« Révoltant », « policiers exaspérés » : les réactions des sénateurs après l’évacuation violente d’un camp de migrants à Paris
Le violent démantèlement du campement de migrants, hier, sur la place de la République suscite l’indignation dans les rangs de la gauche. La droite, majoritaire, pointe les conditions de travail des forces de l’ordre et la politique migratoire.

« Révoltant », « policiers exaspérés » : les réactions des sénateurs après l’évacuation violente d’un camp de migrants à Paris

Le violent démantèlement du campement de migrants, hier, sur la place de la République suscite l’indignation dans les rangs de la gauche. La droite, majoritaire, pointe les conditions de travail des forces de l’ordre et la politique migratoire.
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Par Héléna Berkaoui

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Les images sont brutales : tentes arrachées, migrants frappés, journaliste violenté. L’évacuation du campement éphémère installé place de la République (Paris), lundi soir, a provoqué une indignation sans précédent pour ce genre d’opérations. Le ministre de l’Intérieur a, lui-même, dénoncé des « images choquantes ». Une mauvaise publicité le jour où le vote solennel de la loi sécurité globale se tient à l’Assemblée nationale.

Au palais Bourbon, lors des questions au gouvernement, Gérald Darmanin a d’ailleurs confirmé l’ouverture d’une enquête de l’IGPN dont les conclusions devront être rendues publiques dans 48 heures. Le sénateur socialiste, Rachid Temal, a écrit au ministre de l’Intérieur pour que soient remis aux parlementaires les rapports du préfet de police de Paris et celui de l’IGPN « sans délai ». Le parquet de Paris a, par ailleurs, ouvert une enquête pour « violences » pour le cas d’un policier filmé alors qu’il faisait un croche-pied à un migrant.

« La dérive du maintien de l’ordre est accompagnée dans les paroles et dans les textes »

Ces violences « choquantes » et « révoltantes » interrogent la politique de l’accueil mais aussi celle du maintien de l’ordre pour le président du groupe écologiste au Sénat, Guillaume Gontard. « Ce qu’il s’est passé hier prouve qu’il est nécessaire d’avoir des images non floutées », pointe-t-il. La responsabilité du ministre de l’Intérieur qui porte « un discours dangereux » depuis sa nomination est aussi mise en cause. « La dérive du maintien de l’ordre est accompagnée dans les paroles et dans les textes », assure-t-il en référence à la loi sécurité globale.

L’indignation est également de mise pour la maire de Paris, Anne Hidalgo, qui s’est exprimée lors d’une conférence de presse de l’Association des maires de France (AMF). « Je dis attention, ce qui s’est passé hier, si je le mets en perspective avec le vote de l’article 24 de la loi sur la sécurité globale, ça veut dire qu’il y a un problème et un problème démocratique à l’arrivée » (voir ici).

L’article 24 de la loi sécurité globale prévoit de pénaliser d’un an de prison et de 45 000 euros d’amende la diffusion de « l’image du visage ou tout autre élément d’identification » de membres des forces de l’ordre en intervention, quand elle porte « atteinte » à leur « intégrité physique ou psychique ».

Dans les rangs de la droite, majoritaire au Sénat, le texte interroge plus sur la forme que sur le fond. Philippe Bas, sénateur LR de la Manche, juge la mesure « inapplicable et inconstitutionnelle », dans les colonnes du Monde. Elle constituerait de surcroît « un vrai marché de dupes pour les policiers, qui n’en retireraient aucune protection ! Et une atteinte à la liberté de la presse ». « Le Sénat devra le corriger », assure-t-il.

Bien moins catégorique, le président du Sénat, Gérard Larcher, déclare à ce sujet : « Nous aurons peut-être à préciser, dans le débat au Sénat, le moment venu, […] ça doit conforter les journalistes, me semble-t-il, et respecter leur mission qui est d’informer en toute liberté […] Je dis qu’il faut regarder, c’est l’intérêt du bicamérisme » (Voir ici). Le texte sera examiné par la Haute assemblée en janvier prochain.

« Dans ce climat, on a quand même intérêt à soutenir les postes régaliens »

Si elle émet des doutes sur la loi sécurité globale, la sénatrice centriste de l’Orne, Nathalie Goulet, soutient également la démarche : « Dans ce climat, on a quand même intérêt à soutenir les postes régaliens ». La sénatrice déplore le comportement des policiers le soir de l’évacuation mais souligne « la fatigue et l’exaspération » d’une profession qui fait face à « un mouvement d’hostilité d’une violence extrême ». Elle s’inquiète d’une « dégradation du climat général très inquiétante » dans une période frappée par une crise sanitaire, économique et sociale.

« C’est la résultante d’années de délabrement, il faut remettre les choses dans leur contexte, il faut voir l’état des forces de l’ordre, ça fait plus d’un an qu’ils n’ont pas arrêté notamment avec le mouvement des Gilets Jaunes », soutient Nathalie Goulet. Elle rappelle aussi le rapport sénatorial dirigé par le sénateur LR, François Grosdidier, mettant en lumière « le malaise extrêmement profond » d’une profession qui connaît un taux de suicide supérieur de 36 % à la moyenne nationale (lire ici).

Du côté de la sénatrice LR des Bouches-du-Rhône, Valérie Boyer, « la première violence est celle des migrants et des associations qui provoquent les autorités ». Elle ne comprend pas la réaction du ministre de l’Intérieur qui a parlé d’images « choquantes » et demandé un rapport circonstancié des faits « Ce qui est choquant, c’est la situation, c’est l’immigration non maîtrisée. Le ministre de l’Intérieur demande un rapport comme si des soupçons pesaient sur sa police », réagit-elle.

A gauche, l’indignation est ailleurs. Le sénateur socialiste de Paris, Bernard Jomier, réclame non pas un rapport mais la démission du préfet de police de Paris, Didier Lallement. La maire de Paris, Anne Hidalgo, a annoncé avoir écrit au ministre de l’Intérieur pour lui demander des explications. « A l’évidence, les solutions d’hébergement, suite au démantèlement de la semaine dernière en Seine-Saint-Denis, n’ont pas été à la hauteur », a-t-elle déclaré en rappelant que les migrants présents sur la place de la République étaient ceux pour qui aucune place d’hébergement n’avait été proposée le 18 novembre à Saint-Denis.

« Il faut se demander comment on en est arrivé là »

Sur BFMTV, le sénateur de la majorité présidentielle, Xavier Iacovelli, se dit également choqué en tant que parlementaire de banlieue parisienne : « On a délogé ces migrants de Paris et on les a renvoyés en banlieue […] c’est la Seine-Saint-Denis qui concentre déjà des problèmes sociaux très importants qui doit en plus récupérer ce nouveau problème ». Le sénateur des Hauts-de-Seine demande une solidarité de la part de la mairie de Paris et de l’Etat pour trouver une solution qu’une mise à l’abri ait lieu.

Depuis 2015, les démantèlements de camps de migrants se multiplient. Un éternel recommencement qui s’explique en partie par l’absence de solution d’hébergement durable. « Il faut se demander comment on en est arrivé là. Il faut réfléchir à la politique migratoire. On crée par ricochet de la délinquance en laissant ces personnes dans le dénuement », regrette l’écologiste, Guillaume Gontard.

L’examen de la mission asile et immigration dans le cadre du projet de loi de finances devrait à cet égard donner lieu à de vifs débats dans les prochains jours. D’ici là, une nouvelle mobilisation à l’appel des associations est prévue ce mardi soir sur la place de la République pour réclamer « une solution immédiate pour les migrants à la rue ».

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