Retraites : le gouvernement va-t-il allonger la durée des débats face à l’obstruction ?
C’est l’une des options qui est sur la table du gouvernement : allonger à trois semaines, voire plus, la durée d’examen en séance de la réforme des retraites. Un temps qui pourrait être nécessaire pour absorber la masse d’amendements et éviter le 49-3. Si les débats s’enlisent à l’Assemblée, le Sénat, peu adepte de l’obstruction, pourrait en profiter.

Retraites : le gouvernement va-t-il allonger la durée des débats face à l’obstruction ?

C’est l’une des options qui est sur la table du gouvernement : allonger à trois semaines, voire plus, la durée d’examen en séance de la réforme des retraites. Un temps qui pourrait être nécessaire pour absorber la masse d’amendements et éviter le 49-3. Si les débats s’enlisent à l’Assemblée, le Sénat, peu adepte de l’obstruction, pourrait en profiter.
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Ils n’iront pas au bout. L’examen du projet de loi sur la réforme des retraites patine en commission, à l’Assemblée nationale. La stratégie assumée d’obstruction menée par les députés La France insoumise fait son effet. Lundi matin, après une semaine, il restait encore 15.360 amendements à examiner sur les 22.000 de départs. Les travaux se terminent mercredi soir, il sera donc impossible d’aller au bout dans le temps imparti. Aucun apport de la commission ne sera retenu. C’est le texte du gouvernement qui sera donc examiné à partir du 17 février.

On peut, sans prendre de risque, imaginer que les débats dans l’hémicycle seront marqués à nouveau par une pluie d’amendements. Leur nombre total peut très bien dépasser celui de la commission. Quelles options s’offrent au gouvernement dans ces conditions ?

Allonger la durée des débats, avec trois semaines au lieu de deux, voire plus ?

Le gouvernement répète en long et en large qu’il ne souhaite pas recourir à l’article 49-3 de la Constitution, qui permet d’adopter un texte sans débat. Pour absorber le grand nombre probable d’amendements, une autre option s’offre à lui : allonger la durée des discussions.

Pour le moment, l’examen de ce texte, en procédure accélérée, est prévu pour deux semaines de débats, à partir du 17 février. « Le 49-3 n’étant pas du tout dans les tuyaux, l’idée, c’est de laisser sa chance au débat. Il y a deux, voire trois semaines consacrées au débat dans l’hémicycle » affirme-t-on de source gouvernementale à publicsenat.fr.

« A la base, c’est prévu pour deux semaines. Mais il y a une semaine de battement juste après. La possibilité d’ouvrir cette semaine-là (celle du 2 mars, ndlr) a été évoquée. Et on parle même d’ouvrir durant la trêve prévue pour les municipales, qui est un usage républicain » précise-t-on de même source. Traduction, rien n’oblige dans la Constitution à ne pas siéger avant le scrutin des municipales. Une telle décision serait prise en conférence des présidents.

Selon le calendrier parlementaire, la semaine du 2 mars est une semaine de l’Assemblée. Il est tout à fait possible d’échanger avec une autre semaine du gouvernement, comme cela se pratique parfois, permettant ainsi d’ouvrir une troisième semaine sur les retraites. La journée du jeudi 5 mars est en revanche une journée consacrée à la niche parlementaire de La France Insoumise, qui ne souhaitera peut-être pas la voir déplacée.

Quant à la suspension des travaux pour les municipales, elle a été décidée pour les semaines du 9 et du 16 mars. Une quatrième semaine d’examen sur les retraites est ainsi tout à fait possible, théoriquement, la semaine du 9 mars. Le seul risque : que quelques parlementaires candidats apprécient peu. Mais cette hypothèse d’une quatrième semaine semble moins probable.

Au Palais bourbon, du côté de la majorité présidentielle, on confirme que prolonger la durée des débats avant les municipales « est une option… Parmi d’autres ». Car il existe « plusieurs options, avec différents calendriers. Ce n’est pas calé ». Une autre possibilité serait de reprendre l’examen après les municipales, ou pourquoi pas aussi d’allier les deux options, s’il faut beaucoup de temps. Mais le décalage dans le temps ne peut être que limité pour tenir l’objectif d’une adoption définitive avant l’été. D’autant que le texte doit ensuite passer par le Sénat, entre fin avril et début mai.

