Tensions en Guadeloupe et en Martinique : « La verticalité du pouvoir », mise en cause par les parlementaires
A lendemain du message de fermeté de l’exécutif adressé aux auteurs de violences en Guadeloupe, les sénateurs regrettent le manque de réactivité du gouvernement et appellent ses membres à se rendre sur place au plus vite.

Tensions en Guadeloupe et en Martinique : « La verticalité du pouvoir », mise en cause par les parlementaires

A lendemain du message de fermeté de l’exécutif adressé aux auteurs de violences en Guadeloupe, les sénateurs regrettent le manque de réactivité du gouvernement et appellent ses membres à se rendre sur place au plus vite.
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« On est dans l’indifférence et parfois dans l’ignorance des problèmes ». Invité de la matinale de Public Sénat, Bonjour chez vous, l’ancien ministre et sénateur socialiste de Guadeloupe, Victorin Lurel est revenu sur sa rencontre avec les membres du gouvernement lundi soir, lors d’une réunion de crise.

Après plus d’une semaine de blocage et de violences en Guadeloupe contre le passe sanitaire et l’obligation vaccinale des soignants, le Premier ministre, accompagné du ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu et du ministre de la Santé Olivier Véran, a reçu, à leur demande, les parlementaires du territoire. A la sortie, Jean Castex a condamné, « avec la plus extrême fermeté, ces violences. Leurs auteurs sont et continueront d’être arrêtés et jugés », a-t-il martelé.

« Il y a eu un temps d’écoute. Est-ce qu’on a vraiment été entendus ? On le verra très bientôt […] Je comprends qu’il faille condamner les violences, les vols, les pillages, qu’il faille rétablir l’ordre […] Je suis réaliste. Il est difficile d’engager des discussions lorsqu’il y a le feu dans les habitations et dans les rues. C’est une évidence. Mais si le sécuritaire est la seule et unique réponse, le signal qui est envoyé n’est pas bon », a prévenu Victorin Lurel.

« Ce que nous avons dit hier soir aux élus, c’est que la loi de la République s’appliquera »

Au même moment sur France Inter, le ministre de l’Intérieur a martelé le message de l’exécutif : « Ce qui est certain, c’est que le rétablissement de l’ordre public est le préalable à toute discussion évidemment ».

Mais pas question de transiger sur la revendication originelle de l’intersyndicale à l’origine de l’appel à la grève générale en Guadeloupe le 15 novembre dernier : le rejet de l’obligation vaccinale des soignants. « Ce que nous avons dit hier soir aux élus, c’est que la loi de la République, pour la protection sanitaire des Guadeloupéennes et des Guadeloupéens, elle s’appliquera », a confirmé le ministre des Outre-mer sur France 2, rappelant que 87 % des soignants en Guadeloupe, étaient vaccinés mais seulement 43 % des pompiers. « Mais l’autorité n’est pas l’autoritarisme. Aujourd’hui vous avez 1400 soignants qui ont été suspendus […] mais ce que nous ont dit les élus hier soir, c’est qu’il fallait des solutions sociales » a-t-il ajouté.

Lire notre article: Outre-mer : le Sénat alerte sur « les conséquences dramatiques » qu’aurait une 5e vague

Pour ce faire, une « instance de dialogue » a été mise en place afin de « convaincre et d’accompagner individuellement, et humainement » les professionnels concernés par l’obligation vaccinale. « Avec 1400 soignants non vaccinés, l’exécutif peut se permettre de faire un accompagnement personnalisé et de la médiation auprès des non vaccinés. Il y a des soignants qui ne veulent pas de vaccin ARN messagers. Un dialogue va être engagé avec eux pour voir quel autre vaccin pourrait leur être proposé en fonction de leur âge et de leur état de santé. Pour ceux qui le souhaitent, des possibilités de reconversion professionnelle seront également proposées », a expliqué à publicsenat.fr lundi soir, la sénatrice socialiste Victoire Jasmin.

