Séparatisme : le Sénat autorise la fermeture des lieux de culte incitant « à la haine ou à la violence »
La mesure, issue du projet de loi sur le séparatisme du gouvernement, permet de fermer pour deux mois un lieu de culte si des « propos », « idées ou théories » provoquant « à la haine ou à la violence » y sont tenus ou diffusés.

Séparatisme : le Sénat autorise la fermeture des lieux de culte incitant « à la haine ou à la violence »

La mesure, issue du projet de loi sur le séparatisme du gouvernement, permet de fermer pour deux mois un lieu de culte si des « propos », « idées ou théories » provoquant « à la haine ou à la violence » y sont tenus ou diffusés.
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« Dommage qu’il arrive à 23h27, mais c’est sûrement un des articles les plus centraux de ce texte ». Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, parle de l’article 44 du projet de loi confortant le respect des principes de la République. Il prévoit d’autoriser la fermeture temporaire d’un lieu de culte « dans lesquels les propos qui sont tenus, les idées ou théories qui sont diffusées ou les activités qui se déroulent, provoquent à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes ». La fermeture serait prononcée par le préfet ou, à Paris, par le préfet de police.

Après avoir commencé à en débattre jeudi dernier, peu de temps avant la suspension de séance à minuit, les sénateurs ont adopté ce lundi cette disposition, dans le cadre de l’examen du texte sur le séparatisme.

Darmanin veut pouvoir « faire fermer les lieux de culte de façon temporaire, le temps de faire le ménage »

Aux yeux de Gérald Darmanin, cette mesure est aujourd’hui indispensable. « Le ministre de l’Intérieur ne peut actuellement faire fermer des lieux de culte, qu’à deux conditions » : soit au titre « des établissements recevant du public, via le droit de l’urbanisme par exemple, une porte qui ferme mal ou le risque incendie. […] C’est l’essentiel des dispositions que nous utilisons aujourd’hui ». Soit sur « le fondement de la loi SILT, quand le lieu de culte est directement lié à un attentat terroriste qui a eu lieu », comme dans « le cas de mosquée de Pantin », après l’assassinat de Samuel Paty, a expliqué le ministre.

« Mais je n’ai pas les moyens de faire fermer des lieux de culte de façon temporaire, […] le temps de faire le ménage, si j’ose dire, chez les responsables, dans les actes ou les paroles commis dans ces lieux. Je ne peux faire fermer aucun lieu de culte où un responsable aurait dit que les juifs sont à exterminer, que les chrétiens sont des mécréants, que les femmes sont l’inégal des hommes et qu’on se transforme en porc quand on écoute de la musique. Nous pouvons poursuive ces personnes judiciairement, mais nous ne pouvons pas faire fermer le lieu de culte », a regretté Gérald Darmanin (voir la vidéo).

Pour y remédier, cet article « extrêmement important » « vise à donner cette arme contre le séparatisme, qui n’est pas en lien direct avec un attentat terroriste, mais en lien direct avec ce que nous essayons de combattre, cette atmosphère contre la République, la France. Et quand on a des propos comme ceux-là, qui provoquent à la haine, la violence, l’incitation à la sédition, il faut qu’on puisse faire fermer ces lieux de culte ». Ce nouvel outil « permettra de répondre aux interrogations des manchettes des journaux : « On a 100 lieux de culte séparatistes, pourquoi on ne les ferme pas ? », poursuit le locataire de la Place Beauvau. Ce qu’il s’empressera de faire une fois la loi votée. Lors de son audition par la commission, Gérald Darmanin avait assuré vouloir contrôler « les 89 lieux de culte séparatistes », dès que sa loi serait promulguée.

« Une durée de fermeture de trois mois sera censurée par le Conseil constitutionnel » selon Darmanin

Sur le fond, la rapporteure LR, Jacqueline Eustache-Brinio, partage l’objectif du ministre. Lors de l’examen en commission, elle a cependant « précisé » les motifs en réduisant quelque peu l’article. Mais l’essentiel est là. Autre différence : la sénatrice a porté la fermeture temporaire à trois mois, quand le texte du gouvernement prévoit deux mois. « Une durée de trois mois nous semble plus opérationnelle et plus proportionnée » a défendu Jacqueline Eustache-Brinio. Mais lundi, en séance, un amendement du gouvernement ramenant la durée à deux mois, a été adopté de justesse. Les sénateurs ont par ailleurs limité dans le temps le dispositif, le rendant applicable jusqu’au 31 décembre 2026.

« Une durée de trois mois sera censurée par le Conseil constitutionnel », a mis en garde Gérald Darmanin, « c’est pour ça que nous avons mis deux mois, qui sera sans doute validé ». La toute première version du texte prévoyait même « quinze jours ». Il précise que ces deux mois peuvent être « renouvelés ». Pour le ministre, sa version du texte constitue au final « un point d’équilibre ».

« Qu’est-ce que c’est que sanctionner des idées ? Ce n’est pas possible »

« Nous soutenons cette disposition » a assuré, sur la gauche de l’hémicycle, le sénateur PS Jean-Yves Leconte, mais il a mis en garde contre une écriture « trop subjective » de l’article, qui fait référence aux « idées ». « Qu’est-ce que c’est que sanctionner des idées ? Ce n’est pas possible. Les idées sont dans notre for intérieur. […] Il y a un vrai problème théorique à sanctionner des idées », a enchaîné son collègue socialiste Jean-Pierre Sueur. « Laissons-les vivre ou combattons-les. Mais on les combat par des mots. Je ne vois pas comment on pourra sanctionner une substance appelée idée et qui serait dépourvue de tout langage », a argumenté le sénateur PS du Loiret.

Le ministre de l’Intérieur lui a fait remarquer que l’article parle des « « idées ou théories qui sont diffusées », donc elles sont bien matérialisées par un écrit ou une parole ». Pour Gérald Darmanin, « il ne s’agit pas de faire la police à l’intérieur des esprits ». Mais bien à l’intérieur des lieux de culte.

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