Réforme du lycée professionnel : « C’est un projet rétrograde » dénonce un responsable syndical

Réforme du lycée professionnel : « C’est un projet rétrograde » dénonce un responsable syndical

Ce mardi 18 septembre, l’ensemble des organisations syndicales de la vie professionnelle, dans une union rare, se sont mobilisées contre la réforme du lycée professionnel portée par Emmanuel Macron.
Public Sénat

Par Lucille Gadler

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Annoncée par Emmanuel Macron le 25 août dernier, la réforme de « transformation » du lycée professionnel a pour objectif de réduire le nombre de décrochages au sein de la filière et de favoriser l’insertion professionnelle des élèves. Car, comme l’a rappelé à l’Assemblée nationale ce 18 septembre la ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels Carole Grandjean, seul 1 élève sur 2 arrive à s’insérer professionnellement au sortir de son diplôme.

S’illustrant principalement par l’intensification de la présence des entreprises au sein des formations professionnelles ainsi qu’une augmentation de 50 % des périodes de formation en milieu professionnel (PFMP) la réforme du lycée professionnel a été vivement critiquée par l’ensemble des acteurs. Également dénoncée, l’adaptation de la carte des formations des lycées professionnels aux besoins des entreprises locales.

Avant même que ce mardi 18 octobre ne devienne une journée de mouvement de grève interprofessionnelle, l’ensemble des organisations syndicales des formations professionnelles avaient appelé à une mobilisation contre cette réforme.

« La journée s’annonce exceptionnelle, historique » a affirmé d’emblée Phillipe Dauriac, secrétaire national CGT éducation. En Charente, d’où il est originaire, la grève est majoritaire : 5 des 8 lycées sont aujourd’hui en grève et sur les 500 professeurs de lycées professionnels du département, 350 se sont déjà joints au cortège.

« Cette réforme repose sur le présupposé idéologique que les entreprises formeraient mieux »

Pour le responsable syndical et professeur en lycée professionnel, c’est l’idéologie même de la réforme qui pose problème à l’ensemble des acteurs : « Cette réforme repose sur le présupposé idéologique que les entreprises formeraient mieux que les lycées professionnels ». Exemple en est, la modification de la carte des formations proposées en lycée professionnel en fonction des besoins des entreprises locales : « C’est une vision à court terme. Ce qu’on favorise ici c’est l’employabilité immédiate des jeunes au détriment d’un projet qui s’inscrit comme réellement émancipateur. L’offre de formation devrait, au contraire, proposer des formations tournées vers l’avenir, en concordance vers les aspirations de la jeunesse comme l’écologie, les métiers du soin, le numérique ». Également, pour Phillipe Dauriac, « l’augmentation des PFMP de 50 %, sur le principe qu’elle formerait mieux est une erreur ». Sylvain Berthaud, secrétaire général au SGEN-CFDT, confirme ce point : « Cette volonté d’augmentation des stages en entreprise pose mal le problème de la réalité de voie professionnelle scolaire » précise -t-il.

« Il ne faut pas oublier le projet émancipateur sur lequel repose le lycée professionnel »

« Il ne faut pas oublier le projet émancipateur sur lequel repose le lycée professionnel » insiste Phillipe Dauriac. « La formation professionnelle ce n’est pas seulement la formation purement fonctionnelle. C’est également la formation de futurs citoyens. On ne peut pas transférer des jeunes, dont une grande partie est issue de milieux populaires, vers le milieu économique. La jeunesse a beaucoup plus à gagner à rester scolarisée ». « Supprimer du temps de cours, souligne-t-il, c’est aussi supprimer du temps d’enseignement de matières générales dont l’importance est fondamentale dans l’apprentissage ». « Avec cette réforme, on ne donne pas aux élèves la capacité de s’émanciper. Or l’objectif majeur de l’école, c’est de s’émanciper en tant qu’individu et en tant que citoyen ». Pour Sylvain Berthaud « il y a un rôle social, un environnement inclusif fort du lycée professionnel. Vouloir généraliser la formation à tous les élèves comme le fait le président Emmanuel Macron, c’est très simpliste comme réponse. Aujourd’hui la fonction du lycée professionnel doit être posée ».

« Un plan social qui ne dit pas son nom »

Pour Phillipe Dauriac, cette réforme est un « plan social qui ne dit pas son nom ». « On estime entre 8000 et 10000 les suppressions de postes avec cette feuille de route (Une histoire engagée de l’enseignement professionnel de 1984 à nos jours, Daniel Bloch, éditions PUG). C’est en réalité une réforme d’une envergure jamais égalée, qui vise à démanteler la voie professionnelle » accuse le secrétaire national CGT éducation. « La double tutelle ministérielle du ministère travail sur la ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels symbolise cette intention ». C’est un projet rétrograde sur tous les pans conclut-il. « Il n’y a pas de boussole claire quant au projet présidentiel » se désole de son côté le secrétaire général du SGEN-CFDT, Sylvain Berthaud.

« Cette réforme ubérise et enferme la jeunesse » a dénoncé dans l’hémicycle le député écologiste de la Loire-Atlantique, Jean-Claude Raux lors des questions au gouvernement du 18 octobre. Présente, la ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels Carole Grandjean a quant à elle confirmé le lancement de concertations avec l’ensemble des acteurs du lycée professionnel dès le 21 octobre prochain afin de « mener à bien cette réforme ».

 

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