Second tour des municipales en juin : le petit « oui » et le gros « mais » du Conseil scientifique

Second tour des municipales en juin : le petit « oui » et le gros « mais » du Conseil scientifique

Le second tour des municipales pourrait éventuellement être organisé fin juin, selon l’avis du Conseil scientifique. Mais en cas de retour de l’épidémie, il préconise « une nouvelle interruption du processus électoral » et demande de faire un point 15 jours avant le vote. Il alerte sur les « risques majeurs liés à la campagne électorale ».
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On l’attendait. Le Conseil scientifique a remis son avis sur l’organisation du second tour des élections municipales, reportées pour cause d’épidémie de Covid-19. Remis hier au premier ministre, il a été publié ce matin. Le second tour pourra-t-il être organisé en juin dans les 4.897 communes qui n’ont pas encore élu leur maire ? Pour les scientifiques, c’est un petit « oui », assorti d’un gros « mais ».

Ce « oui » est en effet loin d’être franc et massif. Car les mises en garde et recommandations sont multiples. A la lecture de cet avis, on sent par moments que les scientifiques ne sont pas loin d’exprimer un avis contraire en réalité. S’il peut être possible d’organiser le second tour, il devra être fait dans le « strict respect des règles sanitaires ».

« Difficile d’anticiper une situation incertaine pour les semaines à venir »

Mais à aucun moment ce conseil, présidé par Jean-François Delfraissy, écrit noir sur blanc qu’il est sage et sûr d’organiser le second tour fin juin – la date du 28 serait retenue par le gouvernement. Il ne cesse de rappeler combien il est difficile d’analyser la situation une semaine seulement après le début du déconfinement. Manière de dire que l’avis qui lui est demandé n’est pas évident à donner.

« Le 18 mai, huit jours seulement après la sortie du confinement, et compte tenu des connaissances actuelles sur l’état de l’épidémie en France, le Conseil scientifique considère que les modalités d’un second tour des élections municipales doivent être adaptées à la situation sanitaire du pays au moment des élections et de la campagne électorale qui les précède, pour autant que cette situation puisse être anticipée dans un contexte sanitaire qui reste encore très incertain. Ce contexte ne peut être considéré comme garanti au sens statistique d’une absence de risque » écrivent les scientifiques. On a connu plus grand enthousiasme…

Dans sa conclusion, le Conseil insiste encore sur ce point : « Le Conseil scientifique est amené avec humilité à rendre cet avis, le 18 mai, huit jours seulement après la sortie du confinement. Le Conseil scientifique tient à souligner que la situation sanitaire s’est nettement améliorée par rapport au début du confinement. Par contre, il est difficile d’anticiper une situation incertaine pour les semaines à venir ».

Le Conseil préconise de suspendre l’élection en cas d’« un nouveau confinement local »

Le Conseil renvoie clairement la responsabilité de l’organisation sur les pouvoirs publics. Il n’est là que pour les « éclairer ». Si le gouvernement, qui va consulter aujourd’hui les élus locaux et demain les partis politiques, décide dans ces conditions d’organiser le second tour fin juin, le Conseil préconise de refaire le point 15 jours avant le scrutin, quitte à tout annuler au dernier moment.

Les scientifiques soulignent combien il est aujourd’hui difficile de prévoir l’évolution de l’épidémie. « Il est encore trop tôt pour évaluer le niveau de circulation de SARSCoV-2 durant le mois de juin 2020. Les premières estimations ne seront sans doute disponibles que dans quelques semaines. Cette évaluation pourrait alors motiver, selon ses résultats, une nouvelle interruption du processus électoral » prévient le Conseil. « Dans les scénarios les moins favorables, qui ne peuvent être exclus à échéance de plusieurs semaines, une reprise de l’épidémie nécessiterait des mesures sanitaires plus strictes, pouvant aller jusqu’à un nouveau confinement local ou plus général en cas de reprise forte et accélérée de l’épidémie. De telles décisions seraient de nature à suspendre le processus électoral ».

