Le ministre de l’Intérieur réfléchit à « une nouvelle incrimination pénale » visant l’islam politique. « L’islam politique est le principal obstacle à la cohésion de notre pays », soutient la sénatrice LR Jacqueline Eustache-Brinio. La centriste Nathalie Goulet conseille d’appliquer déjà le droit existant et de contrôler le financement des associations. A gauche, l’écologiste Guy Benarroche pointe l’absence de données chiffrées sur le sujet et la socialiste Corinne Narassiguin dénonce « une vision à géométrie variable de la laïcité ».
Simone de Beauvoir et le féminisme : itinéraire d’une évolution
Par Hugo Ruaud
Publié le
Le 5 avril 1971, le Nouvel Observateur publie en « Une » le nom de 343 salopes. Ce manifeste, qui appelle à la légalisation de l’avortement, a été rédigé par Simone de Beauvoir et cosigné par plusieurs centaines de personnalités féminines. L’idée : rappeler que le corps des femmes n’est toujours pas libre de la domination patriarcale. 50 ans plus tard, ce manifeste incarne encore ce que représente Simone de Beauvoir dans l’imaginaire collectif : une femme résolument engagée dans le combat féministe. Seulement, ce regard porté a posteriori est en partie erroné, faisant fi de la complexité de sa personnalité et de l’évolution constante qu’elle a eue dans son approche du féminisme.
Le Deuxième sexe « n’est pas un livre militant »
Simone de Beauvoir ne s’est pas toujours revendiquée féministe. Mais a-t-on besoin de se revendiquer comme appartenant à un mouvement d’émancipation pour l’embrasser ? L’exemple du « Deuxième sexe » - son œuvre la plus célèbre, est éloquent. « Quand on lit le deuxième sexe, il est très clair que Simone de Beauvoir ne se reconnaît pas dans le féminisme à ce moment-là. Elle considère que le féminisme n’a jamais, et ne constituera jamais un mouvement autonome », explique Françoise Picq, spécialiste de l’histoire du féminisme. La lecture de l’introduction de son livre est de ce point de vue très éclairante, comme le note Elisabeth Philippe, journaliste à l’Obs : « Elle commence par dire que la querelle du féminisme est close. C’est assez amusant quand on voit à quel point ce livre est une matrice encore aujourd’hui pour le féminisme contemporain ». Au départ, le Deuxième sexe est avant tout « un grand livre philosophique » comme le souligne le professeur de philosophie Michel Kail, davantage qu’un acte militant.
« A partir de mai 1968, Simone de Beauvoir devient réellement une militante féministe. »
Alors à quel moment intervient la rupture ? Certainement dans les années 1960 et 1970, selon Françoise Picq : « Il a fallu attendre la rencontre a posteriori entre une pensée novatrice et un mouvement social qui s’est appuyé sur cette pensée » explique l’historienne. C’est donc l’appropriation de ce livre par les générations suivantes qui ont amené Beauvoir vers le féminisme. Pour Michel Kail également, la rupture a lieu dans les années 1960 : « A partir de mai 1968, Simone de Beauvoir devient réellement une militante féministe. Car à la fin du Deuxième sexe, elle explique qu’il faut « confier l’émancipation des femmes à la révolution socialiste ». Mais après 68, l’émancipation des femmes sera l’œuvre des femmes elles-mêmes. Il n’y aura plus de place à l’attente ou la concession : les féminismes s’écriront alors de manière radicale avec pour condition non négociable : l’autonomie de la lutte des femmes. C’est le message que portera désormais Simone de Beauvoir.
#Metoo certainement, queer peut-être pas.
Depuis la publication du Deuxième sexe, en 1949, jusqu’à la fin de sa vie, Simone de Beauvoir a donc constamment évolué dans sa façon de concevoir le féminisme. Reste que, si elle demeure une icône aujourd’hui, les nombreux courants qui s’en réclament ont depuis évolué. Quel regard porterait-elle sur les féminismes contemporains ? « C’est difficile de faire parler les morts, mais selon sa fille, elle aurait été du côté de #MeToo », assure Elisabeth Philippe. Une évidence selon Françoise Picq, qui apporte en revanche une nuance : « Il y a toute une évolution théorique qui a abouti au gender et au queer. Cette filiation-là se réclame de Simone de Beauvoir. Moi je pense qu’elle n’aurait pas été jusque-là. Elle dit clairement que si l’on n’avait pas la féminité, on ne serait pas totalement humaine ». Mais comme le dit si bien Elisabeth Philippe, il est difficile de faire parler les morts.
Retrouvez le replay du documentaire « Beauvoir, l’aventure d’être soi », de Fabrice Gardel, et le replay de notre émission Un Monde en Docs, sur notre site internet.
Bibliographie :
Libération des femmes ; quarante ans de mouvement, Françoise Picq (éditions dialogues.fr, Brest, 2011)
La domination masculine n’existe pas, Peggy Sastre (éditions Armand Colin, 2015)
Simone de Beauvoir philosophe, Michel Kail, (PUF, 2006)