Un 49-3 décidé en fin d’examen ?

Mais une autre source parlementaire reste plus prudente : « A ce stade, il n’y a rien de décidé » sur un allongement des débats, explique-t-on, d’autant qu’on ne connaît pas le nombre d’amendements qui seront déposés pour la séance. Si on reste autour de quelques milliers, c’est faisable. Si on dépasse les 100.000 amendements, comme déjà vu dans le passé, le 49-3 reprendra la cote. On sera fixé vendredi sur le nombre. Ce qui n’est pas possible « à l’heure actuelle », peut-il le devenir à l’avenir ? Après avoir laissé le temps au débat, le gouvernement peut très bien changer d’avis sur le 49-3, avec une communication qui visera à dénoncer l’irresponsabilité de l’opposition pour justifier son recours.

Recours au vote bloqué ?

Une autre option existe pour contraindre le débat, c’est le vote bloqué, via l’article 44-3 de la Constitution. Il permet au gouvernement « de demander à l’une ou l’autre assemblée de se prononcer par un seul vote sur tout ou partie du texte en discussion, en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par lui » selon le site de l’Assemblée. Il peut l’utiliser à tout moment de la discussion. « Les amendements peuvent toujours être défendus, mais sans explications de votes », précise Jean-Philippe Derosier. Ce qui ne résout qu’en partie la question de l’obstruction.

Le temps législatif programmé écarté

Sur le papier, une autre option aurait pu se présenter pour l’exécutif : le temps législatif programmé. Cette disposition vient d’une loi organique d’avril 2009, conséquence de la réforme constitutionnelle de 2008.

Un temps maximal pour l’ensemble des débats est ainsi fixé. « Ça donne un temps déterminé aux différents groupes, l’opposition bénéficiant de 60% du temps, réparti au prorata des groupes, et 40% pour les groupes de la majorité » explique Philippe Derosier, constitutionnaliste et professeur de droit public à l’université de Lille. « Mais l’effet négatif est que le Président de séance ne peut couper la parole. Donc si le groupe ne s’autodiscipline pas, on a des discours ennuyeux ».

Mais cette option a été écartée d’emblée. Car quand le délai entre le dépôt et l’examen d’un texte est inférieur à six semaines, ce qui est le cas sur les retraites, il suffit qu’un groupe d’opposition s’y oppose pour empêcher la procédure. Le temps législatif programmé n’a donc pas été demandé par le gouvernement.

Un enlisement des débats qui profitera au Sénat ?

Si les débats s’enlisent à l’Assemblée, c’est peut-être bien le Sénat qui pourrait en profiter. C’est du moins la thèse de Jean-Jacques Urvoas, ancien ministre de la Justice socialiste. « Pour le Sénat, l'enrayement de l'Assemblée est une chance incroyable. Une fois de plus, ce sera au sein du Palais du Luxembourg que s'écrira la loi » souligne, dans une tribune publiée par Le Parisien, l’ancien député. Point positif pour le Sénat : les conclusions de la conférence de financement, qui sera terminée, pourront nourrir les débats de la Haute assemblée. « Aucun enrichissement significatif ne sortira de l'Assemblée, le gouvernement préférant garder pour la seconde Chambre sa capacité de mouvement », ajoute encore Jean-Jacques Urvoas.

Un avis seulement en partie partagé par Jean-Philippe Derosier. « Oui, le Sénat peut être avantagé car les débats y seront plus sereins » pense le professeur de droit. La majorité sénatoriale refuse en effet l’obstruction, tout comme, le PS et, a priori, le groupe communiste (voir notre article). « Mais non, car ce sera le texte des LR qui sortira » souligne le constitutionnaliste. S’il sort. Car la majorité sénatoriale n’écarte pas l’idée de rejeter d’emblée le texte. Mais pour le Sénat, il semble difficile de ne pas imprimer sa marque sur ce qui est probablement la dernière grande réforme du quinquennat.

 

 

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