Rodéos urbains : les sénateurs de droite dénoncent le « plan électoraliste et peu ambitieux » de Gérald Darmanin
Dans une note confidentielle, le ministre de l’Intérieur vient de sommer le patron de la police nationale de mener dès demain samedi « une cinquantaine d’opérations dans les zones impactées » par des rodéos urbains. Une initiative qui ne convainc pas les sénateurs qui ont déjà largement travaillé sur le sujet. Notamment avec l’adoption d’une proposition de loi en 2018, et qui, selon eux, ne serait que très peu appliquée.

Rodéos urbains : les sénateurs de droite dénoncent le « plan électoraliste et peu ambitieux » de Gérald Darmanin

Dans une note confidentielle, le ministre de l’Intérieur vient de sommer le patron de la police nationale de mener dès demain samedi « une cinquantaine d’opérations dans les zones impactées » par des rodéos urbains. Une initiative qui ne convainc pas les sénateurs qui ont déjà largement travaillé sur le sujet. Notamment avec l’adoption d’une proposition de loi en 2018, et qui, selon eux, ne serait que très peu appliquée.
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Le nouveau cheval de bataille du ministre de l’Intérieur ? L’éradication des rodéos urbains qui se sont multipliés ces dernières années à travers le pays et qui se terminent bien souvent de manière tragique. En témoigne encore il y a quelques jours, cet enfant de 10 ans renversé par un individu sans permis qui participait à une course sauvage à Strasbourg.

« Identifier et interpeller systématiquement »

Gérald Darmanin a donc adressé une note confidentielle mercredi dernier à Frédéric Veaux, le directeur général de la police nationale. Son contenu ? « Mettre en œuvre dès samedi et dans les semaines qui viennent, une cinquantaine d’opérations dans les communes ou les quartiers les plus impactés ».

D’autres consignes ont également été passées par le premier flic de France. A savoir : « Saisir systématiquement les deux roues et quads pouvant servir à commettre les rodéos », après un travail d’identification préalable des lieux de stockage, renforcer les contrôles autour et « sur les lieux les plus touchés en associant les effectifs de la police municipale et en recherchant une occupation massive et stratégique des axes ou espaces empruntés » ou encore « identifier et interpeller systématiquement les individus afin d’engager les poursuites pénales » appropriées.

« Des annonces populistes »

Des annonces que les sénateurs, qui ont assidûment travaillé sur le sujet dès 2017, jugent « trop tardives » et surtout « populistes et électoralistes » à deux jours du premier tour des élections régionales et départementales, et à moins d’un an de la présidentielle.

« Toutes ces annonces qui tombent comme par hasard maintenant, me laissent extrêmement perplexe. Ils veulent tout régler en quelques mois parce que les élections approchent, alors qu’ils n’ont absolument rien fait depuis le début du quinquennat », tacle Jacqueline Eustache-Brinio, sénatrice LR du Val-d’Oise, un département où les rodéos sont fréquents.

« Des cinglés qui mettent la vie des autres en danger »

Mais celle qui a été la rapporteure en 2018 de la proposition de loi au Sénat visant à « renforcer la lutte contre les rodéos motorisés », est persuadée que « ce réveil tardif de l’exécutif » n’y changera rien. « La seule mesure qui permettrait d’en finir avec les rodéos, c’est d’annuler la circulaire qui interdit que la police prenne en chasse ces délinquants routiers. Il faut les interpeller en flagrant délit », assure-t-elle. « A force de dire qu’on ne veut pas d’accident, et qu’on veut éviter des émeutes dans les cités, on a tout accepté. Mais ces mecs, ce sont des cinglés qui portent maintenant des cagoules noires comme des ninjas et qui mettent en danger la vie des autres », râle la sénatrice, connue pour son franc-parler.

