StopCovid : « On franchit une ligne rouge »

StopCovid : « On franchit une ligne rouge »

Alors que la Cnil a donné son feu vert au déploiement de l’application de traçage, le Sénat s'apprête à en débattre via un vote consultatif mercredi 27 mai. A la chambre haute, le projet du gouvernement divise par-delà les clivages politiques.
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Par Fabien Recker

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Au Sénat, lapplication « StopCovid » continue de diviser. À la veille dun vote consultatif sur le lancement de cet outil de traçage destiné à lutter contre l’épidémie de Coronavirus, les réserves sont nombreuses. Mardi 26 mai, la Commission nationale de linformatique et des libertés (Cnil) a pourtant donné son feu vert au lancement de lapplication.

Sur la base du volontariat, StopCovid permettra à son utilisateur de garder la trace des personnes croisées sur une période de 15 jours, et d’être averti si lune de ces personnes se déclare testée positive au Covid19. Afin de garantir leur confidentialité, les données seront abritées derrière des pseudonymes.

La crainte du fichage

Initialement très réservée sur le sujet, la Cnil estime dans son communiqué que StopCovid est conforme au règlement général sur la protection des données (RGPD), le gouvernement ayant suivi les recommandations de son premier avis. Elle formule néanmoins de nouvelles exigences, comme la garantie pour les utilisateurs de pouvoir demander leffacement de leurs données. 

« La Cnil formule un avis juridique et technique » tempère la sénatrice socialiste Sylvie Robert, elle-même membre de la Cnil. « Mais jai aussi un avis politique. Je considère quen acceptant StopCovid on accepte un modèle de société auquel je nadhère pas. » Décriée par les défenseurs des libertés, lapplication suscite en effet la crainte du fichage. 

« Ça ne sert à rien »

Pour Loïc Hervé, « on franchit une ligne rouge ». Le sénateur centriste, co-rapporteur de la commission des lois sur le sujet, siège lui aussi à la Cnil. « On aura conçu une appli qui pourrait dans lavenir être utilisée à dautres fins, comme la lutte contre le terrorisme ou la surveillance des mouvements sociaux » met en garde le sénateur. « Or cela nentre pas en ligne de compte dans lavis de la Cnil, qui se prononce sur un sujet donné. »

Le gouvernement a beau avoir érigé des garde-fous pour garantir la confidentialité, le traitement automatisé de données de santé ouvrirait la boîte de Pandore. « Aller sur ce terrain-là est un précédent dangereux » avertit Jérôme Durain. À linstar de nombre de ses collègues, le sénateur socialiste de la Saône-et-Loire questionne aussi lefficacité de lappli. « En Autriche, une appli a été développée et téléchargée 500 000 fois, pour 8,8 millions dhabitants. Les Autrichiens nous disent que ça ne sert à rien, quils se débrouillent très bien avec les brigades humaines. »

Volontariat

« Il y a un combat dexperts sur le taux minimal dutilisation dans la population pour que ce soit efficace » renchérit Loïc Hervé. « Certains disent  60%. Je doute vraiment que 60% des Français téléchargent ce truc ». Dautant que le dispositif arriverait au mauvais moment. « On nous explique que l’épidémie circule moins vite et moins fort » rappelle Jérôme Durain. « Comment donner envie à nos concitoyens de télécharger une appli dont on ne perçoit pas lutilité, mais les risques ? » 

Pourtant fervent défenseur de lappli de traçage, le sénateur (LR) de lAin Patrick Chaize admet lui aussi que lefficacité du système n'est pas garantie. « Je ne suis pas sur la ligne du volontariat. Je trouve quil enlève tout lintérêt dune application comme celle-là. Cest comme les gens qui mettent le masque et ceux qui ne le mettent pas. On ne va pas au bout de la démarche » regrette le sénateur, qui votera quand même pour StopCovid mais attend encore des précisions de la part du gouvernement. En particulier sur le libre accès à lintégralité du code source de lapplication, ce qui est aussi une des demandes de la Cnil.

« Ce n'est pas le Graal »

Patrick Chaize se félicite toutefois que la France ait pu développer une solution technique franco-française, indépendante des géants américains du numérique. Piloté par les chercheurs de l'INRIA, le projet a associé plusieurs industriels tricolores. L'approche française d'un système de traçage centralisé est pourtant à rebours des choix opérés par ses voisins européens, et enterre la possibili d'une harmonisation européenne en matière de suivi des cas contacts.

Ce qui n'empêche pas le sénateur (Les Indépendants) du Nord Dany Wattebled, co-rapporteur pour la commission des lois du dossier StopCovid, de défendre StopCovid. Lappli « nest pas le Graal, mais il faut bien prendre ça comme un moyen complémentaire, avec les brigades ou les gestes barrières » estime Dany Wattebled. « Ça permet didentifier des foyers dans des endroits très denses, comme des métros, sur lesquels on navait pas de vision. Même si 10 ou 15% des gens lutilisent, cest déjà ça. Le peu qui sera fait, cest en plus. »

Vote consultatif

Mercredi 27 mai en soirée, des sénateurs divisés seront donc amenés à débattre puis à voter sur la proposition du gouvernement. « La façon dont cest amené, à 21h30 pour un vote indicatif, nest pas à la hauteur des enjeux » juge Jérôme Durain. « On est dans un entre-deux qui définit bien cette zone grise où vient se situer StopCovid, à la fois dans le champ de lutilité sanitaire et dans le champ des libertés publiques. »

Le groupe socialiste devrait voter majoritairement contre le déploiement de lapplication. Chez les centristes se dessine une majorité d'abstentions et de votes contre, tandis que les LR devraient voter « plutôt pour » à en croire Patrick Chaize. Bien que le vote soit indicatif, « si le Parlement devait sopposer au déploiement de StopCovid, lapplication ne serait pas déployée » a fait savoir le secrétaire d'État chargé du numérique Cédric O dans un entretien accordé au Figaro.

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