« L’ordre républicain n’est plus appliqué partout sur le territoire national », dénonce Éric Ciotti

Mardi matin, le groupe LR du Sénat recevait le candidat à l’investiture du parti, Éric Ciotti et les violences en Guadeloupe qui débordent désormais en Martinique étaient au menu des discussions. En Martinique, un appel à la grève générale a été lancé par 17 organisations syndicales aux revendications variées, parmi lesquelles la fin de l’obligation vaccinale et des suspensions pour les soignants. Et comme en Guadeloupe, s’ajoute des revendications sociales telles que la hausse des salaires, des minima sociaux et la baisse des prix des carburants et du gaz. Des forces de l’ordre et des pompiers ont été à plusieurs reprises pris pour cibles par des tirs d’arme à feu dans la nuit de lundi à mardi à Fort-de-France sans faire de blessés.

« Il y a des entreprises de déstabilisation de ces territoires qu’on a trop longtemps abandonné. Mais ce qui se passe en Outre-mer, ce passe aussi dans un certain nombre de nos quartiers. Il y a une défaillance de l’autorité républicaine. L’ordre républicain n’est plus appliqué partout sur le territoire national et ça doit être une priorité aussi pour le futur président de la République », n’a pas manqué de mettre en avant le député des Alpes-Maritimes, qui tient une ligne droitière.

« La démocratie est en panne »

Un autre reproche qui pointe chez les parlementaires, c’est le manque de concertation avec les élus. « Le gouvernement n’écoute pas toujours ces élus au Parlement ou au niveau local et donc se retrouve face à la rue […] La démocratie est en panne », a souligné Victorin Lurel.

Sur LCI, le président du Sénat, Gérard Larcher a noté qu’en Guadeloupe et Martinique, « comme ailleurs, il y a une verticalité des décisions, une absence de dialogue entre les élus et les agences régionales de santé. On est là sur le vrai sujet : c’est une manière de gouverner sur laquelle il faut être particulièrement attentif notamment en Outre-mer ».

« Sébastien Lecornu doit sauter dans l’avion et y aller tout de suite ».

« Le gouvernement n’a pas été assez réactif. On sait qu’il est gêné sur cette question de la vaccination en Outre-mer depuis quelque temps. Les ministres de l’Intérieur, de l’Outre-mer, de la Santé doivent se rendre sur place pour prendre la mesure des choses. Mais ils auraient surtout dû y aller avant cette escalade de violences », déplore, la sénatrice LR, Dominique Estrosi Sassone.

François-Noël Buffet, président de la commission des lois du Sénat appuie : « Sébastien Lecornu doit sauter dans l’avion et y aller tout de suite ».

Au Sénat, une mission d’information du Sénat sur les effets du confinement a rappelé les causes historiques de cette défiance d’une partie de la population antillaise vis-à-vis de l’État et de la parole officielle. Elle est liée à « l’occultation prolongée des conséquences de l’usage de la chlordécone (un pesticide ayant contaminé les sols et les populations) », et aux « fake news à propos du vaccin » qui circulent sur les boucles WhatsApp.

Lire notre article: En Martinique, les fractures du covid

Pour Victorin Lurel, « le gouvernement a perdu la bataille de la communication qu’il n’a pas livrée »

« Le refus de la vaccination sur place c’est quelque chose d’extrêmement inquiétant mais il faut dissocier ce problème de la crise sociale et du sentiment de mal-être d’une partie de la population », relève la sénatrice LR, Jacqueline Eustache-Brinio.

Pressé de se rendre sur place par l’opposition, dont Gérard Larcher, Sébastien Lecornu se défend de tout attentisme et évoque « une surcharge pour les forces de l’ordre » en cas de déplacement imminent. « On va y aller en Guadeloupe […] Je conteste cette espèce de politicaillerie spectacle dans laquelle il faudrait s’agiter devant les caméras […] Cette question est politicienne. C’est depuis que les candidats LR ont agité cette question dimanche soir, qu’elle est entrée dans le débat public », dénonce-t-il.

 

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