Sécurisation de la chasse : « Les solutions toutes faites n’existent pas », estime le rapporteur de la mission d’information du Sénat

Sécurisation de la chasse : « Les solutions toutes faites n’existent pas », estime le rapporteur de la mission d’information du Sénat

La mort d’une randonneuse de 25 ans, samedi lors d’une battue aux sangliers dans le Cantal, met une pression supplémentaire sur la mission d’information du Sénat sur la sécurisation de la chasse. La solution de jour sans chasse est plébiscitée par plusieurs candidats de gauche à la présidentielle, mais n’a pas les faveurs des élus de la chambre haute.
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En septembre dernier la mort d’un jeune homme dans le Lot, tué par balle par un chasseur pendant qu’il coupait du bois dans son jardin avait conduit au dépôt d’une pétition intitulée « Morts, violences et abus liés à la chasse » sur la plateforme du Sénat. Le succès de cette pétition avait conduit la Haute assemblée à mettre en place une mission d’information.

6 mois plus tard, un nouveau drame vient mettre un peu plus « la pression » sur les membres de la mission, comme le note Maryse Carrère, co-rapporteure (RDSE) de la mission. Samedi dernier, la mort d’une randonneuse de 25 ans, tuée par balle lors d’une battue aux sangliers dans le Cantal, a relancé les antagonismes entre pros et antis-chasse. Les candidats à la présidentielle, Yannick Jadot (EELV) et Jean-Luc Mélenchon (LFI) ont rappelé leur proposition d’interdire la chasse le week-end et les vacances scolaires. Instituer des jours sans chasse était d’ailleurs l’objet premier de la pétition.

Jour sans chasse : « Ce n’est pas une bonne idée »

Une solution qui n’est vraiment majoritaire au sein de la « chambre des territoires », traditionnellement pro-chasse. « A ce jour, rien n’est fermé », assure Maryse Carrère avant toutefois d’ajouter : « Nous avons eu des auditions qui nous ont fait penser que ce n’est pas une bonne idée ».

Mardi dernier, auditionnée par la mission d’information du Sénat, Bérangère Abba, secrétaire d’Etat à la Biodiversité avait estimé qu’il ne s’agissait « pas de la meilleure voie pour installer un débat serein et partagé dans des territoires qui connaissent différentes pratiques de chasse, alors même qu’il existe déjà […] à peu près partout en France, des jours sans chasse ». (Mais) « mettre en place une mesure de manière uniforme sur tout le territoire […] C’est sans doute une annonce un peu facile et pas la plus opérationnelle, ni la plus adaptée aux solutions locales », a-t-elle estimé.

Une application pour géolocaliser les actions de chasse

La secrétaire d’Etat a d’ailleurs annoncé devant le Sénat la mise en place « dans un futur très proche » d’une application recoupant les données de l’Office national des forêts (ONF). « Un outil ergonomique et qui va permettre à chacun en se géolocalisant, de savoir où et quand se déroulent des actions de chasse. C’est absolument nécessaire et ça peut permettre un apaisement des situations locales ».

Invité de la matinale de Public Sénat, « Bonjour chez vous », Sophie Primas, présidente LR de la mission a esquissé les différentes pistes vers lesquelles devrait diriger le Sénat. « Il y a des mesures à prendre sur la formation, la pratique, le partage de l’espace, les horaires d’utilisation de la forêt ». Comme la Secrétaire d’Etat, Sophie Primas appelle à « décentraliser la réflexion sur les moments et les lieux de chasse ». « Il y a d’ailleurs des endroits en Ile-de-France où il est d’ores et déjà interdit de chasser le week-end dans les forêts domaniales, par exemple ».

« Si la mission ne propose pas de jour sans chasse, elle ne sera pas crédible »

Mais pour le sénateur écologiste, Daniel Salmon « si la mission ne propose pas de jour sans chasse, elle ne sera pas crédible ». Et quant à l’appli permettant de géolocaliser les chasseurs que souhaite mettre en place le gouvernement, elle est loin d’être suffisante selon lui. « S’il faut avoir bac plus 7 pour pouvoir se promener le week-end, on n’est pas sorti de l’auberge ».

L’élu d’Ille-et-Vilaine va toutefois moins loin que son candidat à la présidentielle. « Yannick Jadot propose le week-end entier sans chasse. Moi, je propose que la chasse ne soit autorisée que le samedi matin. Ça permettrait au milieu rural de retrouver la paix ».

L’autre rapporteur de la mission sur la sécurisation de la chasse, Patrick Chaize (LR) n’est pas chasseur « je n’ai jamais touché une arme de ma vie ». Ça ne l’a pas empêché d’être mis en cause, lors d’une audition, par Yves Verilhac, directeur général de la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) du « lobby cynégétique ». « Il a dit ça parce que j’ai voté en faveur de la chasse à la glu. Mais ça n’a rien à voir avec les problèmes de sécurité liés à la chasse. J’ai trouvé ça gratuit de mettre en cause mon intégrité de cette façon », estime aujourd’hui Patrick Chaize qui assure faire « un travail sérieux, à l’écoute des uns et des autres ». « Les solutions toutes faites n’existent pas. Si on institue un jour sans chasse, ça veut dire qu’on interdit les autres activités les jours de chasse. Si demain, on durcit les règles de la chasse, les chasseurs vont s’enfermer dans leur domaine et on sait à quel point l’engrillagement des espaces naturels est un désastre pour la biodiversité », souligne-t-il.

« Ce n’est pas possible d’en rester là »

Qu’à cela ne tienne, le président du groupe écologiste du Sénat, Guillaume Gontard veut « continuer de mettre la pression ». « La France est l’un des seuls pays européens à autoriser la chasse sept jours sur sept. Ce n’est pas possible d’en rester là. Je rappelle que Sénat s’est saisi du sujet face à la pression citoyenne d’une pétition qui a rassemblé 122 000 signatures. Que ce soit Barbara Pompili (ministre de la Transition écologique), Bérangère Abba ou les membres de la mission, ils ne vont pouvoir continuer à évacuer ce sujet continuellement ».

Et si le bilan statistique des accidents de chasse est à la baisse (7 mortels en 2020-2021), « on ne peut pas se satisfaire d’« un quota de morts », s’indigne Guillaume Gontard.

La mission d’information du Sénat rendra ses conclusions au début de l’été.

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