« Les consignes, ce sont plutôt de laisser faire pour éviter que ça dégénère »

Un son de cloche que partage son collègue sénateur Vincent Delahaye et auteur de cette proposition de loi permettant de punir tous « ceux qui promeuvent et organisent des rodéos urbains » de deux ans de prison et de 30 000 euros d’amende.

« Les consignes ce sont plutôt de laisser faire pour éviter les accidents et que ça dégénère. Mais je ne suis pas sûr que de laisser faire, soit une bonne chose. Je ne dis pas qu’il n’y aura pas accident en cas de course-poursuite, mais il est souhaitable d’être plus rigoureux en la matière. Pour moi, il faut également renforcer les aménagements urbains. Ces gens aiment beaucoup les lignes droites dans les centres-villes pour aller le plus vite possible, mais si vous leur mettez des obstacles sur la route, comme des dos-d’ânes, je peux vous dire ça réglera une partie du problème », confie-t-il.

« C’est une action collective de l’Etat et des mairies qu’il faut »

Mais celui qui est parvenu à faire adopter son texte en juillet 2018 au Sénat, est conscient que cette loi anti-rodéos n’est pas suffisante. « Ma proposition de loi renforçait les moyens de saisie des véhicules et imposait des sanctions beaucoup plus dissuasives. Mais ça ne suffit pas car il n’y a pas assez de communication sur ce que risquent vraiment les auteurs. Au-delà des textes de loi, il faut surtout qu’ils soient appliqués. Les sanctions ne sont pas assez connues, il faut que les maires les communiquent partout dans leur commune, y compris dans les quartiers », lance Vincent Delahaye, qui souhaite « la mise en service de davantage de brigades motorisées pouvant intervenir à n’importe quel moment ».

« C’est une action collective qu’il faut mener. Entre l’Etat sur la répression et les maires sur le côté préventif et dissuasif, grâce également à la vidéo. C’est un plan à plusieurs niveaux qu’il nous faut. La force publique doit prévaloir », ajoute le sénateur centriste de l’Essonne, un département victime de rodéos quotidiens.

« Des mots forts mais des actes faibles »

A Lyon, où le phénomène a pris une ampleur plus importante ces derniers mois, notamment sur la place des Terreaux où les jeunes n’hésitent pas à venir narguer le nouveau maire écologiste Grégory Doucet sous les fenêtres mêmes de l’Hôtel de ville, on n’est pas dupes non plus des annonces de Gérald Darmanin.

« C’est un peu toujours la même chose avec ce gouvernement : des mots forts, des actes faibles. Rien de nouveau sous le soleil, donc avec cette note du ministre ! Les saisies de véhicules se font déjà, en général les individus sont retrouvés, et nous avons un procureur à Lyon qui est très actif sur ces questions-là », témoigne Pierre Oliver, le maire LR du 2e arrondissement de la capitale des Gaules, qui demande avant tout chose que « la loi de 2018 soit appliquée ».

Pour le jeune maire de cet arrondissement lyonnais en proie de plus en plus fréquemment à ce fléau, c’est surtout la diminution des effectifs de policiers municipaux et nationaux qui fait défaut.

« Nous avons un vrai problème d’effectifs de policiers nationaux et municipaux à Lyon. Mais ce sont surtout les caméras de vidéosurveillance que la majorité écologiste n’a pas très envie de développer davantage qui posent problème. On se retrouve avec des quartiers mal maillés en termes de caméras comme du côté de la Confluence, alors que ce sont des outils qui sont très efficaces dans l’éradication de ce phénomène », assure l’édile lyonnais.

Darmanin « attendu au tournant »

Les consignes passées par le ministère de l’Intérieur aux forces de l’ordre partout en France entreront donc en vigueur dès demain samedi et pour plusieurs semaines.

Tous les élus concernés par des rodéos urbains dans leurs communes devraient être très attentifs à leurs effets. « On attend le gouvernement au tournant, c’est le cas de le dire », prévient Jacqueline Eustache-Brinio.

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