Hier, dans une tribune publiée dans Le Figaro, 100 sénateurs ont dénoncé le contenu du programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle. L’un des signataires de la tribune, Olivier Paccaud était invité de la matinale de Public Sénat. Le sénateur de l’Oise estime que cet enseignement ne doit pas être réalisé par des associations, mais par les parents ou par les enseignants.
Revoir le seuil de 18 ans pour l’inceste : « Une annonce qui donne de faux espoirs aux victimes », dénonce Annick Billon
Par Public Sénat
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« Je n’en peux plus de ces annonces ». Laurence Rossignol sénatrice PS ancienne ministre de la famille, de l’Enfance et des Droits des femmes préfère se contenter de commenter la forme et non le fond de la proposition d’Adrien Taquet.
Dans un entretien à l’AFP, le secrétaire de d’Etat en charge de l’Enfance suggère de revenir sur le seuil d’âge de non-consentement fixé à 18 ans pour l’inceste depuis la loi du 21 avril 2021 sur les crimes sexuels qui trouve son origine au Sénat. « De mon point de vue, ce seuil de 18 ans devra être revu. Quel que soit l’âge, on n’a pas de relations sexuelles avec son père, son fils ou sa fille ».
Pour mémoire, depuis la promulgation de la loi portée par la présidente de la délégation aux droits des femmes, Annick Billon (centriste), le juge ne cherche plus à évaluer le consentement dans des relations sexuelles entre un jeune de moins de 18 ans et un ascendant. La victime mineure est considérée comme non consentante, si le rapport sexuel est avéré. L’inceste devient alors un crime spécifique et non plus une circonstance aggravante du crime de viol ou des délits d’atteinte sexuelle ou d’agression sexuelle.
Lire notre article : Crimes sexuels sur mineurs : le Sénat adopte le texte à l’unanimité
« Il faut arrêter de prendre les parlementaires pour des gogos »
Or, en la matière, le gouvernement n’a pas toujours été constant. C’est la gauche du Sénat qui par voie d’amendement, en première lecture, avait déposé un amendement visant à criminaliser l’inceste. Le garde des Sceaux s’y était d’abord opposé avant de changer de pied 15 jours plus tard. (voir notre article)
« Depuis la loi Schiappa, en ce qui concerne les violences faites aux femmes, le gouvernement commence par dire non à nos propositions avant de les reprendre 3 mois plus tard, ça fait quatre ans que ça dure. On vient d’examiner le projet de loi relatif à la protection des enfants, la loi sur les crimes sexuels a été votée il y a moins d’un an. Nous n’avons plus de véhicule législatif et Adrien Taquet nous balance cette proposition. Ce n’est pas sérieux. Il faut arrêter de prendre les parlementaires pour des gogos », s’agace Laurence Rossignol.
« Faisons une pause dans notre arsenal législatif »
L’énervement est palpable également du côté d’Annick Billon, l’auteure de la loi sur les crimes sexuels. « On a voté cinq textes contre les violences faites aux femmes et la protection des mineurs. Certains ne sont pas encore mis en œuvre. Faisons une pause dans notre arsenal législatif et laissons les juridictions le temps de se les approprier. Il faut s’inscrire dans le temps long. Le gouvernement avait l’occasion de le faire dès 2018 avec la loi Schiappa. Il a choisi de ne pas inscrire de seuil d’âge de non-consentement pour les crimes sexuels sur mineurs. Nous l’avons fait. C’est un effet d’annonces en période électorale qui donnent de faux espoirs aux victimes », tance-t-elle.
« Le juge doit faire du cousu main, il faut être prudent »
Sur le fond, cette mesure se heurte aussi à une difficulté qu’avait relevée Marie Mercier, sénatrice LR et rapporteure de la loi sur les crimes sexuels sur mineurs. « C’est toujours le problème du beau-père qui arrive dans une famille où l’aînée est majeure ».
Éric Dupond-Moretti l’avait appuyée à l’époque. « Envoyer aux assises à l’emporte-pièce, pour le dire ainsi, ce n’est pas le but de la loi pénale », l’avait-il rappelé en première lecture.
« Mon combat, c’est que l’inceste soit un crime quel que soit l’âge. Et généralement, même si la victime est majeure, la relation incestueuse a commencé dès l’enfance. Mais les situations ne sont jamais aussi simples qu’elles en ont l’air, surtout dans les familles recomposées. Le juge doit faire du cousu main, il faut être prudent. Ce qui m’agace, c’est qu’on a l’impression que le gouvernement découvre ces choses aujourd’hui », note aujourd’hui, Marie Mercier.
Dans son interview, Adrien Taquet fait également état des difficultés rencontrées par les associations pour la mise en place de réunions d’information sur les violences sexuelles, dans les établissements scolaires.
« Les associations sont confrontées à des difficultés à rentrer dans les écoles : certains chefs d’établissement peuvent être réfractaires à ce que ces sujets soient abordés devant les enfants, ce sont des sujets qui font peur, pas qu’à la communauté éducative, aux parents aussi », relève-t-il.
« Je comprends que le monde éducatif soit réticent à aborder ces questions car il n’est pas forcément capé pour le faire. Mais par contre, les médecins, les psychologues, les infirmières scolaires, eux oui. Il faut mettre le paquet sur l’école et former a minima les enseignants sur le repérage des victimes d’agression sexuelles », répond Annick Billon.