Suppression de la taxe d’habitation : explications sur l’imbroglio au gouvernement

Suppression de la taxe d’habitation : explications sur l’imbroglio au gouvernement

La ministre Jacqueline Gourault a évoqué la piste d’un nouvel impôt pour remplacer la fin de la taxe d’habitation, avant de se raviser. Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire assure qu’il n’y aura pas de nouvel impôt. Des propos contradictoires qui cachent une réforme complexe.
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Les impôts sont toujours un sujet sensible. François Hollande, dont les hausses d’impôt de début de mandat avaient été reprochées, le sait bien. Alors la question de la suppression de la taxe d’habitation, décidée par Emmanuel Macron, et ses conséquences, est à traiter avec attention. Et sans couac.

Suppression de la taxe d’habitation pour tous en 2020

Le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a assuré ce vendredi qu’il n’y aurait « pas de nouvel impôt pendant le quinquennat » pour remplacer la taxe d’habitation. L’exécutif a déjà annoncé la suppression de la mesure pour 80% des Français, avant de l’entendre à tous pour 2020. De quoi éviter que le Conseil constitutionnel n’invalide à l’avenir la mesure.

Si Bruno Le Maire a apporté avec insistance cette précision, c’est suite aux propos la veille de la ministre Jacqueline Gourault. Elle n’a pas écarté l’idée d’un nouvel « impôt plus juste ». La taxe d’habitation étant l’une des ressources principales pour les communes, l’Etat a assuré son remplacement à l’euro près dans l’immédiat, tout en lançant une réflexion globale sur la fiscalité locale, comme l’a promise Emmanuel Macron lors du congrès des maires.

« Grand débat »… vite clos

« Le grand débat, c'est est-ce qu'on passe d'un système (...) où vous demandez une part d'un impôt national (...) ou est-ce qu'on conserve (...) des impôts locaux qui sont prélevés sur une assiette qui est définie et avec des taux qui sont fixés ? », a expliqué l’ancienne vice-présidente du Sénat dans Questions d'info sur LCP-France Info-Le Monde-AFP. A titre personnel, Jacqueline Gourault préfère la seconde option, qui est aussi demandée par les élus locaux : « Je pense que, pour le bloc communal, il est important de laisser un impôt en lien avec le territoire, c'est-à-dire les citoyens ».

Si les propos de la ministre Modem ont laissé entendre que l’arbitrage n’était pas fait, elle a dû se fendre d’un tweet dans la soirée, coupant court au débat. Elle a assuré que la taxe d’habitation « ne sera pas remplacée par un autre impôt ». Puis ce vendredi, tweet du même ordre du porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner.

Autonomie fiscale des collectivités

Fin du débat ? Peut-être pas encore. La difficulté pour Emmanuel Macron vient du fait que l’autonomie fiscale des collectivités doit être assurée. « Ça ne peut pas être une dotation de l’Etat. Ça doit être forcément un impôt ou une part d’impôt et de préférence sur lequel la collectivité peut jouer en terme de taux, sinon vous êtes pieds et poings liés » explique Philippe Dallier, vice-président LR du Sénat et ancien maire de Pavillons-sous-bois.

Si le gouvernement n’est pas obligé de remplacer la taxe d’habitation par un nouvel impôt local, il faut dans ce cas réserver une part d’un impôt existant aux collectivités. Lors de la première conférence nationale des territoires, en juillet dernier au Sénat, Emmanuel Macron avait déjà évoqué cette piste avec « une part d’impôt national qui pourrait être attribuée aux communes, une part de CSG ou de CRDS qui est un impôt au moins proportionnel ».

Une part de l’impôt sur le revenu pour les communes ?

« Un bout de CSG ou de CRDS, c’est complètement ridicule. Ça sert à financer la protection sociale. Ou à la rigueur, d’accord pour les départements qui financent le RSA et l’allocation personnalisée à l'autonomie, mais il n’y a pas de lien avec les communes » juge Philippe Dallier. Le sénateur de Seine-Saint-Denis évoque une autre piste : « Une part de l’impôt sur le revenu. Dans ce cas, pour le contribuable, il faudra identifier ce qui relève de la part pour l’Etat et celle qui revient à la commune. C’est l’une des hypothèses ». Une piste qui pourrait bien alimenter le rapport commandé sur le sujet par le premier ministre au sénateur LREM du Val-d’Oise, Alain Richard, et au préfet de région Dominique Bur.

Mais si le gouvernement trouve la solution technique, reste à la financer. Ce n’est pas le plus simple, au contraire. « Supprimer 80% de la taxe d’habitation, c’est déjà un coût de 10 milliards d’euros. Si on la supprime totalement, il faut trouver au total 19 milliards d’euros… Mais où le gouvernement va-t-il les trouver ? Ou alors, il faut creuser le déficit, mais ce n’est pas l’objectif » souligne Philippe Dallier. Il faudra soit réaliser d’énormes économies ailleurs. Soit… améliorer les recettes fiscales. Si l’on prend aux mots Bruno Le Maire, affirmer qu’il n’y aura pas de nouvel impôt ne signifie pas que les impôts existant ne pourront pas augmenter. Supprimer la taxe d’habitation et, « en même temps », financer la mesure, c’est la réforme complexe d’Emmanuel Macron.

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