avancer. « Je ne vois pas l’intérêt de réduire le nombre de Parlementaires et par conséquent la proximité avec les Français. Cette question est dommageable car elle bloque et risque d’empêcher les réformes absolument nécessaires que sont l’indépendance du parquet (…), la suppression de la Cour de justice de la République, la fin de la présence des ex-Présidents au Conseil constitutionnel et l’inscription du climat dans la Constitution », points qui font consensus.

« La volonté d’une assemblée s’exprime dans le cadre du débat parlementaire »

Philippe Bas ne comprend pas en revanche la volonté de l’exécutif d’attendre pour inscrire le texte au Parlement. « Notre main est tendue. Il faut qu’à notre main tendue réponde une véritable volonté de discuter, sachant bien que la volonté d’une assemblée s’exprime dans le cadre du débat parlementaire » estime le président de la commission des lois, « maintenant, c’est au gouvernement de poursuivre le dialogue avec nous et d’engager le travail parlementaire, comme on le fait pour n’importe quelle loi ». Un autre sénateur s’étonne pour le moins du choix du gouvernement : « C’est bien la première fois que je vois un gouvernement demander que le texte d’une réforme soit approuvé avant d’avoir été débattu ! »

Sur Twitter, le président du groupe LR du Sénat, Bruno Retailleau, dénonce aussi ce choix clairement. Le ton est plus ferme.

Une volonté d’accord préalable qui ne dérange pas en revanche Hervé Marseille. « C’est pertinent. C’est bien de tenir compte de l’ensemble des points de vue. C’est positif de la part du gouvernement de chercher un accord et de ne pas vouloir imposer » salue le sénateur centriste, dont le groupe « est disponible pour discuter positivement avec le gouvernement ».

Le renouvellement intégral du Sénat en 2021 « pas acceptable »

Reste un gros point de blocage qui fâche tous les sénateurs : le gouvernement veut renouveler intégralement le Sénat en 2021, et non par moitié, comme prévu. Nicole Belloubet en fait « une exigence posée par le Conseil d’Etat ». Les prochains scrutins n’auraient pas lieu ainsi en 2020, puis 2023. Les sénateurs élus en 2014 verraient leur mandat prolongé d’un an, mais ceux élu en 2017 raccourci de deux ans. Et en 2021, une moitié ne serait réélue que pour 3 ans, au lieu de 6 ans, pour retrouver le décalage.

Philippe Bas « ne partage pas du tout le point de vue de la ministre sur cette question juridique », « cela renvoie à la nature même du Sénat. Il faut garder son caractère propre, non-aligné, son indépendance, il joue un rôle de contre-pouvoir ». Il est moins sensible aux tendances politiques du moment, en raison de ces scrutins décalés. L’ancien président de la commission d’enquête Benalla n’en fait cependant pas une ligne rouge. « C’est un sujet de discussion comme il y en a d’autres. Ce n’est pas politiquement important aux yeux des Français. Je pense que le gouvernement est tout à fait capable de l’entendre » selon Philippe Bas.

Pour Hervé Marseille aussi, ce renouvellement intégral « n’est pas acceptable ». Il ajoute : « C’est du bidouillage. Je pense qu’ils savent bien que c’est un chiffon rouge. C’est contre la nature même du Sénat. Ça fait partie de ce qui est sur la table pour discuter ». Autrement dit, il faudrait laisser un peu de grain à moudre pour la fin des négociations. Par ailleurs, un mode de scrutin ne peut être modifié moins d’un an avant une élection. Il faudrait trouver ainsi un accord en septembre 2020 au plus tard, ce qui n’est pas gagné…

« La vérité vraie, c’est qu’on n’est pas loin. Si on veut, on peut là »

Si le texte est inscrit malgré tout à l’ordre du jour un jour, il faudra attendre encore. « A mon avis, jusqu’aux municipales, ça ne devrait pas bouger. Ça viendra après. Et en plus, il faudrait découper les circonscriptions aussi… » souligne un sénateur avisé.

Mais le même estime qu’au fond, l’accord est proche : « Ils jettent la balle et la responsabilité un peu dans le camp du Parlement. Mais la vérité vraie, c’est qu’on n’est pas loin. Si on veut, on peut là. Le diable est dans les détails après… Mais globalement, voilà… ». Au micro du compte rendu du Conseil des ministres, Nicole Belloubet se montre aussi ouverte : « Nous ne sommes pas au bout des échanges que nous pouvons avoir. Le dialogue va continuer ». Mais sans se presser.

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