Sénatoriales : le sprint des primo-candidats à cinq semaines des élections

Sénatoriales : le sprint des primo-candidats à cinq semaines des élections

Il s’agit de la campagne des sénatoriales la plus courte et la plus atypique de la Ve République. Les primo-candidats n’ont plus que cinq semaines pour tenter de trouver une place au palais du Luxembourg. Mais tous ne partent pas avec les mêmes chances.
Public Sénat

Par Hugo Lemonier

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À présent, il compte les jours, 38 avant l’élection. 38 jours pour toquer à la porte des 266 communes de son département. Mais, l’actuel président du département de la Vienne, Bruno Belin, candidat de la droite adoubée par le sénateur sortant, Alain Fouché, présente un avantage de taille : « Je n’ai pas besoin d’un GPS pour trouver une mairie ou d’une photo pour reconnaître un maire. »

Voilà plus de vingt ans que ce proche de Jean-Pierre Raffarin sillonne les routes de la Vienne : « C’est un exercice que je connais bien. Je suis allé dans 240 des 266 communes au cours de mon mandat de président de département », précise-t-il.

Mais il lui a fallu s’organiser dans l’urgence. Jusqu’à début juin, le gouvernement parlait encore d’un hypothétique report à l’année 2021. Les maires ont été élus jusqu’au 4 juillet, les intercommunalités jusqu’au 18 juillet. Et le sénateur sortant de la Vienne, Alain Fouché, n’a fait part de son intention de ne pas se représenter qu’au début du mois.

« J’ai donc commencé à appeler chaque maire du département à la fin du mois, afin de me présenter », raconte Bruno Belin. « C’est la moindre des choses lorsque l’on se porte candidat, même quand on est identifié. D’autant que dans la Vienne, il n’y a que deux sièges. C’est un scrutin uninominal, donc la campagne est nécessairement très personnelle. »

« Je dois tout connaître » avant chaque réunion

Et, dès son premier rendez-vous avec une quinzaine d’élus, ce mercredi 19 août, Bruno Belin comprend que cette campagne sera définitivement atypique : « D’ordinaire, quand on va dans des communes en début de mandat municipal, il règne une forme d’euphorie. On vous dit : "On a des projets, comment pouvez-vous nous aider à les réaliser ?" Tandis que maintenant, on me demande : "Mais qu’est-ce qui va nous arriver ?" »

Raison de plus pour « travailler les dossiers » avant chaque réunion : « Je dois tout connaître, explique Bruno Belin. Quelle route va poser problème dans telle commune ? Où y a-t-il des problèmes de couvertures en termes de téléphonie mobile ? Où manque-t-il des professionnels de santé ? »

L’élu part grand favori et revendique déjà le soutien de 151 maires du département. Mais tous les primo-candidats n’ont pas la chance d’être aussi bien connus des grands électeurs, qui éliront les sénateurs, le 27 septembre prochain.

« Je n’ai pas de carnet d’adresses comme la liste d’en face »

Imen Cherif, cheffe de file d’une liste composée de personnes issues de la société civile dans les Alpes-Maritimes, le sait : « Cela va être un combat difficile, ne serait-ce que pour obtenir une seule voix. » À 28 ans, cette ancienne conseillère municipale de droite, à la mairie de Grasse, compte incarner « la diversité et la jeunesse » et apporter une « plus grande parité à la haute assemblée ».

La jeune femme ne part pas de nulle part. Lauréate du prix Lépine 2016 pour une « bague anti-braquage », elle avait bénéficié du soutien de nombre de grands élus de droite du département. Parmi eux, Christian Estrosi ou encore Éric Ciotti. « Mais je n’ai pas de carnet d’adresses comme la liste d’en face », admet Imen Cherif.

« On ne peut pas se voir compte tenu du contexte sanitaire »

Dans sa circonscription, la candidate doit rivaliser avec la sénatrice sortante, Dominique Estrosi Sassone, « une femme d’expérience au très beau parcours politique », que respecte Imen Cherif. Celle qui compte « travailler main dans la main » avec la liste LR, si elle est élue au Sénat, vise les 2 000 grands électeurs de sa circonscription qui « souhaitent voir l’arrière-pays des Alpes-Maritimes être mieux représenté » : « L’autre liste est davantage ancrée dans l’agglomération niçoise », souligne-t-elle.

