Réforme du logement : « Il y a des lignes rouges pour le Sénat », prévient Dominique Estrosi-Sassone (LR)

Réforme du logement : « Il y a des lignes rouges pour le Sénat », prévient Dominique Estrosi-Sassone (LR)

Le secrétaire d’Etat à la Cohésion des territoires, Julien Denormandie, a présenté, mercredi 13 juin, le projet de loi Logement au Sénat. L’occasion pour les sénateurs de rappeler leurs désaccords avec le gouvernement sur plusieurs points controversés du texte.
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Par Juliette Bénézit

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Le projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) – voté à l’Assemblée Nationale le 12 juin – doit faire son arrivée au Sénat dans les prochains jours. Dans la perspective de l’examen du texte par la chambre Haute, le secrétaire d’Etat, Julien Denormandie, est venu défendre les mesures de la réforme du logement élaborée par le ministre de la Cohésion des territoires, Jacques Mézard. Et les sénateurs n’ont pas manqué d’alerter le secrétaire d’Etat sur ce qui constitue pour eux des « lignes rouges » sur lesquels ils resteront inflexibles.

Parmi elles : la place des territoires dans la politique du logement qui est – d’après eux – en danger. « Les collectivités territoriales sont celles qui mettent en œuvre les politiques locales de l’habitat. Or, les communes sont oubliées : les grandes opérations d’urbanisme (GOU) seront autorisées non plus par le maire mais par l’échelon intercommunal », a déploré la rapporteure du texte au Sénat, Dominique Estrosi-Sassone (LR).

« Il y a dans ce projet de loi une tentative très nette de recentralisation. Nous sommes pour la territorialisation », selon Marc-Philippe Daubresse (LR)

Le sénateur Marc-Philippe Daubresse (LR) contre la diminution des pouvoirs du maire en matière de logement
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Dans le viseur des sénateurs, la création prévue par le projet de loi ELAN de deux outils dérogatoires au droit commun des opérations d’aménagement. D’une part, les PPA (projet partenarial d’aménagement) et les GOU (grandes opérations d’urbanisme) pourraient être autorisés par les présidents d’intercommunalité et non plus par les maires, comme c’est le cas aujourd’hui. D’autre part, les intercommunalités auraient la possibilité – après accord du préfet – de créer et gérer en lieu et place des communes des équipements publics relevant de leur compétence.

« Il y a dans ce projet de loi une tentative très nette de recentralisation. Nous sommes pour la territorialisation », a insisté le sénateur Marc-Philippe Daubresse (LR). Et d’ajouter : « Le permis de construire du maire, c’est un des fondamentaux de sa fonction. Si vous y touchez – même d’une main tremblante – vous nous trouverez en face de vous ».

« Les grandes oubliées sont les communes rurales », affirme Henri Cabanel (PS)

Autre demande des sénateurs concernant les territoires : que le projet de loi ELAN reprenne la proposition de loi « Pacte national de revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs », élaborée par les sénateurs Martial Bourquin (PS) et Rémy Pointereau (LR), et débattue en séance mercredi 13 juin au Sénat. Un texte qui prévoit plusieurs mesures pour redynamiser les villes – notamment rurales – en proposant une réduction de la fiscalité en centre-ville, une augmentation de l’offre de logement, ou la réduction du poids des normes qui – d’après eux – freinent l’installation dans des immeubles situés en centre-ville.

Une proposition de loi plus ambitieuse que l’actuel plan « cœur de ville » – mis en place par le ministère de la Cohésion des territoires pour revitaliser 222 villes moyennes – d’après Henri Cabanel (PS). « Dans votre projet, les grandes oubliées sont les communes rurales. Il faut mettre des moyens sur ces territoires-là et sur ces communes en particulier », a réclamé le sénateur socialiste.

« 65% des occupants du parc locatif social en Outre-mer sont des mères isolées : comment peuvent-elles devenir propriétaires ? », demande Catherine Conconne (PS)

La sénatrice Catherine Conconne (PS) considère impossible de vendre 40 000 logements sociaux par an
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Les dispositions du projet de loi ELAN relatives au logement social ont également rencontré une opposition assez nette des sénateurs. Concernant la volonté du gouvernement de vendre 40 000 logements sociaux par an à leurs locataires (contre 8000 aujourd’hui), il s’agit pour Dominique Estrosi-Sassone (LR) d’une demande tout simplement « impossible » à réaliser. « Du fait de la précarisation, les gens ne pourront pas acheter ou alors ça fera des copropriétés extrêmement dégradées », a déploré le sénateur communiste Fabien Gay. « 65% des occupants du parc locatif social en Outre-mer sont des mères isolées : comment peuvent-elles devenir propriétaires ? », a interrogé pour sa part la sénatrice socialiste Catherine Conconne.

Même son de cloche concernant l’objectif fixé par la loi ELAN aux bailleurs sociaux : que ceux qui gèrent moins de 15 000 logements se regroupent d’ici le 1er janvier 2021. Un délai jugé « trop court », par Dominique Estrosi-Sassone. « C’est une bonne date, mais il y a un certain nombre de cas pour lesquels ce n’est pas réaliste », a pour sa part concédé le secrétaire d’Etat Julien Denormandie.

« Il y aura de plus en plus de communes carencées », prévient Dominique Estrosi-Sassone (LR)

Les sénateurs se sont enfin inquiétés de l’objectif prévu par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU), qui impose aux communes un taux de 25% de logements sociaux d’ici 2025. « Il y aura de plus en plus de communes carencées », a prévenu Dominique Estrosi-Sassone (LR). « On demande souvent aux maires de faire du logement social mais parfois ils n’ont pas le foncier pour le faire. Il n’y a pas que des maires de mauvaise foi », a pour sa part tenu à souligner Marc-Philippe Daubresse (LR). Une position que n’ont pas partagée les sénateurs socialistes et communistes.

Une commission mixte paritaire en juillet

Signe qu’il n’y aura sans doute pas d’accord entre la position de l’Assemblée Nationale et celle du Sénat à l’issue de l’examen du projet de loi ELAN par la chambre Haute, la présidente de la commission aux affaires économiques, Sophie Primas (LR), a annoncé pendant l’audition la date de la future commission mixte paritaire qui aura lieu sur ce texte : elle est pour l’heure prévue le 31 juillet. « Je suis très inquiète », a confié Sophie Primas à ce sujet. « Il ne faut pas être dans la précipitation sur ce texte », a-t-elle martelé en fin de séance.

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