En conclusion, « le Conseil scientifique appelle à tenir compte de la situation épidémiologique dans les 15 jours précédant la date décidée du scrutin, ainsi qu’à une surveillance soutenue 15 jours après le scrutin ».

La campagne électorale peut « accroître un risque plus général de reprise de l’épidémie »

La campagne électorale qui précède est clairement vue comme problématique. « Le Conseil scientifique souligne les risques sanitaires importants liés à la campagne électorale. Si des élections sont organisées, l’organisation de la campagne électorale devra être profondément modifiée » écrivent-il. Et d’insister :

Le Conseil scientifique souligne les risques majeurs liés à la campagne électorale et plus singulièrement aux meetings électoraux ainsi qu’aux actions des candidats ayant pour effet des rencontres ou des rassemblements physiques.

« La campagne électorale (…) peut exposer les personnes qui y participent à des risques renouvelés dans des conditions difficiles à sécuriser d’un point de vue sanitaire, et à accroître ce faisant un risque plus général de reprise de l’épidémie » ajoute encore le Conseil scientifique…

D’autres modalités de campagne « peuvent être envisagées, notamment à travers l’usage du numérique » selon les scientifiques, qui recommandent « le port du masque et d'une visière pour toutes les personnes participant à des opérations de campagne ». En tout état de cause, « les règles générales édictées par le Gouvernement ou les préfets pour le mois de juin, limiteront les rassemblements et les possibilités de faire campagne ». Pour le moment, les rassemblements de plus de 10 personnes sont interdits.

Port de masque « préconisé » pour les électeurs et « obligatoire » pour les membres du bureau du vote

Si le second tour est organisé, les règles seront encore plus strictes que lors du premier tour. Au moment du vote, « le port de masques est préconisé pour les électeurs, qui doivent pouvoir en disposer. Le port de masques chirurgicaux (et non de masques grand public) doit être obligatoire pour les membres du bureau et les personnes participant à l’organisation du scrutin ».

Une attention particulière doit être apportée lors du dépouillement, moment où de nombreuses personnes aveint semble-t-il été contaminé, le 15 mars. Il faudra cette fois « un nombre le plus limité possible de personnes ». « Le port de masques chirurgicaux doit être obligatoire pour les électeurs présents et assorti d’une visière de protection pour les scrutateurs et les membres du bureau de vote » précise l’avis.

Procuration conseillée pour les personnes à risque

On retrouvera du gel hydroalcoolique dans les bureaux de vote. « Seul l’électeur devra toucher sa carte d’identité », « l’usage de la carte électorale est inutile ». « Les électeurs doivent être encouragés à utiliser un stylo personnel ». Une paroi de protection en plexiglas pourra être installée pour « limiter l’effet de projection ». L’ouverture de portes ou fenêtres est recommandée pour « permettre l’aération et la ventilation du bureau de vote ». Les rideaux d’isoloir ne doivent pas être manipulés.

Le vote par procuration est une solution pour les « personnes à risque ». Le Conseil recommande que les directeurs d’Ehpad puissent jouer le rôle de délégué d’un officier de police judiciaire « afin de recueillir les demandes de procuration ». « Il est par ailleurs recommandé de prévoir une file permettant d’accueillir les personnes à risque » dans les bureaux de vote.

Le Conseil scientifique souligne enfin que « l’évaluation de la seule situation sanitaire ne prend pas en compte d’importants autres aspects plus généraux (régularité institutionnelle, effets sur l’abstention, sincérité du scrutin, légitimité des mandats exécutifs prolongés, etc.) ».

Certains candidats pourraient en effet estimer que le contexte entre le 15 mars et le 28 juin est différent, et ainsi créer une rupture d’égalité. Des recours ne sont pas à exclure. Mais sur ce point, le Conseil d’Etat avait estimé qu’il était encore possible d’organiser le second tour en juin, en présence d’un « cas exceptionnel ».

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