Suspension de comptes Twitter de journalistes : « Elon Musk ne défend que ses propres intérêts »

Suspension de comptes Twitter de journalistes : « Elon Musk ne défend que ses propres intérêts »

Twitter a suspendu jeudi les comptes de plusieurs journalistes qui couvraient le réseau social et son nouveau propriétaire Elon Musk, suscitant un tollé international. Alors que le milliardaire assure que les reporters ont mis en danger sa famille par la diffusion de sa géolocalisation, Thomas Huchon, journaliste d’investigation et spécialiste des questions numériques, revient pour Public Sénat sur une « erreur stratégique » commise par la direction du réseau social.
Public Sénat

Par Steve Jourdin

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Publié le

Elon Musk a suspendu les comptes de plusieurs journalistes américains. Comment expliquer cette décision arbitraire ?

Il faut préciser que les comptes supprimés sont des comptes de journalistes hyper compétents, qui ne font que rapporter ce qu’il se passe sur twitter. Ils se sont fait les relais de ceux qui critiquent Elon Musk, mais ils ne sont pas eux-mêmes des « opposants » à ce dernier.

On parle des meilleurs journalistes en matière de tech, comme Donie O’Sullivan de CNN, qui fut le seul à être entré au Capitole avec les QAnon au moment de l’assaut du 6 janvier. Elon Musk a décidé de montrer les crocs, de manière assez forte et immédiate. Et cela risque de créer un précédent.

 

Compte tenu de la personnalité sulfureuse d’Elon Musk, est-ce que cela vous surprend ?

Priver les utilisateurs de tweeter des analyses de journalistes comme Donie OSullivan est une erreur stratégique, car ceux qui vont sur la plateforme le font souvent pour sinformer. Mais cette décision ne me surprend pas, car tous ceux qui voient dans Twitter autre chose qu’une entreprise privée et dans Elon Musk autre chose quun patron égocentrique et monomaniaque se trompent. Musk n’a aucune obligation démocratique : il ne défend que ses propres intérêts.

 

L’Union européenne a lancé ce vendredi un avertissement à Elon Musk, en précisant que ce genre de pratiques pourraient à l’avenir être soumises à des sanctions dans le cadre la nouvelle législation européenne (DSA), qui entrera en vigueur dans le courant de l’année prochaine. Cette nouvelle réglementation va-t-elle dans le bon sens ?

 

Toute la question est de savoir quelles activités de Twitter seront couvertes par la nouvelle législation. Prenons l’exemple de Facebook. La plateforme a une représentation en Europe et en France, mais ses bureaux dans l’hexagone ne gèrent pas les questions de données personnelles ou de ciblage publicitaire. Ils ne s’occupent que de communication et de business, alors que les données personnelles sont gérées à l’étranger, ce qui permet d’échapper aux législations européennes.

Le même problème va se poser pour Twitter. En ce moment, les GAFAM sont en train de réorganiser leurs activités en Europe en prévision de la nouvelle loi, qui posera certes des contraintes aux géants du numérique, mais qui devra aussi faire face à la créativité de ces derniers en matière d’exonération de leurs responsabilités.

 

Elon Musk est entré dans un bras de fer politique avec les représentants de la gauche démocrate. Est-ce que le rachat de Twitter en octobre a selon vous contribué à politiser la plateforme ?

 

Elon Musk est depuis longtemps un défenseur de l’Alt-right, partisan d’une ligne très radicale. Ce qu’il faut noter, c’est que Twitter n’a pas de concurrent de gauche. Il n’existe aujourd’hui aucun équivalent qui réunirait les personnes de gauche, alors que les partisans de la droite et de l’extrême droite peuvent échanger sur trois autres réseaux sociaux (Parle, Truth Social, Gab).

Les influenceurs les plus extrémistes ne sont donc plus sur Twitter. Or, si les appels du pied d’Elon Musk à l’extrême droite sont un prolongement de son idéologie, son objectif est de faire revenir tous ceux qui ont quitté la plateforme ces dernières années. Elon Musk est un businessman, mais il a aussi une ambition politique.

 

Deux mois après le rachat de Twitter pour 44 milliards de dollars, quel bilan tirez-vous ?

C’est terrifiant, à tous points de vue. Depuis le rachat, on ne sait plus quelles sont les règles applicables, notamment en matière de modération des contenus. Les 62 000 comptes suspendus avant la prise de contrôle de Musk ont été fermés car ils avaient enfreint les règles du réseau. Aujourd’hui, c’est le grand flou.

Mais il serait faux de croire qu’Elon Musk est davantage un danger pour la démocratie qu’un Mark Zuckerberg ou un Jeff Bezos. Les réseaux sociaux dans leur ensemble nous posent un immense défi, car ils sont fondés sur l’émotion, le clivage et la violence. Leurs algorithmes sont souvent aberrants. Par exemple, pourquoi Facebook a-t-il décidé d’interdire les tétons alors qu’il autorise la diffusion de croix gammées ? Il faut trouver le moyen de mettre ces plateformes face à leurs responsabilités, en leur appliquant les mêmes règles qu’aux médias traditionnels.

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