Mais mener une campagne éclair en temps de crise du coronavirus est « beaucoup plus difficile » qu’à l’ordinaire : « Ça m’est arrivé qu’un maire d’une ville du département me dise : "On ne peut pas se voir compte tenu du contexte sanitaire". » Le taux de positivité au Covid-19 est grimpé en flèche dans les Alpes-Maritimes, passant par exemple de 1,2 à 6, en seulement quelques jours à Nice.

Une entrée en campagne à cinq semaines du scrutin

« Ça va être un marathon », convient Patrice Panis, maire de Lédergues, vice-président de sa communauté de communes, dans l’Aveyron. L’élu local, qui se présente en binôme avec Florence Cayla, elle aussi maire et vice-présidente d’agglomération, se donne pour objectif de « faire le tour des 285 communes du département, en respectant les gestes barrière et les mesures de distanciation sociale ».

Mais le candidat, qui se revendique proche de la majorité présidentielle, devra aussi compter sur « les moyens de communication numérique pour démultiplier les contacts avec les grands électeurs » : « Alors est-ce qu’on est à l’aise ? La réponse est non. Est-ce qu’on va y arriver ? On va faire du mieux que l’on peut ! », s’encourage Patrice Panis.

Son binôme, Florence Cayla, et lui, font face au vice-président du conseil départemental, Jean-Claude Anglars (LR), déclaré depuis début juillet. Eux n’ont pu se positionner que quelques semaines plus tard : « Jusqu’à présent on était pas mal sollicité dans nos collectivités respectives, entre les élections municipales et intercommunales, explique-t-il. Notre entrée en campagne a donc été un peu tardive. »

Patrice Panis s’est aussi donné quelque temps pour « mûrir [leur] décision avant de prendre [leur] bâton de pèlerin ». Sa déclaration de candidature est parue sur Twitter le 18 août… à cinq semaines des élections sénatoriales.

« Un avantage » aux sortants

« Un scrutin vraiment atypique », en convient Yves d’Amécourt. L’ancien porte-parole de François Fillon, chargé de l’agriculture et du monde rural en 2017, n’en est pourtant pas à ses premières sénatoriales. Il figurait en septième position de la liste d’union de la droite et du centre, aux côtés de Nathalie Delattre, qui a aujourd’hui rejoint les rangs du groupe RDSE. Aujourd’hui, l’unité n’est plus de mise : les ex-colistiers se présentent chacun en leur nom.

« Alors évidemment, les sénateurs sortants ont un avantage car ils ont autour d’eux un cabinet », remarque Yves d’Amécourt qui, malgré ses deux mandats de maire et de communauté de commune, est toujours « en train de collecter les coordonnées des 3 500 grands électeurs ».

« J’aurais souhaité qu’on décale les sénatoriales au mois de décembre », Yves d’Amécourt

L’élu se prépare pourtant depuis l’automne 2019. Au mois d’octobre, il annonce à ses administrés qu’il renonce à se représenter pour un troisième mandat : « Je me voyais mal leur dire six mois plus tard que je candidatais pour le Sénat », raconte-il. « Et, dans mon for intérieur, je m'étais promis de faire deux mandats, et pas un de plus. »

Mais aurait-il seulement pu imaginer qu’une épidémie paralyserait le pays ? « J’aurais souhaité qu’on décale les sénatoriales au mois de décembre », explique Yves d’Amécourt, qui avait créé durant le confinement le collectif « 50 millions d’électeurs ». L’association avait déposé une question prioritaire de constitutionnalité, début juin, pour demander le report des élections municipales.

Pour contrebalancer cet handicap, le viticulteur va notamment mobiliser son réseau d’exploitants agricoles, afin de porter une « autre façon de faire de l’écologie, beaucoup plus proche de la réalité du terrain ». Yves d’Amécourt compte pour le moment deux soutiens : le Mouvement de la ruralité et le Nouveau centre. Mais, il a fait ses calculs, il va lui falloir réunir « entre 350 et 450 voix, c’est-à-dire entre 10 et 15 % des grands électeurs » pour avoir sa place au palais du Luxembourg.

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