Sénateurs et députés LR vont mieux se coordonner, après des divergences sous la précédente mandature

Sénateurs et députés LR vont mieux se coordonner, après des divergences sous la précédente mandature

Pour peser sur les travaux législatifs dans un contexte difficile pour la Macronie, les Républicains veulent davantage se coordonner, au travers de rencontres bilatérales régulières. Une façon d’éviter les discordances parfois brouillonnes apparues durant le premier quinquennat.
Guillaume Jacquot

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Nouvelle réplique sismique des élections législatives. La configuration inédite de l’Assemblée nationale amène le gouvernement, réduit au soutien d’une majorité relative, mais aussi les oppositions, à changer leur logiciel. Les Républicains, qui pourraient avoir un rôle stratégique dans l’adoption des futurs textes, sont aux premières loges de ce fait politique. Comme nous l’expliquions vendredi, Les Républicains vont aborder les futures commissions mixtes paritaires en position de force. Dans ces instances où députés et sénateurs tentent d’aboutir à une version commune d’un texte de loi, le poids des députés acquis à Emmanuel Macron a reculé, confortant de fait la voix de la droite. Bref, Les Républicains ont une carte à jouer, à condition d’accorder les violons de leurs deux groupes parlementaires.

Si le dialogue existait déjà dans entre les deux groupes LR, cela n’a pas empêché députés et sénateurs de travailler parfois en vase clos, quitte à faire apparaître parfois des divergences spectaculaires d’une chambre à l’autre. « Si on veut peser, il va falloir harmoniser les choses. On a besoin d’échanger davantage avec les collègues de l’Assemblée nationale. Dans le contexte actuel, c’est indispensable. On ne peut pas passer à côté de ça », plaide le sénateur Alain Cadec.

« On se voyait très peu. Les torts sont peut-être partagés »

« On se voyait très peu. Les torts sont peut-être partagés. Il faut revenir à quelque chose de plus juste, et plus qu’une cohésion », appuie également Laure Darcos, sénatrice de l’Essonne. Sous l’impulsion de Bruno Retailleau, le président de la droite sénatoriale, et d’Olivier Marleix, son homologue à l’Assemblée nationale, les deux collectifs parlementaires s’apprêtent à travailler en plus étroite collaboration, pour éviter à l’avenir une cacophonie. Le mouvement avait déjà germé en 2020, quand Bruno Retailleau et Damien Abad avaient assisté l’un et l’autre à des réunions de groupe à l’Assemblée et au Sénat. Bruno Retailleau et Olivier Marleix ont déjà envoyé un signal en publiant une tribune commune, la semaine dernière dans Le Figaro.

« Il est prévu que les instances dirigeantes des groupes à l’Assemblée nationale et au Sénat se voient de manière régulière, de manière à coordonner le travail bilatéral, fait au niveau des commissions pour chaque texte, et à avoir des positions communes », fait savoir la sénatrice Christine Lavarde.

Un rendez-vous formel réunira les cadres des deux groupes au moins deux fois par mois, voire à un rythme plus soutenu si les circonstances l’exigent. Ces entrevues, où sera abordée la ligne générale, seront complétées par des prises de contacts plus souples, à l’occasion de chaque texte débattu, entre un rapporteur au Sénat et le chef de file concerné à l’Assemblée nationale. « Cela existait déjà, on ne le découvre pas aujourd’hui », tient à préciser Christine Lavarde. Généralement, ces échanges avaient lieu directement en amont d’une commission mixte paritaire.

« Le lien avec les sénateurs sera différent »

La nouvelle donne politique va rendre indispensable l’harmonisation des travaux. « Dans la mandature précédente, le groupe LR à l’Assemblée nationale était dans l’opposition », explique le sénateur Alain Milon, président de la commission des affaires sociales de 2014 à 2020. Ces cinq dernières années, les amendements LR à l’Assemblée nationale avaient peu de chances de succès, face au fait majoritaire de La République en marche. Tout change dans une situation de majorité relative. « Le lien avec les sénateurs, qui avaient un positionnement plus constructif, sera différent », s’attend Alain Milon.

Au cours des cinq années écoulées, les deux groupes LR se sont illustrés épisodiquement par des votes radicalement différents. Au moment du premier déconfinement, en mai 2020, les sénateurs LR ont approuvé le principe d’une application de traçage numérique (dénommée « Stop Covid » à l’époque), quand leurs homologues présidés par Damien Abad la rejetaient quasiment en bloc. Ce ne sera pas le premier hiatus entre députés et sénateurs LR sur les textes sanitaires.

Une autre divergence spectaculaire est apparue à l’été 2019, à l’occasion des débats sur la proposition de loi Avia, destinée à lutter contre la haine en ligne. Le texte polémique avait été soutenu par les trois quarts des députés LR, à l’issue de la première lecture à l’Assemblée. Cinq mois plus tard, la droite sénatoriale a totalement refondu le texte, retirant la possibilité pour les plateformes de s’arroger un droit de censure. Lors de la dernière lecture, après un rétablissement des dispositions initiales par la majorité présidentielle, les députés LR se sont finalement opposés.

Stratégies différentes au moment d’un vote de confiance en 2019

À d’autres reprises, les deux groupes LR ont manqué de cohérence. Par exemple, en 2018, l’Assemblée nationale, sur proposition du groupe LR, introduisait la possibilité de recourir à un médecin de ville au lieu d’un médecin du travail pour la visite d’embauche d’un apprenti. Lors de son passage en commission des affaires sociales au Sénat, cette disposition du projet de loi sur l’avenir professionnel a été retirée, là aussi via un amendement LR.

La même année, dans une réforme judiciaire, le Sénat introduisait une disposition permettant à une victime de connaître le statut carcéral de son agresseur. Cet amendement LR a été retiré en commission des lois à l’Assemblée nationale, à la faveur d’un amendement LR, une fois encore. Les deux familles se sont également un peu déchirées sur le sort à réserver à la dose de proportionnelle dans le projet de réforme constitutionnelle.

Ces différentes approches, observables sur des amendements précis, se sont aussi étalées au grand jour sur des scrutins bien plus symboliques. La déclaration de politique générale d’Edouard Philippe de juin 2019 en est un bon exemple. Les députés LR ont pour la plupart voté contre (81 contre, 22 abstentions) la prestation du Premier ministre. Refusant de « tomber dans le piège », le groupe LR sénatorial a préféré se diriger vers une abstention (132 abstentions, 10 contre, 1 pour).

Le budget rectificatif, débattu cet été, constituera le premier test des nouvelles relations entre les députés LR et les sénateurs LR. La sénatrice Christine Lavarde, en tant que « whip » (coordinatrice) des sénateurs LR à la commission des finances, devra multiplier les contacts avec la députée Véronique Louwagie, pour arrêter une stratégie commune. Il sera sans doute difficile pour elles de s’accorder sur tout. Olivier Marleix, dans un courrier transmis à Matignon, propose un plafonnement des carburants à 1,50 euro le litre. Les figures LR de la commission des finances du Sénat n’ont pas été emballées.

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